Pour réussir en politique, il est parfois nécessaire de ne pas se jeter dans l’arène prématurément. Sans aller jusqu’à se faire désirer, entretenir un certain mystère quant à son avenir peut s’avérer judicieux. Avec plus de trois décennies d’expérience derrière lui, Bruno Magras maîtrise parfaitement l’exercice. Son allocution du mardi 24 août, à l’occasion de la fête patronale de Saint-Barthélemy, en est l’illustration. Pendant près de quarante minutes, le président de la Collectivité a soigneusement distillé des indices contradictoires tout au long de son discours. Non sans une facétieuse gourmandise, comme en témoignera le sourire, discret mais satisfait, qu’il affichera à sa descente de l’estrade.
Bilan puis conseils aux successeurs
« Notre bilan est exceptionnel. » Pour son entame, Bruno Magras n’y va pas par quatre chemins. Ses quelques opposants présents dans l’auditoire apprécient certainement. Bruno Magras se lance alors dans une longue énumération des engagements « tenus » lors de la mandature commencée en 2017. Sans oublier « ce que nous n’avions pas prévu de faire et que nous avons accompli », précise-t-il avant d’ajouter : « Notre île se porte bien et elle dispose de toutes les cartes pour aborder sereinement la prochaine décennie. » Un tournant dans le discours du président « sortant ».
En effet, la suite de l’allocution sonne comme une liste de conseils à sa succession. «Les élus de demain seront comptables de cet héritage forgé avec constance mais facile à dilapider par négligence ou idéologie, lance-t-il. Pour les dix prochaines années, notre île devra éviter plusieurs écueils et relever de nouveaux défis. » Toutefois, il va sans dire que « les élus de demain » peuvent compter un certain Bruno Magras dans leurs rangs. Enfin, à leur tête. Car, comme le précise quelques minutes plus tard l’intéressé : « J’ai fait face aux pires catastrophes que l’île a connu, mais avec courage j’ai résisté et... Je suis toujours fidèle au poste. »
« Elu cinq fois au premier tour »
Un propos que l’élu ne manque pas d’appuyer en prenant soin de rappeler sa longévité. Mais pas seulement. « Nous sommes à quelques mois des prochaines échéances électorales et j’arrive au terme de mon cinquième mandat, insiste-t-il. J’ai été élu et réélu à cinq reprises au premier tour. Un score ! » Comme un message adressé à ceux qui imaginent - cette fois encore - être en mesure de l’éjecter de « son » fauteuil de président.
Alors, était-ce une allocution de futur candidat ou celle d’un président qui dresse son bilan avant tirer sa révérence? Lorsqu’il est invité à se prononcer, Bruno Magras esquisse un sourire malicieux et s’exclame : « Je n’y avais même pas pensé ! Maintenant je vais être obligé de me poser la question. » Nul doute qu’il ne sera pas le seul à se la poser. Du moins jusqu’au 11 janvier, date traditionnelle à laquelle il annonce officiellement ses candidatures.