Saint-Barth -

Avec l’affaire Maurice Audin, Emmanuel Macron a fâché les anciens d’Algérie

En septembre, le président de la République a reconnu la responsabilité de la France dans la mort de Maurice Audin dans la bataille d’Alger, en 1957. Une décision historique qui a contrarié la majorité des anciens combattants d’Algérie, dont ceux de Saint-Barth.

 

Pourquoi donc remuer le couteau dans la plaie ? L’Algérie c’était une guerre avec ses atrocités, sûrement de part et d’autre. Comment les politique peuvent-ils se permettre de juger l’histoire ? Laissons la place aux historiens » avait déclamé Lucien-Pierre Couic, président de la Fédération des anciens combattants de Saint-Barthélemy, mi-septembre à Lorient, après la reconnaissance par Emmanuel Macron de la responsabilité de l’Etat dans la torture et l’assassinat de Maurice Audin en 1957.

 

Maurice Audin, jeune mathématicien communiste, militant en faveur de l’indépendance de l’Algérie, avait été arrêté par l’armée française lors de la bataille d’Alger, en 1957. Il était âgé de 25 ans. Son corps n’a jamais été retrouvé. Depuis, sa famille se bat pour connaître la vérité. Le président Macron ne s’est pas arrêté au cas de Maurice Audin, mais a reconnu plus largement la faute de l’Etat français dans son ensemble, pour avoir recouru à la torture lors de la guerre d’Algérie. Par ailleurs, toutes les archives de l’Etat sur les disparus d’Algérie (plusieurs milliers de personnes, dont environ 500 soldats français) ont été ouvertes par l’Elysée, qui a également lancé un appel à tous ceux qui pourraient posséder des documents ou témoignages, afin de « participer à cet effort de vérité historique. Il en va de l’apaisement et de la sérénité de ceux que la guerre d’Algérie a meurtris », explique Emmanuel Macron dans sa lettre à Josette Audin, veuve de Maurice Audin.

 

« Ces années passées à combattre, nous n’y sommes pour rien… »

Un geste historique qui a contrarié la majorité des anciens d’Algérie, dont 22 sont membres des Anciens combattants de Saint-Barthélemy.

« Messieurs les présidents de la République, attendez que le dernier combattant de cette guerre d’Afrique du Nord ne soit plus. Nous avions 20 ans et ces années passées à combattre, nous n’y sommes pour rien… » poursuit Lucien-Pierre Couic. « Le président de la République s’en va « réconforter » au nom de la France la famille Audin. Oui, Maurice Audin, militant communiste mort dans une prison à Alger, convaincu d’intelligence avec le FLN. Et les soldats français morts pour la France, le millier d’hommes disparus, les traumatisés de cette opération de maintien de l’ordre qui ne prit le nom de guerre bien après ? »

 

Si les anciens militaires sont choqués, ils ne sont pas surpris par la décision présidentielle. Dès son élection en 2012, François Hollande avait dénoncé le « système injuste et brutal de la colonisation », et reconnu « les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien ».

 

Quelques mois après son élection, Emmanuel Macron parlait de la colonisation comme « un crime contre l’humanité ». Pour Lucien-Pierre Couic, « ce dénigrement de l’Etat français et de son passé colonial est un danger extrême ».

 

Ces débats toujours aussi enflammés sur la violente guerre d’Algérie attestent que la sérénité et les faits sont encore loin de remplacer les souffrances, quel que soit le côté où elles persistent. Le chef de l’Etat espère que le règlement de l’affaire Audin « doit être aussi un symbole qui déclenche quelque chose ». Un apaisement, cinquante-six ans après la fin de la guerre d’Algérie.


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A lire 

Si vous êtes intéressés par le sujet, on ne saurait que trop vous recommander de lire « L’art de perdre » d’Alice Zeniter, prix Goncourt des lycéens en 2017. L’auteure s’est entourée d’historiens et de sociologues pour raconter le parcours de sa famille sur trois générations. Un roman qui laisse entrevoir dans toute sa complexité l’histoire avec un grand H, tout en finesse et en nuances, et sans règlement de comptes. Une lecture, qui plus est, accessible à tous dès l’adolescence.





JSB 1302

Journal de Saint-Barth N°1302 du 08/11/2018

Grattis på födelsedagen ! (Joyeux anniversaire !)
L'île se souvient de la Grande Guerre