Saint-Barth -

La motion de défiance pour démettre Xavier Lédée de ses fonctions sera examinée le 17 mars

L’annonce de la procédure engagée par le groupe Action-Équilibre a surpris tout le monde, ou presque. Le lundi 3 mars, dans la matinée, la deuxième vice-présidente de la Collectivité, Bettina Cointre, a remis en main propre au directeur général des services un document signé par les huit conseillers territoriaux du groupe : Marie-Hélène Bernier, Bettina Cointre, David Blanchard, Maxime Desouches, Dimitri Lédée, Jonas Brin, Pascale Minarro Baudoin et Cécile Rubino  ­Tessier. Il s’agit d’une motion de défiance et elle a pour but de réclamer un vote destiné à évincer Xavier Lédée de son fauteuil de président. Ce, au profit de la première vice-présidente et cheffe de file d’Action-Équilibre, Marie-Hélène Bernier.

« Chaque élu devra prendre ses responsabilités »
Dans un communiqué diffusé en ligne, le groupe explique le sens de sa démarche. « La dernière réunion du conseil territorial a mis en lumière, une fois de plus, l’inaction et l’absence de volonté de Xavier Lédée à travailler avec tous les élus. De plus, face aux déclarations de Xavier Lédée devant les parlementaires susceptibles de remettre en cause le statut de notre collectivité, nous ne pouvions rester sans réagir. Étant le seul groupe légitime et en capacité de le faire, nous prenons nos responsabilités, nous avons donc décidé de déposer cette Motion. Cette démarche s’inscrit dans une volonté de sortir de l'immobilisme et de mener à bien les projets à venir. » Le groupe justifie le choix de Marie-Hélène Bernier en écrivant : « Hélène Bernier est bien connue pour son énergie et sa détermination et a autour d’elle une équipe motivée et compétente. Contrairement à Xavier Lédée, elle fera appel à tous les élus volontaires, pour tenter de rattraper tout le retard accumulé depuis trois ans. »
Pour les élus d’Action-Équilibre, cette démarche entreprise sans concertation préalable avec la formation d’opposition constituée des six élus de Saint-Barth d’Abord (Romaric Magras, Micheline Jacques, Alexandra Questel, Francius Matignon, Rudi Laplace et Sandra Baptiste) émane d’une volonté de contraindre l’ensemble des conseillers territoriaux à se positionner clairement. « Chaque élu devra prendre ses responsabilités lors de la réunion à venir où un minimum de 10 votes sera nécessaire, écrivent-ils. Si cette Motion ne recueille pas le nombre de votes nécessaires, Xavier Lédée restera en place avec tous les risques que cela fait courir pour l’île et continuera de donner une image déplorable de notre collectivité. Les élus voteront donc en leur âme et conscience et décideront s’ils souhaitent apporter à la Collectivité la stabilité dont elle a besoin. »

Une liste «non exhaustive» de griefs
La motion de défiance déposée par le groupe Action-Équilibre dresse une liste « non exhaustive» de dix raisons pour lesquelles cette démarche a été enclenchée. Ils évoquent l’incapacité présumée du président à « animer le travail de sa majorité » et, au contraire, le fait qu’il aurait été « un obstacle à l’avancée des dossiers». Ils rappellent également que « le président a tenté pour une simple affaire de conflit de personnes d’instrumentaliser l’affaire à son profit en tentant d’éliminer sa première vice-présidente et en refusant de lui apporter la protection fonctionnelle à laquelle elle pouvait prétendre ». Ils reprochent aussi à Xavier Lédée de « se substituer aux élus en charge de secteurs » et de « faire de la rétention d’informations », de ne pas avoir cédé aux demandes de départ de son directeur de cabinet par le groupe et d’avoir « maintenu dans l’effectif des agents de la Collectivité un agent sans affectation de poste dans l’organigramme ». « Indécision » qui « bloque » ou «retarde » l’avancée de certains dossiers, échec dans sa mission « en matière de logement et de maîtrise du développement du territoire », perte de la confiance des élus « par ses agissements et ses manquements », perte de sa majorité au sein du conseil, les arguments avancés par les élus d’Action-Équilibre se succèdent. Toutefois, celui qui parait avoir été à l’origine du dépôt de cette motion de défiance, la goutte d’eau qui semble avoir fait déborder le vase, c’est manifestement le contenu des propos de Xavier Lédée lors d’une audition par deux députés chargés de rédiger un rapport sur l’avenir institutionnel des outre-mer. La fameuse «clause de revoyure » évoquée dans les précédentes éditions du JSB.
En conclusion du document, le groupe Action-Équilibre indique que « les élus du conseil territorial seront invités à considérer cette motion de défiance lors d’une réunion devant se tenir au plus tard le vendredi 7 mars à 18 heures». Pourtant, à l’heure où le JSB bouclait cette édition, le mercredi 5 mars, aucune réunion n’avait été officiellement été annoncée.

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Xavier Lédée dénonce « des allégations vagues et mensongères »

Sollicité par le JSB, à la fois par message téléphonique et par courriel, afin qu’il s’exprime à la suite du dépôt d’une motion de défiance par le groupe Action-Équilibre, le président de la Collectivité n’a pas daigné répondre au Journal. Toutefois, Xavier Lédée s’est fendu d’une allocution longue de cinq minutes sur la page d’un réseau dit “social” sur laquelle, depuis le début de l’année, il publie chaque semaine un résumé de ses activités hebdomadaires. Un espace qu’il a donc choisi d’occuper le mercredi 5 mars avec une vidéo et la retranscription par écrits de ses propos.
Au cours de cette intervention, Xavier Lédée répond au groupe Action-Équilibre en indiquant aux habitants qu’il souhaite les « rassurer » et les « informer ». Il déclare que «depuis plus d’un an », le groupe Action-Équilibre tente de « convaincre » la population que « la Collectivité est à l’arrêt et que rien n’avance ». Il poursuit : « Pire, il vous fait croire que je conduis seul avec les assemblées représentatives de l’État des démarches qui auraient vocation à faire perdre à la Collectivité l’autonomie pour laquelle elle s’est battue. » Sur ce point, il est à noter que le groupe Saint-Barth d’Abord, le président honoraire de la Collectivité Bruno Magras et l’ancien sénateur Michel Magras sont également montés au créneau pour dénoncer la proposition d’instaurer une « clause de revoyure » pour Saint-Barthélemy contenue dans un rapport rédigé par deux députés sur l’avenir institutionnel des outre-mer. Ce, après avoir auditionné le président Lédée. Ce dernier assure néanmoins : « A aucun moment, je n’ai tenu de propos qui consisterait à proposer une révision de notre statut fiscal, bien au contraire je le défends chaque jour et continuerai toujours de le défendre. Au contraire, les propos que j’ai tenu à l’Assemblée nationale sont les mêmes que ceux que j’ai tenu, devant le Sénat en présence de Micheline Jacques en octobre 2022 et devant les élus de Guadeloupe en compagnie du président honoraire Bruno Magras en mai 2024. »

«Une véritable diffamation»
Dans son allocution, le président affirme : « Parler d’immobilisme alors que la Collectivité gère actuellement plus de 200 projets qui répondent directement aux besoins de l’île et de ses habitants, prétendre une volonté de ma part de tout gérer seul alors qu’avec trois présidents de commissions issus des différents groupes (Bettina Cointre aux affaires culturelles, David Blanchard aux affaires sportives et Francius Matignon du groupe Saint-Barth d’Abord aux affaires scolaires) les projets sont menés en parfaite concertation, constituent une véritable diffamation. Les allégations vagues et mensongères relèvent du procès d’intention visant à me discréditer alors que nos actions commencent à porter leurs fruits. »
Attaqué de manière frontale, Xavier Lédée se retranche derrière les services de la Collectivité qu’il estime « sous pression » à cause de la démarche du groupe Action-Équilibre et affirme que celle-ci « tend à porter atteinte au respect des agents et à remettre en cause leur implication ».
Plus loin, le président Lédée déclare que le dépôt de la motion de défiance ne le surprend pas. « Elle résulte des conflits, animés et attisés par certains élus dont vous avez tous conscience, et ce, au détriment des intérêts réels de l’île », lance-t-il.

« Des projets se finalisent ou sont lancés »
Par ailleurs, il évoque des «agissements indignes, irrespectueux, mal intentionnés et potentiellement pénalement condamnables de certains élus ». Ce, sans préciser la teneur de ces « agissements pénalement condamnables » pour lesquels il ne mentionne aucune procédure en cours. Xavier Lédée prend également soin de ne pas nommer les élus auxquels il fait référence.
En conclusion, le président de la Collectivité énumère une série de réalisations achevée ou en cours puis déclare : « Cette liste, bien que non exhaustive, démontre clairement que la Collectivité n'est absolument pas bloquée. Des projets se finalisent ou sont lancés. D’autres doivent suivre tel que les écoles (projet lancé sous la précédente mandature et que la majorité élue en mars 2022 a abandonné en début de mandat avant de le relancer fin 2024, ndlr) ou l’hôpital (dossier porté par la première vice-présidente Marie-Hélène Bernier, ndlr) mais pour cela nous devons nous concentrer sur le budget, sans lequel rien ne sera possible et dont le vote est prévu le 27 mars. » En effet, initialement programmé le 20 mars, le conseil territorial consacré au vote du budget primitif 2025 a été repoussé au jeudi 27 mars. Reste à savoir si ce budget sera voté sous la présidence de Xavier Lédée ou celle de Marie-Hélène Bernier.

Le Conseil territorial se réunira le lundi 17 mars à 8h30 pour examiner puis voter la motion de défiance.

Journal de Saint-Barth N°1606 du 06/03/2025

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