Joseph Gerville Brin dit Lubin, né à Gouverneur en 1896, émigré à Saint-Thomas quand Saint-Barth n’était pas si fructueuse qu’aujourd’hui, blessé dans les tranchées de Verdun, puis facteur au grand cœur dans les mornes de son île natale.
Enfant déjà, Lubin Brin marchait, pieds nus, chaque jour entre Gouverneur et Gustavia pour se rendre à l’école. Puis comme de nombreux Saint-Barth à l’époque, il quitte sa terre natale pour gagner sa vie à Saint-Thomas. La guerre éclate en Europe, il est appelé en 1916 pour intégrer l’armée à Fort-de-France. C’est la grande traversée de l’Atlantique vers un tout autre monde : l’enfer de Verdun. On peine à imaginer ce qu’a pu ressentir un enfant de Saint-Barth du début du siècle, en débarquant dans l’Est de la France en 1917. Dans les tranchées, il survit à la guerre et à la grippe espagnole. Blessé, il reviendra sur l’île le dos bardé de cicatrices provoquées par un éclat d’obus. Parmi les Poilus il rencontre un certain Luciani avec lequel il se lie ; il nommera plus tard son fils Luciani en son souvenir. Durant la Première guerre mondiale il découvre également la Tunisie durant quelques mois.
De retour à Saint-Barth avec son casque en métal de soldat, il gagne sa vie en multipliant les petits boulots : cultivateur, commerçant, éleveur… Jusqu’à avoir assez d’argent pour acheter un terrain dans le quartier de Lurin, où il construit sa maison pour y vivre avec Marie, qui lui dit oui en novembre 1926. Le couple donne naissance à douze enfants, dont huit survivent, sept garçons et une fille.
Lubin Brin cultive la terre, fait pousser fruits et légumes dans le sol aride de Saint-Barth, pêche avec ses nasses fabriquées maison. Puis il intègre les PTT, la Poste d’alors. Le statut d’ancien combattant et de fonctionnaire facilite la vie, mais le métier reste très dur : pas de voiture ni de route sur l’île. Comme quand il était enfant, il emprunte les sentiers à pieds pour livrer les quelques missives aux habitants. Amoureux des bêtes, il aide ses concitoyens à soigner leurs animaux, soutient les femmes dont les époux ont émigré en les aidant dans les travaux quotidiens.
Lubin Brin n’a jamais manqué une cérémonie du 11 novembre, date de signature de l’Armistice, qui lui a permis de rentrer au pays. Il repose au cimetière de Saint-Jean depuis le 17 novembre 1986.
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