Avec ses baskets oranges, ses pantalons larges et sa chemisette rouge, Fredrik Thomasson ne s’affiche pas dans la panoplie habituelle de l’historien. De fait, c’est en toute décontraction que l’universitaire suédois franchit la grille du collège Mireille Choisy, le mardi 8 octobre. Le lendemain, ce spécialiste de la colonisation aux Antilles qui effectue depuis treize ans des recherches sur l’histoire de l’esclavage à Saint-Barthélemy participera à la cérémonie de commémoration de l’abolition de l’esclavage par le royaume de Suède, le 9 octobre 1847. Pour l’heure, il a rendez-vous avec des élèves de 4e. Pour évoquer la présence suédoise et l’esclavage à Saint-Barth, bien évidemment.
Dans la salle numéro 5, les collégiens écoutent studieusement l’introduction de Fredrik Thomasson. Pour mieux comprendre où l’historien entend les conduire pendant une heure, mais aussi pour s’imprégner de son accent et, ainsi, ne pas perdre une miette de son exposé. « Veuillez me pardonner pour la qualité de mon français », s’excuse le chercheur. Nul doute que plusieurs élèves ont dû se faire cette même réflexion : « J’aimerais pouvoir m’excuser du niveau de mon suédois avec la même aisance. » Quoi qu’il en soit, d’emblée, Fredrik Thomasson invite les élèves à l’interrompre pour lui poser des questions. « Ce sera plus simple que d’attendre la fin », sourit-il. Il ne va pas être déçu.
300.000 pages d’archives
L’historien adapte sans difficulté son discours à son jeune public. Après un résumé historique de l’acquisition de Saint-Barth par la Suède auprès de la France, il dévoile par rétroprojection deux cartes de Gustavia. Dont l’une, datée de 1788, montre une rade brodée d’à peine quelques habitations. Avec des mots simples et sans tourner autour du pot, il évoque l’organisation de la traite esclavagiste, le sort réservé aux Africains débarqués et vendus à Saint-Barth, leurs tâches imposées par la force, etc. « Pendant la période suédoise, la population comprenait environ 74% de Noirs pour 26% de Blancs », explique-t-il. Par le biais d’illustration, il détaille la vie sur l’île au 18e et 19e siècle. Puis les questions fusent.
Quelle langue parlaient les esclaves ? Y avait-il plus d’hommes ou de femmes ? le traitement des esclaves était-il moins dur à Saint-Barth que dans le reste des Antilles ? Avaient-ils le droit de se marier ? Une religion leur était-elle imposée ? A toutes ces interrogations, et à d’autres posées au fil de l’exposé, Fredrik Thomasson s’efforce d’apporter une réponse précise. Même s’il est parfois difficile d’être catégorique car, comme le précise l’historien, beaucoup de travail, de recherche reste à faire.
Pour illustrer son propos, il montre une photo des archives d’Aix-en-Provence où sont conserver les documents de l’époque suédoise. « Il y a environ quarante mètres de documentation et 300.000 pages, explique le chercheur. Je ne les ai pas encore toutes lues ! » mais à observer la curiosité de certains collégiens, il est possible que l’un d’entre eux, un jour, se décide à se plonger dans cette montagne de documents archivés en Provence.