Deux archéologues de l’Inrap étudient les vestiges du fort Gustaf, au pied du phare de Gustavia, avant qu’ils ne soient restaurés. Ces ruines sont uniques dans la Caraïbe.
Avant que les vestiges du fort Gustaf ne fassent l’objet d’une restauration, l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) a missionné deux spécialistes de l’archéologie du bâti pour les décrypter. « Le but est d’enregistrer les données qui permettent de comprendre la construction et la structure du fort, puisque la restauration va ensuite cacher ces données », explique Anne Jegouzo, l’une des deux archéologues de l’Inrap. Les pierres et briques ont été mises à nu, afin que les experts puissent étudier le squelette de cet ancien fort, les matériaux utilisés, etc.
Construction suédoise
de la fin du XVIIIe siècle
Une première semaine début mars a été consacrée à la poudrière et à la cuisine, une seconde session de travail débutera à partir du 6 juillet sur les autres restes de ce fort. « Une petite batterie avait été construite ici par les Français au 17e siècle. Quand les Suédois arrivent en 1785, ils construisent le fort Gustaf sur cet ancien fortin. Il y avait deux bâtiments sous la station météo actuelle, et il reste aujourd’hui la citerne, la guérite, la cuisine et la poudrière. En contrebas, une caserne permettait de loger une trentaine de militaires », décrit Anne Jegouzo. « Parallèlement, ils installent le fort Karl (au dessus de Shell Beach, ndlr), qui est plus une batterie qu’un fort, et le fort Oscar (la gendarmerie, ndlr). Mais c’est bien le fort Gustaf qui est le plus important. Gustavia était un port franc qui avait donc besoin d’une véritable protection, surtout que des conflits européens se répercutaient dans la Caraïbe. D’ailleurs les Anglais ont envahi Saint-Barthélemy pendant quelques années. » Des forts comme ceux de Gustavia se retrouvent sur la plupart des îles de la Caraïbe, mais ceux de Saint-Barthélemy sont uniques car ils sont les seuls à avoir été bâtis par des Scandinaves. « Les éléments d’architecture sont potentiellement dissemblables, le mode de construction diffère. On le voit par exemple dans la façon de tailler les pierres et de monter les murs ; les vestiges français sont faits de pierres rectangulaires, en alternance entre pierres courtes et longues. Les murs suédois que l’on peut voir à Gustavia sont faits de pierres cubiques uniquement. »
Au cours de cette recherche archéologique, « on aimerait bien retrouver des éléments anciens », avoue Anne Jegouzo. « Cependant il y a de grandes chances pour que le fortin français soit une construction légère, en terre ou en bois, et donc qu’on ne retrouve rien. » Mais pour l’instant, l’Inrap s’attelle à étudier les différentes couches d’enduits et de mortier, pour découvrir l’ossature des constructions. « La poudrière a été construite sur une ancienne redoute, c’est à dire une zone de fortification qui sert de pas de tir. J’aimerais bien en retrouver la trace… »
A l’intérieur de la poudrière, les pierres et les briques ont été dégagées des enduits successifs. Au sol apparaît une partie pavée, une autre en mortier. La partie basse de ce réduit est en pierre volcanique, « certaines viennent de Saint-Barthélemy, d’autres viennent d’ailleurs. Ce bâtiment qui servait à stocker la poudre devait avoir des murs épais, et des trous dans les murs servaient à maintenir la circulation de l’air. » Le plafond est une voûte en briques rouges, « dont on aimerait bien déterminer la provenance... Une fois le travail de terrain terminé, une étude sera menée au sein de l’Inrap en Guadeloupe, pour analyser les mortiers et les roches. » Dans le mur, on constate l’utilisation de différents mortiers, qui peuvent indiquer que la poudrière a été construite sur un mur déjà existant. Peut-être celui de la redoute initiale du fort Gustaf ?