Les deux tombes voisines de celle de l’illustre rockeur ont été retirées du cimetière de Lorient, pour être transférées dans le carré suédois de Public. Elles laisseront la place au caveau de la famille Hallyday. Un premier pas dans le regroupement des tombes d’époque suédoise, qui contrarie les passionnés d’histoire locale.
Ceux qui sont passés aux abords du cimetière de Lorient la semaine dernière auront constaté l’installation d’une cahute couvrant les deux tombes voisines de la sépulture de Johnny Hallyday. Elizabeth Portelly, décédée en 1854, et son beau-père Anastase Portelly, mort en 1808, ont vu leur repos éternel interrompu afin de laisser place au caveau de la famille Hallyday, à qui la Collectivité a cédé la concession.
Pour rappel, la gestion des cimetières revient directement au président de la Collectivité, qui a signé un arrêté ce mardi afin d’entériner le déménagement “immédiat” des deux Portelly de Lorient à Public. Leurs restes seront ré-inhumés sous leurs pierres tombales, en raison de “l’intérêt d’art ou d’histoire” que leur procure leur ancienneté, stipule l’arrêté.
Bruno Magras distingue «deux opérations : celle qui consiste à autoriser Mme Hallyday à construire un caveau familial dans sa concession, et à exhumer et ré-inhumer le cercueil de son mari. Et une opération dont il a été question avant le décès de Johnny, qui consiste à regrouper dans le cimetière suédois de Public les tombes abandonnées des Suédois enterrés tant à Lorient qu’à Saint-Jean. » Pourtant, lors de notre premier article sur le sujet (JSB 1335), la Collectivité avait bien précisé que le Président avait évoqué cette idée devant le conseil exécutif en septembre 2018, plusieurs mois après l’inhumation de Johnny Hallyday. Et au même moment, les médias people annonçaient le désir de Laeticia Hallyday de construire un caveau familial.
Le Panthéon de Public
Le Président poursuit : « La démarche qui consiste à transférer au Panthéon de Public les ossements, s’il y en a encore, des Suédois enterrés à Lorient et à Saint-Jean devrait être vue comme une mise en valeur historique. » Et conclut que « les branleurs qui racontent tout et n’importe quoi devraient rechercher les membres des familles de ces gens-là pour leur demander pourquoi ont-ils ainsi abandonné leurs morts!»
Ce qualificatif peu élogieux s’adresse sans doute à Richard Lédée, qui milite activement contre le projet de déménagement des tombes anciennes à Public. « Fondamentalement, c’est un non-respect des sépultures et un non-sens historique. Elles sont toutes laissées à l’abandon depuis des lustres, on n’a même pas pris soin de remettre les marbres en place après Irma », regrette le mémorialiste*, pour qui l’entretien de ces stèles âgées de 150 à 200 ans revient en premier lieu à la Collectivité, et non à d’éventuels lointains descendants, éparpillés dans le monde entier et non pas qu’en Suède. « Ces tombes font partie de notre histoire, de sa richesse, son intégrité, sa diversité. Si elles sont là où elles sont, ce n’est pas le fruit du hasard. Des gens de Gustavia sont partis se faire enterrer à Lorient en 1800, ce n’est pas pour rien, sans quoi ils seraient directement allés à Public. »
Richard Lédée n’est pas le seul que cette opération chagrine. Auteur depuis plusieurs années d’un blog de généalogie et d’histoire**, Jérôme Montoya regrette un manque de consultation autour du projet. « A mon avis, ces tombes font partie des derniers monuments historiques de Saint-Barthélemy. Il y a sûrement des choses que l’on peut faire pour valoriser ce patrimoine, qui aurait dû être préservé. Portelly, c’est un catholique, il n’a pas vocation à être enterré avec des luthériens à Public. Joseph Portelly, beau-frère d’Elizabeth Portelly, a offert le terrain qui a servi à la construction de l’église catholique de Gustavia, ce n’est pas rien. Et pourquoi on bougerait les Portelly et non les Norderling ? On peut s’interroger sur toutes ces raisons. »
Une autre option ?
L’objectif de Bruno Magras est, outre libérer de la place pour les futurs défunts, de donner de l’allure au carré suédois du cimetière de Public, qui fait grise mine. «Pour moi, les cimetières de Saint-Jean et Lorient ont justement du cachet grâce aux tombes suédoises. L’histoire de l’île mérite plus que ce qu’on lui donne », argue Jérôme Montoya. « Quand on a rénové le cimetière suédois en 1967, cela partait d’un bon sentiment, et aujourd’hui on voit dans quel état il est », tacle Richard Lédée. « Qui plus est, c’est le cimetière le plus exposé de l’île aux ouragans. »
Selon lui une autre solution s’offre à la Collectivité pour libérer de la place dans les cimetières : «Réduire le carré suédois de Public en déplaçant deux petites tombes en arrière du monument commémoratif et l’entretenir sérieusement et de façon pérenne. Une cinquantaine de concessions pourraient alors être allouées aux familles d’aujourd’hui dans le prolongement du cimetière catholique de Public. Quant aux Portelly, il faudrait faire un “switch” avec l’emplacement actuel de la tombe de Johnny Hallyday, qui va se libérer, et ainsi les laisser à Lorient. »
**www.saintbarthislander.com
JSB 1342