Des vestiges de différentes époques sont en train d’être mis au jour par une équipe d’archéologues de l’Inrap, dans un terrain de Gustavia. Des centaines de petits objets et fragments retrouvés dans les différentes couches sédimentaires permettront de préciser leur datation.
Truelle en main, quatre archéologues sont à pied d’œuvre depuis le début du mois d’octobre dans un terrain bordant la rue du Roi-Oscar II, à Gustavia. Petit à petit, ils déblaient la terre et révèlent des pans de murs jusqu’alors enfouis, quand Gustavia n’était pas encore Gustavia, mais s’appelait Le Carénage.
Les tracés que dessinent ces murs et ces pavages dans la parcelle semblent n’avoir aucun sens. Et pour cause, tous ces vestiges ne datent pas de la même période. « Il y a des murs d’au moins trois constructions de différentes époques », explique Annie Bolle, archéologue de l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) en charge des fouilles. « Pour l’instant, c’est encore difficile à préciser. Mais les mortiers sont différents, ce n’est pas le même type de construction… Il y a ici des murs de la période suédoise de Gustavia (1785-1878, ndlr), d’autres du XVIIe siècle, de la première période coloniale française, et on espère avoir des choses qui remonteraient à l’arrivée des premier colons européens. Potentiellement, on aurait pu avoir des niveaux amérindiens, mais nous n’en avons pas trouvé ici. »
Une datation plus précise de ces vestiges sera effectuée a posteriori, une fois le chantier de fouilles terminé. Pour ce faire, deux éléments sont scrutés de près par les archéologues. Les couches sédimentaires, ces stries de couleurs dans la terre ; et ce qu’ils appellent le mobilier, c’est à dire tous les petits objets coincés dans ces couches, notamment les fragments de céramique et de verre. Ces deux matériaux « ont évolué très vite, donc permettent une datation assez précise. On a aussi des ossements de poissons et de faune. On peut identifier les espèces et l’âge des animaux qui ont été consommés. Si on mange des bêtes qui sont jeunes, c’est qu’on a les moyens », commente Annie Bolle. Ces trouvailles permettent aussi de se représenter les lieux : l’agencement des habitations, la cuisine, la citerne. C’est sans doute un lieu d’habitation qui est exploré ici, ce que corroborent les documents apportés par les spécialistes locaux, qui se sont saisis du sujet. Ainsi, les toutes premières cartes anciennes témoignent de la présence d’habitations dans cette zone. Une première datée de 1766, quand le fond de rade de Gustavia était encore un étang salin. La seconde, plus précise, est une reproduction à partir d’une carte dessinée par Samuel Fahlberg en 1785 à l’arrivée des Suédois. Elle représente Le Carénage, où cinq habitations sont notables. La parcelle aujourd’hui fouillée par l’Inrap pourrait correspondre à celle qui appartenait selon cette carte à François Bernier, à une époque où l’île comptait 700 âmes, et Le Carénage, futur Gustavia, était très peu peuplé. Cette fouille révèle peut-être les traces de l’établissement des tous premiers colons arrivés sur l’île au milieu du XVIIe siècle.
JSB 1347