Depuis cent ans, elle a su résister à tout. Au souffle destructeur des cyclones, à l’usure du temps mais aussi et surtout à l’expansion architecturale de Saint-Barthélemy. La chapelle de Colombier trône toujours à l’endroit où ses bâtisseurs l’ont érigée. Dans la souffrance, la plupart du temps. Ce dimanche, les paroissiens de l’édifice religieux vont donc célébrer ses cent ans d’existence. Plus précisément, les cent années qui séparent la première messe célébrée en la chapelle de celle qui va se dérouler ce 26 décembre à 7 heures.
C’est en 1918 que l’histoire de la chapelle débute. Le père Irénée de Bruyn - qui a donné son nom à l’hôpital de Saint-Barth - s’inquiète de l’état de pauvreté dans lequel la population de l’île vit. Lorsqu’il se rend à Merlette, il rencontre les habitants et il lui vient une idée : celle d’entraîner la population dans la construction d’une chapelle mais aussi d’une école et d’une citerne. « Il a vu que les femmes devaient faire de longues marches pour apporter de l’eau dans le quartier », explique Françoise Gréaux qui, lorsqu’elle n’exerce pas ses talents de tisseuse de paille, collecte mille histoires sur la chapelle centenaire.
Des bâtisseurs sous le vent
Le père de Bruyn se lance dans une collecte de fonds pour financer la construction de ces trois bâtisses. Très vite, tous les habitants des quartiers environnants, c’est-à-dire sous le vent, décident de prendre part au projet. Pour fabriquer la chaux, des coraux sont pêchés en mer avant d’être brûlés. Et chacun, notamment beaucoup de femmes, s’attèlent au transport des roches et des planches vers le site de construction. Le terrain choisi appartient alors à Frédéric Blanchard. La première pierre est posée à la fin du mois d’août. « Il n’existe pas beaucoup de documents mais sur ceux que l’on trouve il est dit que la première pierre a été posée pour la fête de Sainte-Rose de Lima, raconte Françoise Gréaux. Donc ce doit être dans la vingtaine du mois d’août. » Les travaux se poursuivent pendant deux ans et, à la fin de l’année 1921, la chapelle est terminée. Juste à temps pour y célébrer la messe de Noël, le 25 décembre.
L’école balayée par Irma
Depuis, les trois édifices que sont la chapelle, l’école et la citerne n’ont pas été épargnés. « L’endroit est très exposé au vent, rappelle Françoise Gréaux. Dons la chapelle attrape tout! A chaque cyclone, elle a souffert. Tous l’ont abimée. » Néanmoins, elle a su résister, tout comme la citerne. En revanche, la vieille école a été définitivement balayée par Irma en 2017. Quant à la chapelle, elle a évolué au fil du temps.
« La chaux a été retirée, souligne Françoise Gréaux. Mais les roches sont toujours là. C’est émouvant de pouvoir les toucher en sachant que ce sont nos ancêtres qui les ont portées sur leur tête. » En 1930, bien avant les destructeurs Luis ou Irma, un clocher vient orner la chapelle qui est encore agrandie. « C’est une œuvre monumentale et il faut la préserver pour l’histoire mais aussi pour les enfants de l’île, c’est important », insiste Françoise Gréaux.
Pour être certaine que les personnes présentes à la messe de 7 heures, ce dimanche, mais aussi à ceux qui se joindront à la fête qui suivra l’éloge, elle a d’ores et déjà prévu d’afficher de nombreux documents dans la chapelle. L’objectif étant de retracer l’histoire du lieu et de l’inscrire dans la mémoire collective de Saint-Barth. « C’est un lieu de prière mais aussi de mémoire, rappelle le père Evariste, qui célèbrera la messe du dimanche. Beaucoup de gens y sont passés. Pour des mariages, des baptêmes, des obsèques. Ils sont venus crier leur joie, pleurer leur souffrance... » Ce 26 décembre, il ne fait guère de doute que la joie comme l’esprit de fête devraient occuper les pensées de chaque paroissien.