Deux archéologues de l’Inrap ont terminé cette semaine leur étude sur le terrain des vestiges suédois du fort Gustaf III, et ont fait plusieurs découvertes. La restauration a déjà commencé sous l’égide de Tristan Schebat, architecte du patrimoine.
L’étude sur le terrain des vestiges du fort Gustaf III est terminée ; les archéologues travaillent désormais sur un rapport qui doit être rendu avant la fin de l’année. Au cours de leurs semaines de recherche, elles ont fait plusieurs découvertes intéressantes.
Les traces de l’ancien fortin français ?
Premièrement, la poudrière. Il s’avère que ce petit bâtiment, au pied du phare, est bien intégralement d’époque suédoise, mais a été construit en plusieurs temps. D’abord un pan de mur, puis un autre ajouté par dessus, avec la voûte de briques rouges. Ce bloc de pierres stratégique, puisqu’il renfermait la poudre à canon aussi indispensable que dangereuse, durant l’époque suédoise, n’a pas de fondations. Il a été bâti directement sur un pavage plus ancien encore, datant probablement des premiers colons français, avant l’époque Suédoise (1784-1877). « Ça, on ne s’y attendait pas », admet Coraline Martin, archéologue de l’Inrap qui a effectué les sondages du sol. « C’est assez inédit. » Ainsi à l’intérieur de la poudrière, sur une surface de moins d’un mètre carré, on distingue facilement les trois niveaux de sol : la roche elle-même, un premier dallage, et un troisième, le Suédois, sur lequel on marche encore aujourd’hui. « On sait qu’il y avait un aménagement français avant la construction suédoise, mais on n’en avait pas la trace, donc c’est très intéressant, car ça pourrait correspondre », commente Anne Jégouzo, également archéologue, qui reste prudente. Les spécialistes ont également découvert dans ce mortier du XVIIe ou XVIIIe siècle un trou laissé par un gros poteau de bois. De quoi nourrir l’imagination. « A partir de ces quelques centimètres carrés on peut imaginer ce que pouvait être le fortin français, avant l’arrivée des Suédois : constitué de pavés au sol, et sans doute d’aménagements en bois (abri, palissade, garde-corps…) » La poudrière est particulièrement intéressante parce qu’à elle seule, elle livre des informations sur trois ou quatre phases de construction différentes.
Une cuisine façon scandinave
Mais elle n’est pas le seul élément à susciter la curiosité. La cuisine, près du majestueux fromager, donne aussi des indications précieuses sur les occupants de ce fort militaire, au XIXe siècle. Leur particularité, et même leur unicité dans la Caraïbe, est qu’ils étaient les seuls scandinaves à des kilomètres la ronde. La cuisine en est la démonstration : elle est très différente des cuisines françaises de cette époque. On y trouve bien un petit four à pain. Mais au lieu des “potagers” habituels (des feux qui brûlaient sous un plan de travail, sur lequel on mettait des petites grilles pour faire cuire le potage), la brique forme une sorte de plan de travail d’un seul bloc, sans espace en dessous pour faire du feu. Et sur le côté, des marques caractéristiques montrent que trois barres de fer étaient arrimées dans le mur, et couraient au-dessus des briques rouges. Ces dernières portent les traces des chauffes de l’époque : une sorte de vernis gris bleuté, sans équivoque ; le plan de travail accueillait donc un foyer. Le bâtiment était visiblement doté d’une cheminée de brique rouge. Quels aliments faisaient cuire les Suédois ici, et comment ? « C’est la seconde partie du travail ; on va s’attacher maintenant à chercher des références, étudier, pour en savoir plus sur les modes de vie suédois à l’époque », explique Coraline Martin.
Toujours dans la cuisine, au pied de la large porte, elle a creusé le sol pour comprendre la conception du bâtiment. Au milieu des roches, du remblai a été utilisé, utile pour les archéologues car il contient toutes sortes de choses permettant de préciser les connaissances et la datation. Ici, il est probable que les Suédois qui ont bâti le sol de cette cuisine ont utilisé les restes d’un autre bâtiment sur le fort, détruit : du mortier de chaux a été trouvé dans le remblai. Autre découverte potentiellement intéressante, un bouton en métal. Or, les boutons d’uniformes, qu’ils soient français ou suédois, peuvent être datés précisément. « S’il est lisible, ça pourra être une information intéressante ; toutefois il a été trouvé dans le remblai, donc il faudra rester prudent sur les déductions », avertit Coraline Martin.
Plus loin, du côté de l’espace Météo, la citerne a été passée au crible. A l’intérieur, deux trous couverts d’algues ; c’est par là qu’arrivait l’eau douce, par gravité depuis deux bâtiments construits juste au-dessus, aujourd’hui disparus. Plus loin, un petit escalier de vieilles pierres, qui menait à des latrines. De celles-ci, très sommaires à l’époque, il ne reste rien.
La caserne mise au jour
En revanche, les deux archéologues ont fait une nouvelle découverte, début juillet. Consultant les plans laissés par les Suédois de Saint-Barthélemy, elles recherchaient la caserne qui y figurait. Celle-ci a été retrouvée, dans la pente raide côté Public, noyée dans la végétation. Des murs de pierre restent. « C’est plus un dortoir qu’une caserne : le bâtiment fait dix mètres de long, 2,5 mètres de large. Il devait contenir à l’époque des lits superposés, avec un passage étroit. » Tout juste découvert, ce nouveau vestige n’est pas concerné par le projet de restauration mené par la Collectivité. S’il l’était, il devrait à son tour faire l’objet d’une étude archéologique.