Saint-Barth - Justice illustration

Violences conjugales, alcoolémie, délits routiers… Une audience de routine à Saint-Barth

Comme chaque mois, ou presque, la grande salle de la capitainerie de Gustavia accueille une audience du tribunal correctionnel. En ce jeudi 24 octobre, vingt-neuf dossiers doivent être examinés par la présidente du tribunal de grande instance de Basse-Terre (Guadeloupe), Ségolène Pasquier, et le procureur de la République, Xavier Sicot. Un programme des plus chargés qui s’ouvre par une bonne heure de débats afin d’évacuer toutes les demandes de renvoi à une date ultérieure. Des requêtes qui s’avèrent nombreuses, au point de provoquer un léger agacement chez le procureur.
Par conséquent, le représentant du ministère public rappelle que le tribunal a « un audiencement à tenir et des délais à respecter ». Une remarque qui fait écho à la demande de renvoi d’un prévenu qui a indiqué, par le biais d’un avocat, qu’il est absent de l’île et ne reviendra qu’entre le 15 avril et le 15 juin. Le procureur hausse le ton pour souligner le fait que pour la plupart des affaires, si le prévenu est absent, il peut se faire représenter par un avocat afin d’être jugé ou l’être par défaut, donc en son absence. La question des renvois de dossiers semble être close quand un homme arrivé en retard s’avance à la barre et réclame, à son tour, que l’examen de son dossier soit repoussé. Il explique qu’il est en arrêt de travail et n’a pas eu le temps de se trouver un avocat. La présidente affiche une moue dépitée et le procureur ne cherche même plus à dissimuler son exaspération. Néanmoins, après cet énième renvoi, un premier prévenu est appelé à la barre.


3,45 grammes dans le sang
L’homme s’avance d’une démarche cahotante. Il est âgé de 58 ans et est poursuivi pour des faits de conduite d’un véhicule sous l’empire d’un état alcoolique. Le 1er février dernier, il sort d’un restaurant et rentre chez lui sur son scooter. Au moment d’attaquer une montée, il ne prend pas assez de vitesse et tombe sur la chaussée. Quand les gendarmes procèdent à l’examen de son taux d’alcoolémie, l’éthylotest affiche une mesure équivalente à 3,45 grammes d’alcool par litre de sang. « A plus de trois grammes, en théorie, on est en situation de coma », remarque l’avocate du prévenu. Or, ce dernier s’exprime clairement quand il s’adresse aux gendarmes. « Il avait subi une opération le matin et on lui avait prescrit du Tramadol contre la douleur, plaide son conseil. Au restaurant, il a pris un verre de Bourbon, ce qui n’est pas la meilleure idée qu’il ait eue. Mais ce taux n’est pas le signe d’une ébriété. Plutôt d’une réaction à ses traitements. » Car l’homme souffre de plusieurs pathologies. La présidente rappelle toutefois que le prévenu a été condamné à deux reprises, en 2002 et 2017, pour des faits d’alcoolémie sur la route. Néanmoins, l’imposant dossier médical convainc les magistrats. L’homme écope d’une annulation de son permis de conduire et d’une interdiction de le repasser pendant un mois.

Un vacancier bagarreur
Pour le prévenu suivant, absent à l’audience, c’est à la fois l’alcool et un tempérament querelleur qui l’ont conduit devant la justice. Le 26 novembre 2023, cet homme de 33 ans fête son séjour de vacancier sur l’île avec des amis dans un établissement de nuit. Sans doute par maladresse, un autre fêtard le bouscule. Une altercation verbale puis physique s’amorce. Les belligérants se retrouvent sur le parking de la boîte, avinés et énervés. « On a affaire à quelqu’un qui est sorti de ses gonds », remarque le procureur. De fait, le prévenu ne se contente pas de ses poings et de ses pieds, avec lesquels il va écraser la main d’un de ses opposants. Il va chercher un cutter et un marteau dans un véhicule. De nombreux témoins assistent à la scène et sept personnes finissent par porter plainte contre le vacancier hors de contrôle. Il est condamné à six mois de prison assortis d’un sursis probatoire d’une durée de deux ans.

Une procédure bâclée
Contrôlé par les gendarmes le 17 mars dernier alors qu’il circule sur un quad non assuré, le prévenu suivant est âgé de 31 ans. Il conjugue le défaut d’assurance à l’usage de stupéfiant et à un taux d’alcoolémie de premier ordre : 2,37 grammes d’alcool par litre de sang. Heureusement pour lui, il s’est offert les services d’une avocate scrupuleuse qui a décelé une série de vices de procédure. Notamment en ce qui concerne les analyses sanguines, non conformes à la réglementation. Face à ces arguments, la présidente n’a pas d’autre choix que celui de prononcer l’annulation de la procédure. Le chauffard imbibé fait donc l’économie d’une condamnation. Ce qui n’est pas le cas des prévenus suivants.

Violences conjugales
Une femme, âgée de 50 ans, et un homme de 52 ans sont appelés à la barre. Il s’agit d’un couple. Plus précisément, d’un couple en procédure de divorce. Rien qui puisse intéresser un tribunal correctionnel, a priori. Sauf que le 4 décembre 2022, une dispute s’est transformée en affrontement physique et en échanges de coups. Bien que séparés depuis quelques années, les ex-conjoints continuent de vivre sous le même toit avec leurs enfants. « Des engueulades quotidiennes » rythment la vie de famille depuis près de cinq ans, explique l’homme. Le 4 décembre 2022, l’évocation de plusieurs sujets de désaccords combinés à une lutte territoriale au sein de la maison conduit à des bousculades et des échanges de coups. Devant les enfants. « Dans ce dossier, personne n’a jamais pris la bonne décision et les enfants en ont été les victimes indirectes », gronde le procureur qui a choisi de poursuivre les deux protagonistes. « Parce qu’aucun des deux ne peut justifier de ses actions violentes », ajoute-t-il. Pour l’avocat de la mère de famille, il s’agit d’une affaire qui illustre le sujet des violences faites aux femmes. Il n’empêche, la prévenue et son ex-conjoint sont condamnés à une peine de 500 euros d’amende avec sursis. L’homme écope également d’une amende de 1.000 euros pour préjudice moral.

« Pas été très intelligent »
A 20 ans, le prévenu suivant à une passion : faire des «roues-arrières » sur son scooter. Le problème, en plus du fait que cette pratique est interdite sur la route, est que le 15 juillet dernier, il a été repéré par une patrouille de la gendarmerie. Alors qu’il circulait en zig-zag, il a ensuite effectué un « wheeling » sur près de 150 mètres. Arrivé sur son lieu de travail, il est contrôlé. Pas de permis de conduire adéquat, pas d’assurance, le complet. « Ça fait beaucoup d’infractions », constate le procureur avant de faire la morale au jeune usager de la route. « J’ai juste été pas très intelligent », concède le prévenu. Il écope d’une amende de 300 euros.
Il est suivi à la barre par un homme de 32 ans contrôlé sur un scooter 125 centimètres cubes non assuré et sans être le détenteur du permis adéquat. « Beaucoup de personnes sont propriétaires d’un scooter qu’elles n’ont pas le droit de conduire », se désespère la présidente du tribunal. En dépit d’une logorrhée d’excuses en tout genre, le prévenu est condamné à 120 jours amende à 5 euros.
Un autre trentenaire (31 ans) comparaît aussi pour des délits routiers. Contrôlé le 28 juillet dernier sur un scooter non assuré, il porte des écouteurs sous son casque mais pas de gants. Le tribunal lui inflige trois amendes : 150 euros pour le défaut d’assurance, 100 euros pour les écouteurs et 75 pour les gants.

Journal de Saint-Barth N°1589 du 31/10/2024

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