Un Saint-Barth âgée de 42 ans a comparu devant le tribunal de Saint-Martin car il lui était notamment reproché d’avoir pêché des langoustes dans la réserve naturelle, d’avoir dépassé le quota autorisé et de ne pas avoir coupé une partie de la queue de l’animal.
A-t-il pêché dans la réserve naturelle ? Telle a été la principale question qui a orienté les débats jeudi dernier devant le tribunal de proximité de Saint-Martin dans l’affaire qui opposait un pêcheur de loisir et l’agence territoriale de l’environnement (ATE). Représentée par un agent, celle-ci affirme que oui. L’avocate de l’individu en question, non.
Les faits remontent à novembre 2018. En milieu de journée, un agent de l’ATE voit depuis Gustavia un bateau qui se dirige vers la réserve. Il contacte ses collègues en patrouille terrestre pour qu’ils aillent l’observer. Au cours de l’après-midi, ils voient l’homme plonger à plusieurs reprises et mettre «quelque chose » à bord du bateau. Après avoir mouillé à deux endroits dans la réserve, le bateau revient au port de Gustavia en milieu d’après-midi. Les agents de l’ATE demandent à monter à bord pour effectuer un contrôle mais l’homme refuse. Ce dernier quitte les lieux quelques minutes plus tard pour se rendre à son travail.
Découverte de langoustes
Les agents de l’ATE appellent les gendarmes qui vont réaliser une perquisition du bateau en présence de témoins (piétons). Sont découvertes cinq langoustes royales dans le bateau, ce qui correspond au nombre maximum autorisé mais neuf autres sont trouvées dans un vivier situé sous le bateau. Outre le quota de langoustes dépassé, la détention d’un vivier par un pêcheur de loisir est interdite. Seuls les professionnels sont autorisés à en disposer pour conserver leurs prises vivantes dans de bonnes conditions. De plus, les langoustes pêchées n’ont pas une partie de la queue coupée comme le veut la réglementation et ont, selon l’ATE, été prises dans la réserve.
Ayant commis plusieurs infractions aux codes de l’environnement, rural et de la pêche, l’individu est ainsi poursuivi en justice. Il est bien connu des services de l’agence territoriale de l’environnement qui l’a observé « 59 fois dans la réserve » sur une période de «quatre ans ». Parallèlement, plusieurs plaintes à son encontre sont émises par des pêcheurs professionnels et un club de plongée pour ne pas respecter les règles, la première étant de pêcher dans les zones de la réserve naturelle. Or seuls les professionnels sont autorisés à y pêcher sous certaines conditions.
« Je ramassais des déchets »
Tout au long de l’audience, le pêcheur de loisir nie avoir attrapé les langoustes dans la réserve naturelle. Il reconnaît uniquement y avoir mouillé et plongé. « Ce que je ramassais, c’était des déchets », confie-t-il. Argument que la partie civile démonte : « Il n’y avait pas de déchets dans le bateau lorsque les gendarmes l’ont perquisitionné.»
La défense insiste et s’interroge sur les facultés d’observation de l’agent de l’ATE à Gustavia. « Comment avez-vu pu voir mon client se rendre à l’Anse de Petit-Jean depuis Gustavia ? », demande l’avocate en soulignant que « les lunettes de l’ATE n’ont une portée que de 1.000 mètres ». Et de rectifier : « Mon client est d’abord allé à Corossol, où il a pêché, puis à l’Anse de Petit-Jean. Cela corrobore les horaires relevés par l’ATE auxquels mon client a été vu depuis Gustavia et par les agents à l’Anse de Petit-Jean. »
Concernant la coupe d’une partie de la queue, le prévenu a indiqué qu’à l’époque il n’était pas au courant de la règle. La défense a fait venir un témoin de Saint-Barth pour attester que cette règle n’est apparemment pas claire. De plus, elle n’a pas été pas fournie par l’ATE audit témoin lorsque, en décembre 2020, il a demandé des informations à ce sujet.
L’avocate montre aussi un flyer qui ne parle pas de cette règle. « C’est normal, vous n’avez imprimé que le recto, il aurait fallu imprimer le verso aussi », fait remarquer l’agent de l’ATE au procès.
Une réglementation portuaire ambiguë
Concernant le vivier, la défense joue une nouvelle fois sur le manque de précision de la réglementation portuaire. Selon elle, le vivier est toléré en entrant dans le port de Gustavia. Selon l’ATE, il n’est autorisé que pour les professionnels en entrant dans la rade. « Il s’agit d’une dérogation à la réglementation nationale », précise l’agent. Sur ce point, la défense fait remarquer qu’il est de notoriété publique à Saint-Barth que des professionnels conservent leur pêche dans leur vivier alors qu’ils sont à quai et ne font l’objet d’aucune poursuite. Elle a aussi assuré que les langoustes qui étaient dans le vivier n’avaient pas été pêchées le jour des faits ; le prévenu s’était cantonné à en prendre que cinq conformément à la réglementation.
La seconde grande question qui a orienté les débats a porté sur l’usage des langoustes. Le prévenu confie en donner souvent à des amis. Son conseil a appelé à la barre un autre témoin pour en attester ; il a reconnu que le prévenu lui en offre de temps en temps. Or, les gendarmes supposent l’inverse.
Au cours de l’enquête, le profil Facebook de l’individu a été examiné et une mention revient de manière régulière : « oups ». Les gendarmes ont compris qu’il s’agissait d’un code que le prévenu a mis en place pour avertir ses connaissances lorsqu’il a des langoustes à vendre. A la barre du tribunal, il prétend le contraire. « Alors que cela veut-il dire ? », lui demandent les juges. « C’est une blague », répond-t-il. « Ce n’est pas drôle… », rétorquent-ils.
L’Agence territoriale de l’environnement s’est constituée partie civile et demande 10.000 euros au titre du préjudice moral, la confiscation du bateau, la diffusion de la décision du tribunal dans les journaux locaux ainsi que 3.500 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.
Le parquet a requis une amende de 3.500 euros et la confiscation des scellés. Le jugement a été mis en délibéré au 20 mai.