Casque non homologué, pas de gant, une plaque d’immatriculation non conforme, il fait des roues arrière sur son scooter dans Gustavia avant de poursuivre et d’agresser un automobiliste qui vient de le dépasser. Âgé de 21 ans, cet habitant de Saint-Barth a été condamné le jeudi 3 juin à une peine de six mois de prison avec sursis assortie d’une série d’amendes.
Lorsqu’il s’avance sereinement à la barre du tribunal correctionnel de proximité, le prévenu ne semble pas s’attendre à vivre une matinée délicate. Malheureusement pour cet habitant de Saint-Barth âgé de 21 ans, en ce jeudi 3 juin, son attitude désinvolte va rapidement agacer les magistrats. Au point de s’attirer les foudres du procureur de la République.
Course-poursuite dans Gustavia
Les faits remontent au 19 novembre 2020, aux alentours de 23 heures. Un automobiliste qui vient de quitter son travail circule au volant de sa voiture dans Gustavia. Devant lui, un jeune homme enchaîne les roues arrière sur son scooter de 50 centimètres cube. Le conducteur klaxonne à plusieurs reprises afin de pouvoir dépasser le deux-roues qui obstrue la voie. Dans un virage, il trouve un espace et le dépasse. Dès lors, la situation s’envenime.
Le pilote du deux-roues se lance à la poursuite de l’automobiliste. Une course s’engage dans les rues de Gustavia. « Il a voulu me renverser, affirme le prévenu devant le tribunal. J’étais énervé contre lui. Je voulais qu’il me donne des explications sur son comportement. J’ai essayé d’arrêter sa voiture devant la pharmacie. Il ne roulait pas vite donc j’ai ouvert la porte passager pour qu’il s’arrête. J’ai eu un comportement normal pour quelqu’un qui a eu peur pour sa vie. » Une version des événements qui va rapidement être mise en cause. Non seulement par le témoignage de la victime, mais également par les images enregistrées par les caméras de surveillance installées en ville.
« Votre cerveau fonctionne-t-il ? »
Manifestement excédé par le discours du prévenu, peu enclin à reconnaître ses torts, le procureur se lance dans un interrogatoire musclé du jeune homme. « Vous avez quel âge monsieur ? Vous êtes allé à l’école ? Votre cerveau fonctionne-t-il ? Vous savez, on connaît tous ça, les abrutis qui font des roues arrière en ville. Vous pensez avoir le droit de vous lancer dans une course-poursuite en ville, la nuit ? Vous trouvez ça normal que quelqu’un soit obligé de se réfugier derrière les agents de sécurité d’un restaurant pour vous échapper ? » Le prévenu ne cille pas et campe sur ses positions.
« Il n’avait pas le droit de faire ce qu’il a fait, insiste-t-il en évoquant la victime. Pour les roues arrière, je me suis excusé. Ce sont des conneries, des gamineries. » Cette fois, c’est la présidente qui bondit de son fauteuil. « Nous ne sommes pas là pour des gamineries, vous êtes devant un tribunal correctionnel », sermonne-t-elle le prévenu.
« Pris dans un guet-apens »
Assis non loin de son avocat, l’automobiliste est invité à s’exprimer à la barre. « Je roulais derrière monsieur qui faisait des roues arrière, raconte-t-il. J’ai 50 ans, je voulais juste lui dire de ralentir. Quand je suis arrivé dans le virage, je me suis trouvé pris dans un guet-apens par ses amis. Ils sont sortis à trois d’une voiture. J’avoue que je n’étais pas fier et j’ai forcé le passage pour m’enfuir. Quand il a ouvert ma portière à côté de la pharmacie, il l’a dit qu’il allait me tuer. J’ai accéléré. » Ne voyant plus personne dans ses rétroviseurs, il se croit sorti d’affaire. Quand, soudain, alors qu’il passe devant la police territoriale... « Je vois quelqu’un qui tient un poteau et qu’il va l’abattre sur mon pare-brise », se souvient-il. Il parvient encore à fuir. Finalement, ce sont des agents de sécurité d’un établissement de Gustavia qui viennent à son secours. Un déroulement qui vient confirmer les images des caméras de vidéo-surveillance.
« Qu’il arrête de faire l’abruti »
« Tout cela est triste et affligeant », remarque la présidente, avant de céder la parole à l’avocat de la victime. « Je suis partagé entre hallucination et stupéfaction, lance-t-il. Ces jeunes locaux qui font tout et n’importe quoi sur la route, les habitants de Saint-Barth en ont marre. Monsieur n’est plus un enfant, ni un adolescent. Il faudrait qu’il arrête de faire l’abruti. Ces comportements, on n’en peut plus. Avec en plus une course poursuite d’une extrême violence. Il y a dix ans, on aurait dit que l’on pourrait avoir peur en rentrant chez soi un jeudi soir, à Saint-Barth, on aurait fait rire tout le monde ! »
« Vous agacez tout le monde »
Quand il se lève pour requérir, le procureur ne peut dissimuler un petit sourire gourmand. « Vous nous dites que vous n’avez pas grand-chose à faire à Saint-Barth, et bien allez dans la savane ou demandez au président Magras de vous construire une piste, commence-t-il. Monsieur, vous faites tout et n’importe quoi. Une course poursuite avec des copains, c’est ça la violence. Vous agacez tout le monde et, en plus, vous avez un casier judiciaire. » Il requiert trois mois de prison avec sursis et une série d’amendes. La parole est alors à la défense.
Le prévenu n’a pas sollicité les services d’un avocat. « Je n’ai rien à dire, soupire-t-il. J’ai juste voulu montrer que j’ai eu peur. Je n’aurais jamais eu une réaction comme ça si je n’avais pas pensé qu’il allait m’écraser. » Il est à noter que le prévenu est également poursuivi pour ne pas avoir porté de gant et un casque réglementaire, mais aussi en raison de plaques d’immatriculation non conformes.
Le tribunal prononce une peine supérieure aux réquisitions. Six mois de prison avec sursis, deux amendes de 120 euros, une autre de 100 euros et la confiscation du scooter.