Une jeune femme victime d’un accident de quad en 2018 s’est retournée contre son loueur. L’engin n’avait apparemment plus de freins. Le représentant de l’entreprise Barthloc s’est expliqué au tribunal jeudi 4 juin.
Le 29 novembre 2018, la stagiaire d’un hôtel de luxe loue un quad chez Barthloc pour se déplacer sur l’île. C’est la première fois qu’elle pilote un tel engin. Elle trouve que les freins ne fonctionnent pas très bien, mais ne s’alarme pas plus que ça et part avec le quatre-roues. Le lendemain, dans une pente, le quad prend de la vitesse, et elle a beau freiner de toutes ses forces, rien ne se passe, ça ne répond plus. « J’ai plus de freins ! » hurle-t-elle, avant de terminer sa course en plein dans un muret de pierre. Fort heureusement, elle est indemne. Indemne, mais choquée ; elle attribue son accident à l’état du quad, et décide de porter plainte contre la société qui le lui a loué.
Les enquêteurs ont fait examiner le quad en question par un vendeur réparateur de cyclos et quads de l’île. Celui-ci a livré une conclusion sans appel : pas de freins, des pneus arrières de marque, de taille et d’usures différentes, des plaquettes inexistantes tellement elles sont usées, un manque de liquide de freins… Il a conduit le véhicule incriminé devant les enquêteurs. « La probabilité d’accident est quasi-absolue », selon lui. Cet examen technique, qui n’est pas une expertise à proprement parler, fait grincer des dents la défense, car elle a été réalisée par une société plus ou moins concurrente de Barthloc, ce qui aurait pu influencer le rapport.
48 véhicules hors d’usage
sur une flotte de 200
Quoi qu’il en soit, le gérant de l’enseigne Barthloc (SAS Le Quickly) ne nie pas qu’il y avait un problème. Ce métropolitain a racheté cette entreprise trois mois avant l’accident, et n’était pas du métier. Lui aussi choqué par ce qu’on lui reproche, il s’explique devant le tribunal. « Je suis désolé de cet accident. Je faisais sincèrement confiance à mon mécanicien », dit-il. Après cette affaire, il a passé minutieusement en revue les 200 véhicules de l’entreprise. Quarante-huit ont été déclarés hors d’usage. « J’ai conscience que j’aurais dû le faire plus tôt, je suis navré que cet examen ait eu lieu après l’accident. » Son avocate Me Bringand-Valora demande « la relaxe. Pour que le délit soit caractérisé encore faut-il démontrer le caractère intentionnel du délit », plaide-t-elle. Quant à la victime, « on lui a expliqué le fonctionnement de l’engin, comme à tout un chacun. Le freinage était difficile, elle s’en est rendu compte, mais ne s’en est pas inquiété, elle le dit elle-même. Mon client n’est pas de mauvaise foi. Il a certainement été abusé : quand sur un parc de 200 véhicules, un quart est inutilisable… » La victime est représentée par Me Caron, qui souligne que « la situation aurait pu être funeste » et évoque le «préjudice d’angoisse de mort imminente ». Elle demande des dommages et intérêts de plus de 5.000 euros au total (préjudices, arrête de travail de quatre jours, téléphone cassé dans l’accident, frais de santé…) « Il a fallu un accident pour que le gérant s’aperçoive que 48 de ses véhicules étaient défectueux », regrette le vice-procureur, qui souligne que «c’est la société qui est poursuivie, pas son représentant. » Il indique tenir compte des efforts effectués par l’entreprise ensuite, et de la crise sanitaire qui a mis un coup d’arrêt à son activité, et demande à son encontre une amende de 3.000 euros dont 2.500 avec sursis, 400 euros de contraventions pour les pneus et les freins, et la confiscation du quad saisi.
Le délibéré sera rendu le 11 juin.
JSB 1379