Sous l’emprise de l’alcool et sans doute de stupéfiants, un touriste américain a retourné l’île en une seule soirée : accident de voiture, agression d’habitants de l’Anse des Cayes, outrage et violences envers les gendarmes, attaque du personnel hospitalier… Il n’est pas venu à son procès jeudi 4 juin à Saint-Barth, mais ses victimes étaient là, indignées.
Nous sommes dimanche 1er décembre, en pleine haute saison à Saint-Barth, quand B., un trentenaire américain, quitte le Nikki Beach où il a passé toute la journée. L’homme monte dans sa petite Smart de location, direction son hôtel. Pas en état de conduire, il prend quand même la route cahin-caha, aux alentours de 18 heures, et traverse le quartier de Saint-Jean. Dans un écart, il heurte un véhicule arrivant en face, dans la montée de l’aéroport vers la Tourmente. Au volant, une jeune fille apeurée, qui ne peut que constater que l’homme ne s’arrête pas et poursuit sa route vers le giratoire. B. cherche le Manapany, où il passe ses vacances.
Il parvient à trouver son chemin et descendre vers l’Anse des Cayes, mais en bas, il se trompe de route et atterrit dans une impasse. Freinage, crissement de pneus, il tente de manœuvrer quand une habitante, alertée par le bruit, s’approche. Employée d’un loueur de véhicules, elle reconnaît B. : c’est justement elle qui lui a confié les clés de cette voiture. Voyant que l’homme est rouge, suant, qu’il dégage une forte odeur d’alcool et n’est visiblement pas dans son état normal, elle fait venir son conjoint. Le couple essaie de parlementer, puis de prendre les clés de l’Américain, pour éviter qu’il ne reprenne la route. « J’ai pensé au fils de ma voisine, qui fait souvent du vélo le soir dans l’impasse ; il aurait pu le tuer!» raconte la jeune femme.
Mais l’homme ne se laisse pas faire et se sent agressé. Il se met à frapper le garçon, repousse la fille en l’étranglant à moitié. Un autre voisin intervient : lui aussi est molesté, malgré une carrure imposante. Sous l’effet des substances ingérées, B. est complètement incontrôlable. Les gendarmes arrivent, et ça l’énerve encore plus. Ils reçoivent une déferlante d’injures, « Fuck me assholes, suck my dick », lit avec application la présidente du tribunal, qui fait le récit de la soirée. B. ne se laisse pas emmener, il assène des coups de poings et de pieds aux militaires, qui ont beaucoup de mal à le maîtriser tant l’homme est hors de lui. Finalement ils y parviennent, et l’emmènent à l’hôpital. Là, ils le laissent attaché au lit, le temps qu’il se calme et soit pris en charge par les soignants.
Las. A force de se démener, toujours hurlant et insultant à la ronde, B. parvient à se détacher. Il se lance dans un nouvel esclandre à l’hôpital, agresse des infirmières, fait tomber le matériel médical, effraie l’occupante de la chambre voisine, une femme avec son bébé. A peine repartis, les gendarmes sont rappelés par le personnel hospitalier. B. est très agité, il se frappe la tête contre le sol, contre les murs. Les médecins arrivent, attirés par le barouf, à la rescousse des infirmières. Le personnel soignant et les militaires revenus parviennent à rattacher l’homme afin qu’il soit examiné.
Une fois calmé, il donnera des explications lunaires aux gendarmes, en audition : « Je trouve étrange qu’on me garde ici simplement parce que je me suis perdu à cause d’une erreur de GPS. » B. ne se rend pas du tout compte de la soirée qu’il a infligé à pas moins de sept victimes. Entre le moment où il s’est perdu à l’Anse des Cayes, et l’hôpital, il ne se rappelle pas de grand-chose. «Je n’ai pas compris que c’était un vrai hôpital », dit-il. « Je me sentais en danger, je craignais pour ma vie. Ça ne ressemblait pas à un vrai hôpital. » Culot ultime : « Le personnel ne se comportait pas avec le niveau de compétence que l’on peut attendre d’un service hospitalier ». B. se souvient vaguement avoir insulté des gens, assure qu’il n’a frappé personne, et ne voit vraiment pas ce qu’on lui reproche.
« Tout au long de la procédure, le prévenu n’a exprimé ni excuse, ni regret », souligne le vice-procureur après ce récit édifiant. Il requiert à l’encontre de B. une peine de six mois d’emprisonnement, 3.000 euros d’amende, ainsi qu’une interdiction de séjour à Saint-Barthélemy durant trois ans, et une interdiction de conduire tout véhicule sur le sol français durant trois ans.
Les sept victimes, dont cinq sont présentes, se sont toutes portées parties civiles. « Je ne veut pas que ça reste impuni », dit l’un des jeunes hommes agressé à l’Anse des Cayes. A elles toutes, elles demandent environ 8.000 euros de dommages et intérêts.
Le délibéré sera rendu le 11 juin à Saint-Martin.