Saint-Barth - Justice illustration code pénal

Justice - Un an de prison avec sursis requis contre l’agresseur au cutter

Malgré l’habituelle discrétion qui entoure les actes de violence commis à Saint-Barthélemy, l’affaire du 3 décembre 2022 avait fait grand bruit. A tout le moins dans les discussions privées, puisque le débat public autour des dossiers de délinquance ou de criminalité reste quasi inexistant. Néanmoins, la gravité des faits commis dans la soirée du 3 décembre aux abords d’un bar de Gustavia avait marqué les esprits. Ils ont également conduit trois des protagonistes de la brutale altercation devant le tribunal correctionnel de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, dont une audience s’est tenue le jeudi 7 septembre dans la grande salle de la capitainerie, à Gustavia. Seulement trois, car d’autres étaient mineurs au moment des faits et ont précédemment comparu devant la juridiction chargée d’examiner les affaires qui concernent les prévenus n’ayant pas atteint l’âge légal de la majorité.

« Des blessures proches d’organes vitaux »
Avant que ne s’ouvrent les débats, la présidente du tribunal résume à grands traits le déroulement des faits, soulignant qu’ils sont le résultat d’une rivalité « entre deux bandes » qui sévissent à Saint-Barth. Il est donc environ 23h30, le 3 décembre, quand une violente bagarre éclate subitement entre plusieurs jeunes, majeurs et mineurs. Les témoignages recueillis par les gendarmes auprès des acteurs et autres témoins de la scène laissent apparaître différentes versions. Notamment sur le nombre de personnes impliquées. A peine quatre ou cinq selon certains, plus d’une dizaine selon d’autres. Quelques certitudes, toutefois : de nombreux coups sont échangés et un jeune homme de 19 ans sort un cutter avec lequel il taillade à plusieurs reprises son adversaire direct. Celui-ci est rapidement transporté jusqu’aux urgences de l’hôpital de Bruyn. Grièvement touché puisque des plaies de 15 à 25 centimètres sont constatées par le personnel hospitalier. La présidente du tribunal précise lors de son exposé des faits que la victime « a perdu beaucoup de sang » et que les blessures « étaient très proches du système digestif et d’organes vitaux ». Le blessé, mineur, sera transporté jusqu’en Guadeloupe pour y être hospitalisé.

« Vous auriez pu le tuer »
Pour le tribunal, l’un des objectifs du procès est de parvenir à établir les circonstances et origines de ce déchaînement de violence. Mais, de l’aveu même de la présidente, il ne s’agit pas d’une mince affaire. « Les choses ont du mal à être dites, constate la juge. Nous avons deux thèses. La première est que la victime est allée s’asseoir par défi à côté du prévenu. Or, les deux se détestent. La deuxième est que la victime se serait faite insultée. En tout état de cause, une chose est reconnue : le fait que le prévenu est bien celui qui a porté les coups avec un cutter. » De fait, à la barre, le jeune homme reconnaît l’agression. Tout en essayant de la justifier. « A l’époque, j’avais subi des menaces de mort, assure-t-il. Je ne voulais pas que ça dégénère mais au bout d’un certain temps, ça pète. » La juge remarque : « Vous auriez pu le tuer avec le cutter. » Sans sourciller, le jeune homme répond : « Oui. Pour moi, le déclencheur, c’est une guerre des mots. Chacun a provoqué l’autre. »

« Quelqu’un que je déteste »
Quand la juge lui demande s’il a pris contact auprès de la victime, ne serait-ce que pour formuler des excuses, le prévenu rétorque : « Ah non, loin de là. On ne peut pas se voir. Je suis allé voir les flics de moi-même le lendemain, on m’a montré les blessures, ça m’a suffi. Quand je l’ai planté, je suis rentré chez moi et je me suis dit : « Ouaaah, qu’est-ce que j’ai fait ? » Je me suis senti mal. Mais bon, c’est quelqu’un que je déteste donc je ne vois pas pourquoi je serais allé le voir. J’ai ma conscience. » Une déclaration qui laisse planer un malaise dans la salle d’audience.
Lors de sa plaidoirie, l’avocate de l’auteur des coups de cutter s’efforce d’apporter un éclairage sur le contexte de ces violences. Elle explique : « Mon client est l’auteur de faits abominables et il n’a pas l’art de s’exprimer. Il endosse le mauvais rôle. Celui d’avoir donné des coups de cutter à un ami d’enfance. Car ce sont des jeunes qui ont grandi ensemble. Mais pour des faits idiots, des comportements bêtes, ils se retrouvent à cette barre. » Elle se fait fort de mentionner le rôle de la victime. « Il ne faut pas oublier qu’il était aussi dans une dynamique de violence, lance-t-elle. Ils sont tous dans le même état d’esprit. Ce sont des jeunes qui s’ennuient et qui s’inventent des histoires. De trafics, de cœurs, etc. Au départ, ce sont des enfants qui ont eu des problèmes de violence. Il y a eu trop de laisser-aller et maintenant qu’ils sont grands, voilà où ils se trouvent. Mon client s’est retrouvé seul, asséné de coups par la victime et sa bande. Il aurait pu être la victime. Mais il a sorti un cutter dans la folie de la bagarre. »

Mauvaise réputation
Quand le procureur de la République requiert, il regarde le prévenu de 19 ans et déclare : « Votre réputation est mauvaise (…) Le sentiment de la banalisation de ce type de comportement m’inquiète. Dans sa colère, il a voulu faire payer la note pour des comportements passés. Il aurait pu partir en ravalant sa fierté. Non, il a préféré sortir son cutter. » Il requiert une année de prison assortie d’un sursis probatoire d’une durée de trois ans, une obligation de soin et 140 heures de travaux d’intérêt général. Pour les deux autres prévenus, les réquisitions vont être nettement moins lourdes.
L’un est âgé de vingt ans, l’autre de dix-neuf ans. Tous les deux sont des amis de la victime. A la barre, ils expliquent qu’ils sont allés s’interposer dans la bagarre et ont voulu défendre leur camarade. Quand la présidente demande au premier la raison pour laquelle ils se rendent au même endroit que les membres de l’autre bande, alors même qu’ils se détestent, il réplique : « Saint-Barth est tout petit. Il n’y a pas beaucoup d’endroits où on peut se retrouver et manger un burger. » Et lorsqu’il leur est demandé pourquoi ils ne sont pas partis au moment où ils ont compris que la situation pouvait dégénérer, aucun ne répond. Pour le premier, dont le casier porte déjà trace de plusieurs condamnations pour des faits de vol et de violence, comme pour le second, au casier judiciaire vierge, le procureur requiert des peines d’amende.
Le tribunal rendra son délibéré dans le courant du mois d’octobre.

 

 

Journal de Saint-Barth N°1532 du 14/09/2023

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