Saint-Barth - Tribunal Palais de justice

Justice : Accident mortel en mer : le tribunal se déclare incompétent

Sept ans après les faits, le procès de l’homme qui a été désigné responsable de l’accident maritime du 25 mai 2015 qui a couté la vie à une femme était très attendu par les parties civiles. Toutefois, elles vont devoir encore patienter. En effet, le tribunal de proximité de Saint-Martin et Saint-Barthélemy devant lequel l’affaire était appelée le jeudi 23 juin s’est déclaré incompétent.
Rappel des faits. Le 25 mai 2015, un yacht percute un voilier au large de Colombier. En quelques minutes, le voilier coule. Trois des cinq passagers sont blessés tandis qu’un quatrième, une femme âgée d’une cinquantaine d’années, meurt sur le coup, comme l’indiquera un médecin légiste. Une enquête de gendarmerie est ouverte par le procureur de Saint-Martin avant d’être confiée à la brigade maritime de Brest. Un juge d’instruction à Basse-Terre (Guadeloupe) va également instruire le dossier et mettra en examen le pilote du yacht en 2019.
L’homme, originaire de Marseille, est accusé d’homicide involontaire et de blessures involontaires « par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence ». En d’autres termes, il lui est reproché d’avoir conduit le yacht à une vitesse trop élevée, d’avoir refusé la priorité au voilier et de n’avoir pas observé de veille. Par ordonnance, il a été renvoyé devant une juridiction pénale. Or, son avocat estime cette dernière incompétente. C’est par sa plaidoirie que l’audience débute.
Le conseil rappelle que les infractions reprochées à son client sont des infractions maritimes au code des transports. Aussi doivent-elles être examinées par le tribunal compétent en la matière, à savoir le tribunal maritime.
L’avocat appuie son argumentaire sur la réforme de la loi de 1926 relative à la répression en matière maritime entrée en vigueur au 1er janvier 2015. Jusqu’alors, les infractions maritimes pouvaient être jugées par un tribunal pénal si, dans la région, n’existait pas de tribunal maritime. Mais depuis le 1er janvier 2015, la loi réformée impose le renvoi des personnes ayant commis des infractions en mer devant un tribunal maritime. Par la même, elle instaure celui de Cayenne puisque la région en était dépourvue.
Cependant, les conseils de la partie civile (donc des victimes) soulignent qu’en mai 2015 le tribunal de Cayenne n’était créé que sur papier. Physiquement, il n’existait pas et les assesseurs n’étaient pas encore recrutés. Aussi n’est-il pas incongru, estiment-ils, que le tribunal de proximité de Saint-Martin soit saisi de l’affaire.
Par ailleurs, la défense relève qu’en 2015 le procureur de Saint-Martin aurait également dû se dessaisir de l’affaire au profit d’un de ses collègues près d’un tribunal maritime (Marseille ou Brest par exemple) comme le veut la réglementation. L’avocat demande alors la nullité de la procédure.
Pour le vice-procureur, le dernier point soulevé n’a pas lieu d’être. Il estime qu’au moment des faits, son prédécesseur était légitime à superviser l’enquête, notamment pour des raisons pratiques (décalage horaire, etc.). En revanche, il rejoint l’avocat de la défense pour le premier point. Selon lui le juge d’instruction aurait dû renvoyer le capitaine du yacht devant le tribunal de Cayenne.
Après en avoir délibéré pendant une heure, le tribunal de proximité de Saint-Martin a rejeté les conclusions de nullité. En revanche il s’est déclaré incompétent pour juger l’affaire. Celle-ci devra donc être examinée par le tribunal maritime de Cayenne qui, selon le parquet, pourra être délocalisé en Guadeloupe.

 

Journal de Saint-Barth N°1479 du 30/06/2022

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