Jeudi dernier au tribunal, nouveau défilé de prévenus mis en cause pour avoir conduit en ayant bu ou consommé des stupéfiants. Les magistrats, à l’instar de la préfète et du président de la Com, sont consternés et accentuent la sévérité des peines.
«Aujourd’hui à Saint-Barthélemy, nous avons seize dossiers, dont sept pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique, et quatre pour stupéfiants. Ce sont presque tous des jeunes. C’est intolérable !» s’énerve le président du tribunal Bertrand Mitsounda avant de débuter l’audience, jeudi dernier. «On ne vous défend pas de consommer de l’alcool. Mais soit vous restez chez vous, soit vous vous faites accompagner, soit vous dormez sur place. »
Les prévenus sont prévenus : ils ne pourront pas compter sur l’indulgence du tribunal aujourd’hui. Premier à en faire les frais, un artisan de 39 ans, dont la camionnette accidentée, à moitié dans le vide, a été découverte par les gendarmes le 30 avril dernier. Ces derniers voient un piéton venir vers eux, le propriétaire du véhicule. Il était parti à pieds à la recherche d’un pick-up pour récupérer sa camionnette enlisée. Il est contrôlé avec 2,32 gr d’alcool dans le sang. Le vice-procureur en remet une couche: « Cela fait un an que je viens à Saint-Barth, 90% des dossiers concernent la drogue et l’alcool sur la route.» Et de lister les différentes mesures mises en place par les autorités depuis l’an dernier. « Il y a un signal fort à donner. Nous avons condamné à des amendes, finalement ça n’a pas d’effet. Aujourd’hui chacun doit prendre ses responsabilités. Vous mettez en danger non seulement vous, mais aussi les autres usagers. La situation devient extrêmement grave. » Il demande une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve pendant 18 mois, obligation de soins, et une suspension du permis de conduire pendant six mois. Mais l’avocate de l’artisan, Me Dufetel, ne l’entend pas de cette oreille. Selon elle, son client ne peut tout simplement pas être jugé pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique, puisqu’il n’était pas au volant lorsqu’il a été contrôlé. « L’infraction n’est pas constituée. » Le juge rendra sa décision le 3 octobre.
Au suivant, un jeune homme volubile contrôlé en janvier 2018 sur un scooter, qu’il conduisait après avoir absorbé un planteur « très fort » et plusieurs bières. Son avocate MeRegnault de Maulmin plaide pour une annulation de l’entière procédure, en raison d’un point technique : le nom de l’organisme vérificateur de l’éthylomètre n’a pas été indiqué dans le dossier. Le délibéré sera rendu le 3 octobre.
Il remontait la route de Corossol sur un scooter 100 cm3 non assuré, sans permis, et a été contrôlé positif aux stupéfiants. Le 11 avril dernier, ce jeune homme de 23 ans assure qu’il ignorait l’absence d’assurance. Il reconnaît une consommation régulière de cannabis, pour lutter contre des crises d’angoisse. Le scooter a été détruit. Son casier judiciaire fait déjà mention de trois condamnations, et «douze procédures devant un tribunal depuis 2010 », souligne le vice-procureur. Le mis en cause fait amende honorable : « Depuis que je me suis fait arrêter, j’ai passé le BSR, j’ai acheté un scooter 50 cm3 qui est assuré, et je me suis inscrit pour passer le permis. » Il est condamné à six mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve durant 18 mois, 300 euros d’amende et un stage de sensibilisation à la sécurité routière.
Pour cette mère de famille, c’est le troisième passage au tribunal pour des faits de conduite sous l’empire d’un état alcoolique. En mars dernier, elle roulait à Gustavia avec 1,4 gr d’alcool dans le sang. « J’allais seulement garer mon véhicule, justement pour ne pas le reprendre », explique-t-elle. « Je pense que vous avez des condamnations à votre actif et que vous n’en avez pas tiré les leçons », rétorque le président, sévère avec cette gérante d’entreprise. « Vous êtes irresponsable, trop c’est trop ! » Elle tente de se défendre, mais il la coupe : « Cela ne se justifie pas, quelles que soient vos explications, elles ne tiennent pas. Et le jour ou vous allez tuer quelqu’un ? » Elle est condamnée à six mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve pendant 18 mois, 1.000 euros d’amende, annulation du permis de conduire et interdiction de s’inscrire à l’examen avant six mois, confiscation du véhicule.
Après le coup de gueule de la présidente de la chambre détachée de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, Catherine Leuly-Joncart (JSB n°1332), les magistrats continuent de désespérer de ne voir aucun effet suivre les mesures préventives et répressives. Le 24 août, dans leurs discours de la fête patronale, la préfète Sylvie Feucher et le président Bruno Magras établissaient le même constat : les mauvais comportements sur la route ne changent pas. La première rappelant que l’hôpital De Bruyn reçoit chaque année 400 blessés en deux-roues. Le second appelant chaque usager de la route à se responsabiliser.
JSB 1341