Le feuilleton est encore loin d’être terminé. La première saison s’est achevée sur une victoire tronquée de l’association Saint-Barth Essentiel. Certes, elle a obtenu la suspension du permis de construire modificatif accordé par la Collectivité territoriale à la SAS Saint-Jean Beach Real Estate pour son projet de construction de l’hôtel L’Etoile. Toutefois, la décision de justice n’empêchait pas la société de poursuivre les travaux en appliquant les conditions du permis originel. Une illustration de la complexité, parfois absconse, de la mise en application du droit.
Protestation vigoureuse
Quoi qu’il en soit, pour l’association, l’étape la plus importante, donc la plus attendue, était celle de l’examen au fond du dossier par le tribunal administratif. L’audience, fixée le mardi 23 novembre, n’a toutefois pas eu lieu. Pour la simple et bonne raison que le tribunal a accédé à la demande de report formulée par les avocats de la SAS Saint-Jean Beach Real Estate. La saison 2 commence sur les chapeaux de roue.
Pour mémoire, et pour faire simple, l’association Saint-Barth Essentiel proteste vigoureusement depuis des mois contre certains points du permis de construire accordé par la Collectivité territoriale à la SAS Saint-Jean Beach Real Estate pour le projet de construction de l’hôtel L’Etoile, à Saint-Jean, en lieu et place de l’ancien Emeraude. Manifestations devant le chantier, référés en suspension, Saint-Barth Essentiel multiplie les actions pour tenter, sinon d’arrêter les travaux, à tout le moins d’obtenir une révision du permis de construire.
A Saint-Jean, ça creuse...
Une entreprise qui a presque connu le succès puisque la Collectivité a convaincu la SAS Saint-Jean Beach Real Estate de déposer une demande d’obtention d’un permis modificatif. Une démarche qui s’est évidemment soldée par l’attribution de cette requête. Néanmoins, de son côté, l’association est parvenue à convaincre le tribunal administratif de prononcer une suspension de ce permis modifié. Sans que cette décision n’influe sur la poursuite des travaux puisque le permis originel continue d’être valide. Par conséquent, à Saint-Jean, ça creuse, ça creuse...
Un report de deux mois sollicité
L’audience du mardi 23 novembre était donc attendue avec impatience par Saint-Barth Essentiel. Ce que ne savait pas l’association, c’est que le cabinet d’avocat qui représente la SAS Saint-Jean Beach Real Estate avait déposé, le 29 octobre, une demande de report auprès du tribunal. « De manière à ce qu’il soit tenu compte, dans le cadre du jugement qui sera rendu, de l’intervention d’un permis de construire modificatif n°2 dont la délivrance est attendue pour la fin du mois de janvier 2022 », explique le cabinet Adden Avocats dans son courrier envoyés au président du tribunal.
Le cabinet justifie sa requête en précisant que le permis de construire modificatif n°2 a pour objet de lever l’ensemble des points qui ont conduit à la suspension du premier permis modifié. « L’intervention de ce permis de construire modificatif n°2 conditionne nécessairement le jugement au fond de cette affaire, insistent les avocats. C’est la raison pour laquelle nous sollicitons un report de l’audience à laquelle est inscrite l’affaire en objet, afin de permettre à la Collectivité de Saint-Barthélemy de délivrer le permis de construire modificatif n°2 et à la SAS St Jean Beach Real Estate Invest de le produire devant votre juridiction pour qu’il en soit tenu compte. » Un report de deux mois a été sollicité par le cabinet et accordé par le tribunal administratif. Une décision « particulièrement choquante », selon le conseil de Saint-Barth Essentiel.
«Un inacceptable
préjument»
Dans un courrier adressé au tribunal administratif, l’avocat Philippe Hansen exprime son étonnement face à l’obtention du report d’audience. « Si nul ne doutait de l’absence totale de volonté de la Collectivité d’exercer sérieusement ses prérogatives en l’espèce, afin de permettre à tout prix la réalisation du projet litigieux, il est tout de même assez révélateur que personne ne cherche même plus à en faire mystère, y compris devant votre juridiction », lance-t-il. Selon le conseil de Saint-Barth Essentiel, « la décision de renvoi de l’audience caractérise, de la part du Tribunal lui-même, un inacceptable préjugement de l’affaire, de nature à affecter l’impartialité du juge du fond et la régularité du jugement à intervenir ».
S’il ne conteste pas le droit de la partie adverse à solliciter un permis modificatif, l’avocat estime que cette démarche « devrait être sans incidence sur le déroulement normal du procès, en particulier lorsque celui-ci porte sur une autorisation dont la mise en oeuvre est susceptible de causer des dommages difficilement réversibles à l’environnement ». Et de conclure ses observations en tançant l’institution judiciaire administrative : « Au total, la décision de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure constitue, de notre point de vue, une grave méconnaissance principes élémentaires de la procédure contentieuse en matière d’autorisations d’urbanisme, qui supposent que l’organisation par le juge des conditions d’une régularisation éventuelle desdites autorisations ne puisse intervenir, dans un cadre très précis, qu’après l’audience et non avant. »
L’affaire a donc été renvoyée mais, pour l’heure, aucune date n’a été fixée par le tribunal administratif puisque ce dernier mentionne, dans son courrier adressé aux deux parties, « une séance ultérieure ». Un report « sine die », en somme. Sans date, sans heure. Une deuxième saison qui s’annonce pleine d’incertitude. Et pendant ce temps, à Saint-Jean, ça creuse.