L’Etat a annoncé le montant de l’aide totale accordée aux Îles du Nord pour la reconstruction après Irma : près de 500 millions d’euros, quasiment intégralement reversés à Saint-Martin. Une annonce qui a contrarié Daniel Gibbs et Claire Javois, président et députée de l’île.
Le gouvernement ne veut plus être taxé d’avoir oublié Saint-Martin. C’est pourquoi tous les deux mois, des ministres viennent visiter les Îles du Nord, et annoncent des chiffres de plus en plus énormes. Lundi s’est tenu le 5e comité interministériel pour la reconstruction de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, sous la houlette du Premier ministre Edouard Philippe, et en présence des présidents Bruno Magras et Daniel Gibbs et du préfet délégué Philippe Gustin.
A l’issue de cette réunion, qui prenait aussi la forme d’un bilan six mois après la catastrophe, le gouvernement a dressé la liste des aides apportées aux Îles du Nord depuis Irma. Avec un nouveau « chèque » de 370 millions d’euros annoncé lundi pour la reconstruction, la facture totale avoisine les 500 millions d’euros : 163 millions pour le dispositif d’urgence (envoi de militaires, gendarmes, vivres, eau, matériel...), 140 millions pour l’aide aux entreprises…
Pour rappel, Saint-Barthélemy a bénéficié de l’exonération de la DGC (2,9 millions d’euros), de l’ensemble des aides aux entreprises (chômage technique pour 2700 salariés de l’île et redémarrage), et d’un soutien aux plus démunis (carte Cohésia). L’aide d’urgence a été moindre par rapport à Saint-Martin, les besoins n’étant pas les mêmes.
Daniel Gibbs déçu
Daniel Gibbs, président de la Collectivité de Saint-Martin, n’a pas été convaincu par la réunion interministérielle. En effet, dans ce chiffre énorme de 500 millions, l’Etat mélange un peu tout. « Le président Gibbs regrette et s’étonne que l’intervention spéciale de l’Etat sur la reconstruction des infrastructures publiques soit mélangée avec les actions menées par l’Etat au titre de la solidarité nationale juste après le cyclone (qui ne concernent pas la reconstruction et donc le protocole discuté lundi). On rend Saint-Martin comptable de la solidarité nationale… » a regretté la Collectivité voisine, dans un communiqué.
« L’Etat s’était engagé à financer intégralement la reconstruction d’une école et d’un collège. Au final, sur les 32 millions de travaux, seuls 15 millions seront versés à Saint-Martin. En ce qui concerne les bailleurs sociaux, 12,7 millions étaient demandés, 6 millions ont été obtenus », a détaillé le président Gibbs à la presse, à Paris. De même, l’Etat inclut dans ce chiffre les 46 millions d’euros du Fonds de secours de l’Union européenne, dont Saint-Martin disposera.
Claire Javois aussi
La députée des Îles du Nord, Claire Javois Guion Firmin, considère également que « les annonces gouvernementales sont décevantes et en trompe-l’œil. Les chiffres mirobolants, le « pactole » comme va même jusqu’à titrer la presse nationale, ne correspondent pas à une aide financière nette. Des 493,6 millions d’euros de solidarité nationale au total annoncés, l’État intègre l’aide de l’Union européenne, la reconstruction de ses propres infrastructures – préfecture et gendarmerie – l’accord d’un prêt et un moratoire qui, comme leurs noms l’indiquent, devront être remboursés ! », explique-t-elle. « La Collectivité a soumis à l’État un plan pluriannuel d’investissement de reconstruction de 210 millions d’euros mais seuls 21 millions d’euros de fonds spéciaux seront accordés à la Com, et si c’est un geste apprécié, ce n’est pas à la hauteur de ce qui avait été clairement affirmé par Emmanuel Macron » lors de sa venue en septembre.
Les assurances ont encore du travail
Lors de leur venue à Saint-Martin et Saint-Barthélemy en janvier, les patrons de la Fédération française des assurances (FFA) promettaient que toutes les indemnisations seraient versées avant le carnaval. Force est de constater que cela n’a pas été le cas. Elles n’ont payé que 609 millions d’euros sur les 1,83 milliards de dégâts assurés, sur les deux îles.
Ces retards rallongent encore les délais pour la reconstruction de Saint-Martin, où actuellement, 300 chambres d’hôtels sont disponibles sur les 1700 existantes avant l’ouragan.
La reprise n’est pas pour tout de suite. Mardi, le préfet Philippe Gustin a prévenu : « Il faut accélérer la mise au sec des habitations et prévoir des abris pour la population en cas de besoin », a-t-il expliqué sur Europe 1. « Pour avoir la situation d’avant, et même une situation améliorée par rapport à avant, il faudra au moins deux ans en termes de construction. L’Etat a débloqué l’argent : la scène du théâtre est prête, il faut maintenant jouer la pièce. »
Daniel Gibbs se veut tout de même rassurant : « La reconstruction sera financée et réalisée comme prévue. Il faudra redéfinir les priorités, à savoir les écoles, les routes et les infrastructures. Il faudra trouver le financement. »
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