La Cour des comptes a publié un rapport qui aborde la reconstruction des îles du Nord après le passage dévastateur de l’ouragan Irma, en 2017. Un document qui souligne l’efficacité et la bonne gestion de la Collectivité de Saint-Barth et les difficultés fonctionnelles de Saint-Martin.
Si les îles du Nord ont eu à affronter le même péril, les dégâts engendrés par la violence d’Irma en 2017 ne sont pas identiques à Saint-Barthélemy et Saint-Martin. La méthode et les moyens mis en œuvre après le passage de l’ouragan ont également été très différents. Dans son rapport consacré à la reconstruction des deux îles et publié ce mois de juillet, la Cour des comptes analyse l’évolution des travaux entrepris depuis 2017. A travers le document de plus de 80 pages transparaît l’efficacité et la bonne gestion de Saint-Barth tandis que sont mises en avant les nombreuses difficultés fonctionnelles rencontrées par Saint-Martin.
Saint-Barth moins atteinte
« De façon générale, si la violence de l’ouragan a été du même ordre sur l’ensemble des territoires des îles du Nord, son impact a été variable selon les types d’immeubles, leur conception, la qualité des constructions et leur emplacement, explique le rapport. La différence observée quant aux méthodes de reconstruction et au degré d’intervention de l’État s’explique d’abord par les caractéristiques des deux îles : si toutes deux bénéficient d’une large autonomie, notamment sur le plan fiscal, Saint-Martin n’avait pas encore achevé la mise en place et l’organisation d’institutions résultant de la réforme législative de 2007. Les capacités d’expertise et de gestion de la jeune collectivité demeurent insuffisantes. »
Par ailleurs, le rapport insiste sur le fait que le niveau de développement économique de Saint-Martin reste inférieur à celui de Saint-Barthélemy, «ce qui ne lui offre pas les mêmes ressorts ». En outre, les dégâts ont été nettement plus importants à Saint-Martin. À Saint-Barthélemy, la part plus faible de l’habitat précaire et «le respect plus strict des règles de construction dans les zones à risque », précise la Cour des comptes, peuvent expliquer les moindres dégâts subis.
Dotations exceptionnelles pour Saint-Martin
Pour illustrer ce propos, il suffit de se pencher sur le bilan brut des dégâts. A Saint-Martin, la part de biens «pas ou peu endommagés» s’élève à 47% tandis qu’à Saint-Barthélemy, elle est de 84%. Les bâtiments détruits représentent 3% du parc à Saint-Barth contre 20% à Saint-Martin.
Ces différences ont entraîné une sollicitation distincte de l’État par les collectivités. Toutefois, dans les deux cas, la méthode retenue diffère de celle mise en œuvre dans la partie hollandaise de Saint-Martin puisque l’État néerlandais a fait appel à la Banque mondiale (à hauteur de 470 millions d’euros sur les 550 engagés dans la reconstruction). A Saint-Barthélemy, c’est la Collectivité qui a supervisé et pris en charge sa reconstruction. L’Etat n’est intervenu que ponctuellement pour assurer une continuité financière.
«Reconstruction maîtrisée» à Saint-Barth
La Cour des comptes mentionne une reconstruction «pleinement maîtrisée » par la Collectivité de Saint-Barth. L’Etat a pris en compte les conséquences de l’arrêt temporaire de l’activité économique et a annulé la contribution que la collectivité aurait dû lui verser dans le cadre de sa dotation globale de compensation négative. Ainsi, Saint-Barth a bénéficié d’un allègement de charges de 2,88 millions d’euros en 2017. Cette mesure s’est accompagnée d’un soutien spécifique aux entreprises, par un accès facilité au dispositif d’activité partielle et un moratoire sur les charges sociales patronales.
De son côté, Saint-Martin, a perçu une dotation exceptionnelle de 12,1 millions en 2017, de 25 millions en 2018 et de 16,1 millions en 2019. Cette dernière étant destinée à financer des dépenses d’investissement. « L’État a également soutenu la reconstruction du logement social en versant une participation de 6,11 millions d’euros aux bailleurs sociaux », précise la Cour des comptes.
Lorsqu’il aborde le rythme de reconstruction, le rapport constate que celle-ci est « quasi achevée » à Saint-Barth. « Après la crise, les travaux ont été essentiellement consacrés à la sécurisation des routes, des bâtiments et des réseaux électrique et téléphonique, explique la Cour. Ils ont ensuite été engagés par ordre de priorité, permettant le recours à des marchés publics négociés sans publicité ni mise en concurrence préalables. Enfin, à partir de fin novembre 2017, une phase de reconstruction s’est engagée et la collectivité est revenue au droit commun de la commande publique. Dans ce contexte, la station d’épuration de Gustavia a été rénovée et remise en état en avril 2018. » La remise en état des réseaux électriques a été effectuée sur une durée de quatre ans, en concertation avec EDF. Le rapport assure que « les nouveaux équipements sont désormais conçus en prenant en compte les risques cycloniques et de submersion ».Faible impact sur
les finances
Au sujet du poids des investissements, la Cour des comptes assure que la situation financière de la Collectivité a été faiblement affectée par l’ouragan. Le rapport précise : « Le niveau des ressources fiscales a aujourd’hui dépassé le montant le plus élevé de la période pré-cyclonique en 2019. Les charges de gestion sont restées contenues. La capacité d’autofinancement s’est stabilisée sur une tendance haussière et la collectivité n’a pas eu recours à l’emprunt, demeurant ainsi sans endettement de long terme. »
En conclusion, la Cour des comptes estime que la Collectivité de Saint-Barth a tiré les enseignements de la catastrophe. Elle travaille notamment au renforcement de ses réseaux électrique et de communication ainsi qu’à la construction de nouveaux abris sûrs (comme le parking de 150 places qui sera situé sous le futur complexe de Gustavia).
En revanche, pour Saint-Martin, de nombreuses étapes et autres défis restent à relever pour achever la reconstruction. Plan de développement, planification urbaine, meilleur suivi des fonds publics, étude d’impact sur la future réforme fiscale... Le chemin sera long.