Le président de la Collectivité s’exprime sur la reconstruction et donne sa vision du futur de l’urbanisme sur notre île. S’il assure que les chantiers de reconstruction sont vérifiés pour éviter tout abus, il n’est pas favorable à un durcissement de la législation.
Six mois après Irma, quelles leçons peut-on tirer de ce phénomène climatique hors du commun ?
L’ouragan Irma fut en effet un phénomène hors du commun. Jamais de mémoire d’anciens, notre île n’avait connu pareil déchaînement. Fort heureusement, grâce à la qualité du bâti et à la discipline de la population qui a scrupuleusement respecté les consignes de sécurité, nous n’avons eu à déplorer ni mort, ni blessé.
Bien entendu, il faut toujours tirer les leçons de ce genre de d’événements. Mais face à une telle violence, qui peut vraiment prétendre en sortir indemne ? Il faut par conséquent se préparer du mieux possible au cas où nous aurions à faire face à nouveau, au déchaînement de la nature dans le futur. Nous avons l’expérience. Par conséquent la guerre avertie ne tue pas.
Il n’y a pas encore eu de retour d’expérience de l’ensemble des acteurs du Centre opérationnel territorial qui a géré la crise Irma depuis l’aéroport. Est-ce prévu ?
Le retour d'expérience a eu lieu en fin d'année en liaison avec la préfecture. Différents points sont à améliorer, notamment la communication dans ces situations extrêmes. Plusieurs réunions sont programmées jusqu'en juin pour roder le dispositif de la prochaine saison cyclonique.
A trois mois de la saison cyclonique, de nombreux toits sont encore remplacés par des bâches, il n’y a pas de nouvel abri sûr. Saint-Barthélemy est-elle prête en cas de nouveau cyclone ?
La saison cyclonique débute officiellement le 1er juin. Il nous reste donc encore un peu de temps pour organiser quelques abris sûrs. Nous nous y attelons. Une dalle en béton sera réalisée sur le toit des locaux administratifs qui sont en cours de finalisation à Lorient, ainsi que sur le toit de l’ancienne école Alcide-Terrac à Colombier dans le but d’en faire des abris sûrs, mais pour être sincère, que peut-on et que doit-on qualifier d’abris sûrs face à des rafales de 350 km/heure ? Pour ce qui concerne les toits toujours bâchés, de nombreux cas relèvent du retard d’indemnisation des compagnies d’assurance, des difficultés à trouver des entreprises disponibles, ou encore de conflits familiaux.
Y a-t-il eu beaucoup d’abus dans les reconstructions à l’identique, sans permis ? Ont-ils ou seront-ils sanctionnés ?
A ma connaissance, il y a eu peu de dérapages. Ceux qui nous ont été signalés ou constatés par nos services, font systématiquement l’objet de vérifications, de courriers de mise en demeure d’arrêter les travaux dans l’attente du dépôt d’un dossier et d’une décision du conseil exécutif. S'il faut aller plus loin, nous n’hésiterons pas à le faire.
A Saint-Martin, la Collectivité et l’Etat ont instauré un sursis à statuer de 2 ans pour tout projet de reconstruction dans les zones à risques. Une telle mesure a-t-elle été envisagée à Saint-Barthélemy ?
Non, nous n’avons pas jugé utile d’avoir recours à ce genre de contraintes. Dans un premier temps, l’urgence a consisté à permettre aux gens de s’abriter en sécurité le plus rapidement possible. A Saint-Martin c’est un peu différent. Les autorités sont confrontées à l’occupation des cinquante pas géométriques, ainsi qu’à des constructions qui n’avaient pas été légalement autorisées. Par conséquent je comprends fort bien que le conseil exécutif de Saint-Martin ait décidé de prendre le temps d’une analyse approfondie sur ces questions.
Globalement, l’expérience Irma va-t-elle modifier la politique de l’urbanisme de la Collectivité ?
Pas nécessairement. La balle est plutôt dans le camp des concepteurs de projets et dans la surveillance de la qualité du bâti, plutôt que dans l’application de règles draconiennes qui d’emblée, imposeraient un surcoût à la construction. Ceci étant, comme nous l'avions annoncé bien avant Irma, la majorité va intégrer au code de l’urbanisme, une partie « habitation ; logement » et une partie «construction ». Si quelques améliorations doivent être apportées tant au code de l'urbanisme qu’à la carte, nous en profiterons pour le faire.
Exemple : une villa va se construire sur le sable de Lorient, près du cimetière, zone submergée par la houle. Un tel permis pourrait-il être délivré à l’avenir ?
Si nous devions interdire les constructions partout où la houle est montée lors du passage du cyclone, nous aurions bien des difficultés à maintenir notre activité touristique. L’essentiel n’est pas d’interdire les constructions, mais de faire évacuer les zones à risques lors de l’arrivée de tels phénomènes. S’agissant de la zone que vous évoquez, j’ai d’ailleurs observé que les constructions voisines ont très bien tenu le choc.
Faut-il durcir les normes de sécurité en terme d’urbanisme ? Par exemple, obliger les nouvelles constructions à se doter de dalles de béton, sous le toit ?
Je fais partie de ceux qui pensent que chacun doit assumer ses responsabilités. Edicter des normes et vouloir les faire appliquer c’est bien, mais qui paiera le surcoût ? N’oublions pas que tout est importé sur cette île et que le prix du mètre carré bâti a déjà atteint des sommets. D’autre part, immédiatement après le passage du cyclone, j’ai recommandé la réalisation d’une partie des toits en béton à condition de ne pas dénaturer l’aspect architectural du bâti. Mais j’ai aussi précisé que nous étions dans une zone sismique et que le toit en béton n’était pas forcément la meilleure solution.
Le PPRN (Plan de prévention des risques naturels) de Saint-Barthélemy est en cours d’élaboration. Pourquoi seulement maintenant ?
Parce que je n’ai jamais été très favorable à ce genre de mesures globales, régulièrement édictées pas des théoriciens qui n’ont strictement aucune expérience de la réalité. Je pense que chaque demande de permis de construire doit faire l’objet d’une étude sérieuse au cas par cas. Lorsqu’une étude de sol doit être exigée, il faut l’exiger, lorsqu’il y a un risque évident, il faut refuser l’autorisation de construire. Ceci étant, si nous devions prendre en compte toutes les zones où existent des risques d’éboulement, d’inondation, de glissement de terrains, de montée des eaux en cas de houle cyclonique, non seulement il ne faudrait plus rien construire, mais commencer à détruire.
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Ce qu’a annoncé Bruno Magras au Premier ministre
Lundi se tenait à Paris le 5e comité interministériel pour la reconstruction des Îles du nord. Interrogés sur leur préparation de la prochaine saison cyclonique, les présidents des Collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy ont détaillé leur plan.
Pour notre île, Bruno Magras a indiqué qu’il reconduirait le plan habituel en cas de nouveau cyclone pour la saison 2018, qu’il a détaillé auprès d’Edouard Philippe :
- les abris sûrs habituels seront renforcés et de nouveaux abris ont déjà été identifiés, portant la capacité totale d’hébergement de 60 à 200 places ;
- l’évacuation totale des déchets causés par Irma sera finalisée au 1er juillet 2018 ;
- le dispositif de pré-positionnement d’engins en différents points de l’île pour le déblaiement post-cyclone sera reconduit ;
- des stocks de vivres seront constitués ;
- le dispositif d’information au public sera reconduit avec une insistance plus marquée sur les réseaux sociaux ;
- les moyens de télécommunications dépendant de la Collectivité seront renforcés, notamment les moyens de communication par satellite ;
- la caserne des pompiers ayant été sinistrée, un projet de rénovation et de sécurisation de la caserne est en préparation mais ne sera pas achevé pour la prochaine saison. En revanche, le rééquipement en matériels et véhicules de secours sera effectif d’ici l’été ;
- les groupes électrogènes seront vérifiés et renforcés.
JSB 1270