Saint-Barth -

A Saint-Barth, Irma coûtera 835 millions d’euros aux assurances

Deux responsables de la Fédération Française des Assurances (FFA) sont venus dans les îles du Nord la semaine dernière. Ils livrent les derniers chiffres de la facture laissée par Irma à Saint-Barthélemy, et détaillent les raisons des délais d’indemnisation.

D’abord les chiffres. En ce qui concerne les biens assurés, la facture d’Irma s’élève à 1,8 milliard d’euros sur les deux îles, dont 835 millions pour Saint-Barthélemy. « C’est 45% du montant total », notent Arnaud Cheinweiss, directeur général de la FFA, et Stéphane Pénet, directeur des assurances de dommages et responsabilités. « Ce qui classe Irma comme le deuxième événement le plus coûteux de l’histoire de France, après la tempête de 1999 en métropole, qui avait coûté 7 milliards. »

110.000 euros de sinistres par maison

A Saint-Barth, 8.400 sinistres ont été déclarés, dont environ 3.900 maisons sinistrées (auxquelles il faut ajouter les 200 biens immobiliers non assurés sur l’île). « La moyenne des déclarations est de 110.000 euros par maison, contre 63.000 euros à Saint-Martin. » Côté professionnels, 774 entreprises ont déclaré un ou plusieurs sinistres. « L’indemnisation moyenne va être de 500.000 euros par entreprise », estime Arnaud Cheinweiss. « Quand vous avez des Cheval Blanc ou Christopher, ça chiffre vite… »

3.800 véhicules ont été « cyclonés » sur notre île, et une vingtaine de bateaux ont aussi rempli une déclaration auprès de leur assurance. « Mais ce chiffre ne concerne que les assureurs français, on pense que beaucoup de navires étaient assurés par des professionnels étrangers », nuance Stéphane Pénet.

Le montant des sommes à débourser par les assurances est énorme, « pour un nombre très faible d’assurés. Les tempêtes du mois dernier en France, c’est environ 1.000 euros par dossier. Ici, on est sur une moyenne de 100.000 euros par dossier... » 

Pourquoi les indemnisations tardent

Début janvier, la FFA estimait que 54% des assurés avaient été totalement ou partiellement indemnisés. Cinq mois après l’événement, le temps s’écoule bien lentement pour les propriétaires qui attendent un chèque de l’assurance pour reconstruire. « Comparé à d’autres catastrophes similaires, en ce qui concerne Irma, on est sur une moyenne lente », admet Stéphane Pénet. Il détaille les causes de ce délai.

« D’abord, juste après l’ouragan, on n’a pas pu venir sur les îles. On a déjà pris trois semaines dans la vue. Ensuite, les experts ont pu arriver, mais au compte-goutte. Ils avaient des difficultés à trouver des voitures, des logements… L’effectif complet, environ 120 experts, n’est arrivé que cinquante jours après le cyclone. » Deuxièmement, Stéphane Pénet évoque une spécificité locale : le recours massif aux experts d’assurés, ce qui est un droit mais a pour conséquence un ralentissement du traitement des dossiers. Les deux pontes de l’assurance n’ont jamais vu ça sur d’autres catastrophes. « Une majorité écrasante des cas ont eu recours à un expert d’assuré. On plaide coupable de manque d’information », commentent-ils. « Un expert d’assurance est en réalité indépendant, au même titre qu’un avocat, contrairement à ce que croient certaines personnes. Parmi les experts d’assurés, il y a des gens très qualifiés, d’autres plus olé-olé… ».

Artisans submergés, devis gonflés

Troisième facteur de la lenteur de l’indemnisation, les devis des artisans. « Ils ont été submergés d’appels, sachant qu’eux-mêmes avaient été touchés, et travaillaient dans les conditions que vous connaissez… Le second phénomène, c’est qu’avec une telle demande, les devis ont parfois augmenté jusqu’à 50% du tarif habituel. Dans ces cas-là, les experts contestent, et ça rallonge encore les délais. »

Tous ces facteurs sont compréhensibles, mais ne répondent pas à la question : quand arriveront les indemnisations ? « On espère que tout sera réglé avant le carnaval. Il y a une mobilisation très forte, des Antilles à Paris, cela va payer », assure Arnaud Cheinweiss. Qui rappelle la politique « tout à fait exceptionnelle mise en place par les assureurs. Il y a eu beaucoup d’avances sur les indemnisations. Mais on ­comprend l’impatience des assurés. »

Et après ?

Les quelques assureurs de l’île se retrouvent avec des sommes énormes à débourser. Il est à craindre qu’ils vont augmenter les tarifs de leurs contrats. Ce serait déjà le cas, notamment en ce qui concerne les bateaux. « La hausse des tarifs dépendra de la concurrence », indique Arnaud Cheinweiss. Le risque, c’est que des assureurs se retirent des Îles du Nord, jugeant les risques trop élevés, donc la rentabilité incertaine. « S’il n’en reste que deux ou trois, forcément, les prix vont augmenter », admet le directeur général de la FFA. Les entreprises doivent bien vivre, il serait étonnant que les prix n’augmentent pas dans les mois qui viennent, pour éponger la catastrophe Irma de 2017 sur l’exercice suivant.

Que faire pour éviter que les tarifs ne flambent ? « Nous incitons les pouvoirs publics à développer des plans de prévention des risques naturels (PPRN), car cela limitera le coût des assurances », indique Stéphane Pénet. « On estime que dans 25 ans, le coût des catastrophes naturelles pour les assureurs aura doublé. Il faut sensibiliser les autorités sur l’importance du PPRN, des permis de construire, des matériaux de construction… »


JSB 1263






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