Dimanche matin, la psychothérapeute Laetitia Santarelli, et l’avocate Melissa Malaval animaient une conférence sur les violences intrafamiliales, et en particulier sur la façon de s’en sortir.
A Saint-Barthélemy, deux associations se sont emparées de la journée du 8 mars, dédiée à la défense des droits des femmes. L’Ajoe proposait des activités gratuites pour toutes (surf, pilates, etc.) tandis que SB Artists organisait notamment une conférence sur les violences intrafamiliales, animée par la psychothérapeute Laetitia Santarelli, et l’avocate Melissa Malaval.
Les deux professionnelles ont toutes deux affaires, dans le cadre de leurs fonctions à Saint-Barth, à des femmes victimes de violences. Elles ont choisi d’axer la conférence sur la résilience, autrement dit, comment s’en sortir et se reconstruire ?
Il n’y avait pas foule, dimanche matin, pour les écouter au théâtre du Paradis. Pourtant, le sujet concerne beaucoup plus de monde qu’on ne l’imagine. « Nous ne sommes pas nombreux, cela met en lumière le fait qu’il n’est pas facile d’en parler, ni même d’en entendre parler », souligne Laetitia Santarelli. Les chiffres sont alarmants : en France, 225.000 personnes, en grande majorité des femmes, sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex. Seules 19% déposent plainte à la gendarmerie, ce qui illustre le tabou qui entourent ce sujet difficile.
« Pour s’en sortir, il n’y a pas trente-six solutions. Il faut aller porter plainte. Il faut parler. Un arsenal de mesures est là ensuite pour vous défendre », exhorte Me Melissa Malaval. « Les personnes violentes avec leur conjoint ne les font vivre que dans la peur de n’être plus protégé. Or c’est la plainte qui, généralement, met un terme aux violences. » Elle recommande, au plus tôt après les violences subies, qu’elles soient physiques, sexuelles ou les deux, de se rendre chez un médecin pour obtenir un certificat médical. « Un rapport non consenti se voit médicalement. Le viol entre époux est réprimé au même titre qu’un viol tout court. Le diagnostic médical apporte souvent une première réponse aux victimes. »
Une fois la plainte déposée, que faire et ou aller ? Surtout à Saint-Barthélemy, comment éviter son agresseur, comment se loger ? « Le juge aux affaires familiales peut être saisi en urgence pour l’attribution du domicile conjugal, et pour établir d’éventuelles mesures de protection, que le conjoint ne devra pas transgresser sous peine de sanctions pénales », détaille l’avocate. « Une fois la démarche commencée, il faut aller jusqu’au bout. Une fois la plainte déposée, même si vous la retirez ensuite, la procédure sera enclenchée. » Me Malaval rappelle les peines encourues par les agresseurs, de 3 à 7 ans de prison, et jusqu’à 30 ans de réclusion en cas de décès de la victime.
« Pourquoi elle reste ? »
Honte, culpabilité, pression, peur : les victimes ont souvent énormément de mal à franchir le pas et faire appel aux autorités et à la justice. Un obstacle psychologique immense, que beaucoup de personnes, de l’extérieur, ont du mal à concevoir. Le fameux “Pourquoi elle reste ?”, souvent entendu en commentaire d’affaires de violences conjugales. « Lorsque l’on est agressé, on est forcément vulnérable. Un traumatisme, c’est différent d’une agression ; c’est une épreuve qui vous place face à l’impensable. Comme une explosion dans le métro… ou une agression par un membre de sa famille », explique la psychothérapeute Laetitia Santarelli. « Une personne sur deux vit au moins un traumatisme dans sa vie. Il est prouvé que ces traumas agissent sur le cortex préfrontal du cerveau, donc sur le fonctionnement cérébral. Quand je suis traumatisé, je ne comprends pas normalement, je n’apprends pas normalement, et je ne retiens pas normalement. »
Concept de résilience
« Le premier pas pour entrer en résilience est, de toute façon, de s’exprimer, dans un cadre bienveillant », poursuit Laetitia Santarelli. Bien sûr, selon son histoire personnelle, il est plus ou moins facile de parler. « Les freins à la résilience sont la solitude, l’isolement, mais aussi la honte, la culpabilité, et la peur d’une nouvelle exposition au traumatisme. D’autant que l’auteur des violences adopte très souvent, lui même, un discours culpabilisant. Une autre excellente raison de parler, c’est qu’il y a un risque élevé de reproduction. Soit pour soi-même, soit la victime peut devenir à son tour un bourreau. »
Le concept de résilience que détaille la spécialiste, théorisé par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, se compose de trois pans : « l’acceptation, la non-résistance. Accepter, ce n’est pas valider, mais admettre que cela a eu lieu. Se réapproprier son histoire. La victime n’est pas responsable de ce qui lui est arrivée, mais est responsable de ce qu’elle va en faire. Enfin, il faut envisager de pardonner. Il ne s’agit pas de religion, et l’autre n’a pas besoin de savoir qu’on l’a pardonné. Mais il faut être conscient que tout ce que je garde comme haine et rancœur envers l’autre, qui en souffre ? C’est moi, pas lui. »
Cas compliqués à Saint-Barth
La petitesse de l’île n’encourage pas les femmes à s’exprimer. La honte qu’elles ressentent est déjà tenace face à un inconnu, or ici, personne n’est vraiment inconnu… Sans parler de la peur des représailles, car si l’agresseur est sur l’île, il sera difficile de ne pas le croiser. Enfin, la crise du logement implique que si elles quittent le domicile conjugal, elles devront quitter, à coup sûr ou presque, Saint-Barthélemy.