“Bike life”. C’est la mention qui accompagne les profils en ligne des deux jeunes accidentés, et de pas mal de leurs copains. Ils publient sur les réseaux des dizaines de photos et vidéos de leurs exploits à deux-roues sur la voie publique. Un phénomène qui n’est pas propre à Saint-Barthélemy et inquiète de nombreuses communes de France, de toutes tailles. La tendance des rodéos sauvages prend de l’ampleur, boostée par les réseaux sociaux où chacun publie ses acrobaties, la surenchère étant de mise.
A Saint-Barth comme ailleurs, on dirait que rien ne peut faire entendre raison à ces enfants. Campagnes de prévention, pédagogie ou répression, pas moyen d’enrayer le phénomène. Même les accidents graves voire mortels ne freinent pas les fous du guidon.
Le fait de savoir leurs deux copains, parmi les plus populaires de la bande, proches de la mort lundi soir, n’a pas l’air de les faire réfléchir d’un iota sur leur passion. Mardi soir, un adolescent de l’île, rappeur de son état, a largement diffusé un extrait du vidéoclip de l’une de ses chansons, “Dupé”, tourné récemment. Il compte déjà plus de 4.400 vues sur Youtube. On y voit des jeunes de l’île multiplier les acrobaties à scooter, à Toiny notamment, et en premier plan l’un des deux accidentés de lundi soir. Roulant en wheeling, debout sur la selle, etc. Ne parlons pas de l’étalage de billets de 10 euros et des gros plans sur une Rolex, inspirés des gangsta-rappeurs… C’est un autre sujet.
« Vous viendrez me voir au cimetière »
L’une des victimes de lundi a noté dans sa description Instagram : “Ride or die”. Ce qui fait un peu froid dans le dos au vu de son état actuel. L’effet de bande joue son rôle, et au final, les accidentés des rodéos sauvages sont presque érigés en héros, façon blessés de guerre. Quelques jours avant l’accident, aux Mangliers, un ado circulant sur une roue était interpellé par une automobiliste, qui lui a fait la leçon. « Vous viendrez me voir au cimetière », a répondu l’effronté.
Cette idée de la mort au tournant, à 15 ou 16 ans, fait partie de l’adrénaline recherchée dans cette passion de la “bike life”. « Les ados ont besoin de sensations fortes voire violentes pour s’extraire de l’enfance ouatée », explique Xavier Pommereau, auteur du livre “Le Goût du risque à l’adolescence”. « Ils ont besoin de jouer à se faire peur, s'exposer à un danger pour se prouver qu’ils sont capables, et le faire reconnaître par leurs pairs afin de se singulariser et être populaires... à la prudence que leur recommandent les adultes, ils opposent l'audace.» Sur leurs scooters, ils jouent à la roulette russe avec leur vie et leur avenir. Lundi soir, celui de deux Saint-Barths de 16 ans a basculé, et leur vie ne sera plus jamais celle qu’ils ont connue.