Dans son rapport annuel, l’Initiative française pour les récifs coralliens dresse un bilan de santé des herbiers marins, des mangroves et des récifs coralliens en Outre-mer. Un état des lieux qui laisse entrevoir une situation peu encourageante à Saint-Barthélemy.
Un herbier en déclin, des mangroves quasiment disparues et des coraux menacés en permanence. Le constat n’est guère enthousiasmant. Il s’agit pourtant, en substance, du bilan dressé par l’Ifrecor (Initiative française pour les récifs coralliens) pour l’île de Saint-Barthélemy dans son long rapport annuel consacré aux territoires d’Outre-mer.
Depuis 2002, l’Ifrecor effectue un suivi de l’évolution de la situation à Saint-Barth. Pour les récifs coralliens, bien entendu, mais aussi pour les herbiers. En tout cas pour l’un d’entre eux, celui de Marigot.
Pour ce qui est des mangroves, les études se révèlent malheureusement des plus aisées. En effet, depuis les années 50, elles n’existent plus sur l’île qu’à l’état fragmentaire.
« Elles ont été largement détruites par l’urbanisation, commentent les scientifiques dans le rapport. Le cyclone Irma a été l’occasion d’une prise de conscience vis-à-vis de l’importance de cet habitat comme dernier patrimoine écosystémique de l’île, qui se situe sur la route migratoire de nombreuses espèces d’oiseaux. » Néanmoins, pour l’heure, les mangroves ne couvrent plus que 4,1 hectares à Saint-Barth.
Des coraux en danger perpétuel
Dans son « état des récifs », l’Ifrecor analyse le recouvrement des fonds marins par les coraux et les macroalgues, les densités en coraux juvéniles et les peuplements de poissons. Pour les coraux, il est constaté de « légères diminutions en recouvrement corallien et l’absence d’augmentation des taux de nécroses des colonies coralliennes ». Néanmoins, une vigilance permanente est indispensable.
En juin dernier, Coral Restoration Saint-Barth a souligné l’excellente santé des coraux implantés à Saline. Toutefois, dans le même temps, l’association a observé l’apparition de la maladie corallienne liée à la perte de tissus, la SCTLD (Stony coral tissue loss disease) dans plusieurs secteurs de l’île (JSB1428). Principalement à Fourchu, Colombier, Gros Ilet, Pain de sucre, Petits-Saints et Gouverneur. Cette maladie ne s’attaque pas uniquement aux coraux mais peut avoir des conséquences sur la santé des poissons de récif.
Globalement, si l’Ifrecor constate que « l’état de santé des récifs coralliens de Saint-Barthélemy s’est dégradé depuis 2015 et plus largement depuis le début des suivis », il précise que cette tendance est également observée à l’échelle des Petites Antilles et plus généralement de la région Caraïbe. Différents phénomènes expliquent cette évolution.
La première est la défaillance des réseaux d’assainissement qui conduit à des apports réguliers en sédiments et nutriments. « Ces derniers favorisant le développement des macroalgues au détriment des coraux », remarque l’Ifrecor. La deuxième est la prolifération des caprins qui provoquent l’érosion des sols et une hypersédimentation côtière. Enfin, les conséquences de plusieurs facteurs de plus grande ampleur, tels que le réchauffement des eaux marines ou les houles cycloniques.
Un herbier clairsemé
Les observations de l’Ifrecor sur les herbiers ne portent en réalité que sur celui de la baie de Marigot. Trop peu pour véritablement en tirer des analyses concluantes. Toutefois, sur cet herbier particulier, il est précisé dans le rapport que « l’herbier de la baie de Marigot a fortement régressé sur la période 2008 à 2010 et est depuis très clairsemé ». Plus loin, le constat ne se faire guère plus encourageant.
« La situation locale très dégradée tend vers un possible effondrement total de l’herbier qui pourrait à terme présager de conséquences néfastes pour la zone », est-il indiqué. « Néfastes » car sans l’herbier qui permet la filtration des nutriments et l’accumulation de sédiments, l’état de la baie pourrait se dégrader davantage.
L’Ifrecor formulent quelques hypothèses quant aux raisons du déclin de l’herbier de Marigot. Les rejets d’eaux «sursalée » provenant d’une unité de dessalement, l’urbanisation croissante du bassin versant et les aménagements côtiers.
Parallèlement, l’Ifrecor souligne que les herbiers des baies de Petit Cul-de-Sac, de Grand Cul-de-Sac et de Colombier « sont classés en très bon état ». Une bonne nouvelle.
« L’état des mangroves préoccupant »
Dire que l’état des mangroves sur l’île est préoccupant relève presque de l’euphémisme. Depuis les années 50, elles ont progressivement été éliminées du paysage de l’île. Jusqu’en n’être plus présentes que de manière relictuelle, c’est-à-dire fragmentaire. L’Ifrecor rappelle pourtant que, « malgré leur faible surface, les mangroves de Saint-Barthélemy sont extrêmement importantes car elles constituent un milieu très sensible se situant sur la route migratoire de nombreuses espèces d’oiseaux ».
L’Ifrecor estime que « la pression urbaine » est la principale responsable de la disparition progressive des mangroves. « Les constructions ont bloqué la connexion des étangs à la mer, entraînant une dégradation par modification des paramètres physico-chimiques du milieu, est-il précisé dans le rapport. Aujourd’hui encore, la pression urbaine continue d’inquiéter les gestionnaires de ces espaces. »
L’autre responsable de la situation est évidemment Irma. Lors de son « passage », l’ouragan a causé une mortalité «ponctuelle » des mangroves tandis que « de nombreux déchets sont venus polluer celles qui ont survécu ».
L’Ifrecor en Outre-mer
Les études de l’Ifrecor portent sur la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin, Mayotte, la Réunion, les Iles Eparses, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie, Wallis-et-Futuna, Clipperton, la Guyane et Saint-Barthélemy.
Trois recommandations
Des solutions existent et le rapport en fait évidemment la liste. Celle-ci se révèle toutefois des plus courtes et se résume à trois recommandations destinées à favoriser la conservation des récifs coralliens et les systèmes associés. La première est d’assurer une veille sur l’état du réseau d’assainissement et renforcer son efficacité. La deuxième consiste à réduire l’impact des chèvres en divagation pour limiter l’érosion des sols. La dernière, poursuivre les projets de restauration corallienne.