Saint-Barth -

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Une nouvelle méthode de suivi par l’ADN des requins et des espèces marines

Pour les amateurs de plongée, qu’elle soit avec un simple masque et des palmes ou avec des bouteilles d’oxygène harnachées dans le dos, il n’est pas rare d’observer un ou plusieurs requins en train de vaquer à leurs occupations dans les fonds marins de Saint-Barthélemy. De fait, grâce à une étude confiée en 2018 par l’Agence territoriale de l’environnement (ATE) à Océane Beaufort, chef de projet pour l’association Kap Natirel et coordinatrice du réseau requin pour les Antilles françaises, une variété d’espèces devenues relativement rare dans la région a pu être observée. Depuis, notamment par le biais d’une collaboration avec des pêcheurs de Saint-Barth et les clubs de plongée, Océane Beaufort poursuit son travail d’observation et de recensement. Des études qui s’affinent au fil des mois avec la pose de nombreuses caméras sous-marines.
Malgré d’inévitables ralentissements liés à la crise sanitaire, la coordinatrice du réseau requin pour les Antilles françaises a pu recueillir « des données très intéressantes ». Elle détaille : « Saint-Barthélemy a un très haut potentiel de conservation et bénéficie d’une grande diversité d’espèces. Nous avons reposé des caméras en journée, dans des fonds peu profonds, en suivant une méthode scientifique de suivi très précise. » De fait, Océane Beaufort et ses collaborateurs ne se contentent pas d’observer les images. « Chaque être vivant laisse une trace de son passage, une empreinte ADN, explique-t-elle. Il en va de même pour un poisson ou un requin. »
La technique est relativement simple, à tout le moins en apparence. Il s’agit de prélever de l’eau avant de la filtrer dans un appareil qui ne conserve que les traces d’ADN. « Les difficultés viennent des courants, du soleil ou du PH (potentiel hydrogène, ndlr) qui dégradent les données », souligne Océane Beaufort. Toutefois, malgré ces inconvénients, cette méthode s’avère, à en croire la scientifique, des plus efficaces.
« L’avantage avec cette technique est que même les espèces les plus peureuses, qui s’effraient rapidement et fuient le regard des plongeurs et même l’œil de la caméra, ces espèces laissent une trace de leur passage, assure-t-elle. Et puis, comme l’ADN se dégrade dans l’environnement, on a la certitude que les données recueillies confirment la présence d’une espèce. »
Pour collecter toutes ces données, les échantillons d’eau prélevés dans les eaux de Saint-Barth sont envoyées à SpyGen, un laboratoire d’expertise scientifique et de recherche appliquée qui est spécialisé dans l’inventaire de la biodiversité aquatique et terrestre grâce à l’ADN environnemental (ADNe). Chaque analyse demande un travail de quatre à six mois. Pour l’heure, les prélèvements ont été effectués à Saint-Martin et à Saint-Barth sont encore en phase d’étude. « Il s’agit d’une lourde manipulation génétique », précise Océane Beaufort. C’est l’ATE, en partenariat avec l’OFB (Office français de la biodiversité), qui finance cette opération. « L’objectif est que la population soit informée de ces découvertes lorsque nous obtiendrons les résultats », affirme la scientifique.
Depuis le début de l’étude, en 2018, les observations ont permis d’enregistrer la présence de plusieurs espèces telles que le requin renard ou le requin baleine mais aussi de confirmer l’occupation permanente des eaux de Saint-Barth par huit espèces de requins et de raies. Il s’agit des requins nourrice (espèce protégée), récif des caraïbes, nez noir, chien blanc, tigre, bordé, citron ainsi que des raies léopard (espèce protégée) et pastenague. A titre de comparaison, seule trois espèces ont été recensées dans les eaux de la Guadeloupe.

SpyGen, un labo pas comme les autres
Créée en 2011, SpyGen est une société française de biotechnologie issue du Leca : laboratoire d’écologie alpine qui réunit le CNRS, les universités de Grenoble Alpes et de Savoie Mont Blanc. Elle se définit comme un pionnier dans le domaine des analyses ADN environnemental (ADNe). Le laboratoire est à l’origine du développement des expertises VigiDNA. Ces technologies, basées sur la recherche de traces d’ADN dans l’environnement, permettent d’améliorer le suivi d’espèces rares ou discrètes et visent à renforcer les opérations de veille environnementale à l’échelle mondiale. SpyGen propose des prestations d’analyses pour l’étude de la biodiversité à partir d’échantillons d’eau, de sol, de miel ou de fèces. Ces expertises sont proposées par des experts de l’écologie et de l’ADNe réunis au sein du réseau VigiDNA. Soucieux d’améliorer sans cesse la performance des technologies proposées et de les mettre au profit d’actions en faveur de la protection d’espèces ou d’écosystèmes remarquables, le laboratoire dispose également d’un pôle dédié aux activités de recherche et de conservation.

Victimes du même requin à Saint-Martin et Nevis
Lors d’une conférence de presse donnée début février à Saint-Martin, le docteur Eric Clua, vétérinaire et directeur d’études à l’école pratique des Hautes études, a expliqué que les deux attaques de requins enregistrées dans la Baie Orientale à Saint-Martin en décembre 2020 puis à Nevis trente jours plus tard ont été l’œuvre du même animal. Des prélèvements ADN sur les deux victimes avaient été effectués. Après de longs mois d’analyses dans un laboratoire de Perpignan, les résultats ont confirmé que le même requin tigre était à l’origine des deux attaques. « Le taux de probabilité que le requin qui a mordu à la Baie Orientale soit celui qui a mordu à Nevis, est de 95 % », a déclaré Eric Clua. Des recherches sont entreprises afin de localiser l’animal. « Nous aimerions aussi que les acteurs civils soient impliqués, que ce soit les pêcheurs mais aussi les plongeurs qui pourraient prendre des photos des requins lors de leurs sorties, cela nous permettrait de voir que tel requin est à tel à endroit », a précisé le scientifique.

Journal de Saint-Barth N°1459 du 10/02/2022

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