Le confinement a exacerbé ce problème structurel de Saint-Barthélemy : confinés chez eux, le site de propreté étant fermé, le dépôt des ordures ménagères s’est fait un peu n’importe comment. La Collectivité pousse un coup de gueule, à l’instar de nombreux habitants qui s’expriment sans ménagement sur des affichages bricolés, le long des routes.
Le problème s’est intensifié durant le confinement, mais il ne date pas d’hier. Les personnes qui viennent à Saint-Barth pour la première fois s’étonnent de voir des jardins et une île si bien tenue, alors qu’au bord des routes traînent des sacs poubelles éventrés, dont le contenu pourrit au soleil, dégageant un fumet nauséabond. Les habitants ont malheureusement l’habitude, et les coups de gueule sont très fréquents.
La semaine dernière, la Collectivité elle-même a publié un message mécontent sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, elle lance en partenariat avec Dalkia Wastenergy une campagne de communication pour sensibiliser davantage le public. Elle s’apprête notamment à publier un “Guide du primo-arrivant”, qui recensera toutes les informations à connaître lorsque l’on s’installe à Saint-Barth, que ce soit pour un mois ou pour la vie. Parallèlement, les services techniques, la société Dalkia Wastenergy, les trois entreprises locales de ramassage des ordures ménagères et l’ATE, réfléchissent à des solutions à mettre en œuvre pour régler le problème.
Il était question de mettre en place des caméras de vidéosurveillance là où sont fréquemment jetés les déchets (point de vue de Grand Fond, promontoire de Toiny…) «Mais les caméras, il faudrait en mettre tout le long de la route », souligne Sophie Durand Olivaud, directrice des services techniques. Et puis les caméras ne se suffisent pas à elles-mêmes : il faut, derrière, des forces de l’ordre pour amender les contrevenants. Quant aux sanctions, lors des Assises de l’environnement fin 2018, la Com avait annoncé que le Code de l’environnement serait très sévère ; il est toujours en cours de réécriture. En attendant, les sanctions nationales s’appliquent.
Un aménagement de la collecte des ordures est aussi étudié : faut-il faire un second passage l’après-midi ? Ramasser de nuit ? Le coût de ces mesures est un frein important. De plus, pas sûr que ça règle le problème : mettons que le camion ramasse à 4 heures du matin, si les poubelles sont déposées à 20 heures, les chats et les poules auront eu tout le temps de les dépiauter. Quant à un double ramassage dans la même journée, il pourrait avoir comme effet d’inciter encore plus les habitants à déposer leurs poubelles n’importe où. Autre idée : préciser les horaires de passage dans chaque quartier. Actuellement, les sacs doivent être déposés entre 5h30 et 9 heures. Donc à 8 h 55, vous êtes dans les clous, mais si le camion est passé à 6 heures, c’est râpé...
Beaucoup d’argent investi et une taxation faible
Non, décidément, la Collectivité ne comprend pas : « On est une des seules collectivités de France à faire un ramassage quotidien. On a essayé de créer des dépôts, les gens déposaient tout et n’importe quoi, à toute heure, c’était sordide, les voisins luttaient contre des rats. Tous les jours, on trouve des téléviseurs, des matelas, des ventilateurs… Alors qu’ils sont acceptés gratuitement sur le site de propreté ! »
On ne peut pas reprocher à la Com de ne pas mettre les moyens : 1,13 million d’euros par an pour le ramassage, 13 millions d’euros en fonctionnement pour Dalkia Wastenergy l’année dernière, 16 millions d’euros investis en 2016 pour l’aménagement du site de propreté, et de nouveau 15 millions d’euros en 2019 pour construire une nouvelle usine d’incinération… On vous laisse faire le calcul ! Le tout alors que les habitants restent soumis à une taxe ordures ménagères de 105 euros annuels, bien en dessous de la moyenne nationale, qui s’élève à 290 euros. « La propreté de l’île, ça ne dépend pas que de la Collectivité. C’est l’affaire de tout un chacun », conclut Sophie Durand Olivaud.
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Jusqu’à 1.500 euros d’amende
Si le Code de l’environnement local, toujours en cours de révision, prévoit d’alourdir ces sanctions, les dispositions nationales sont d’ores et déjà applicables ici. Ainsi, l’abandon d’une épave de véhicule ou de déchets encombrants est soumis à une contravention de 1.500 euros. Même chose pour une infraction au code de la voirie routière. Une contravention de 150 euros pour non respect des règles de collecte des déchets ou dépôt d’ordures dans la nature peut aussi être dressée.
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Quoi, où, quand ?
Même si on veut bien faire, encore faut-il être au courant. Surtout sur une île où le turn-over de personnes venant de l’extérieur est intense. Elles arrivent souvent avec des réflexes métropolitains (verre d’un côté, carton de l’autre, canettes avec les ordures ménagères), et cherchent les containers ou les poubelles en plastique pour déposer leurs sacs. Lorsque l’on arrive sur l’île, le manque d’information est criant : il faut compter sur un propriétaire ou un voisin coopératif. Des campagnes de communication sont faites ponctuellement par Dalkia Wastenergy ou par la Collectivité. Cette dernière a dû se rendre compte que l’information n’était pas si facile à trouver, puisqu’elle a mis en ligne sur son site internet, le 28 avril 2020, les consignes sur les déchets pour les particuliers et professionnels. Elle s’apprête aussi à publier un “Guide du primo-arrivant” qui recensera toutes ces informations, ainsi que d’autres, sur le fonctionnement de l’île. Elle va aussi implanter des affichages dans chaque quartier.
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Le CESCE travaille aussi sur la question
Le Conseil économique, social, culturel et environnemental de Saint-Barth a lui aussi décidé de prendre le sujet à bras le corps. Quatre membres de l’institution, Rudi Laplace, Antoine Querrard, Hélène Girardeau et Lionel Laplace forment une commission dédiée, tout juste créée. « Notre objectif est de proposer à la Collectivité une étude clé en main » sur l’optimisation des points de ramassage des ordures ménagères, « permettant d’apporter une solution efficace et rentable », explique Rudi Laplace, qui préside le groupe de travail. Cette étude se construira en plusieurs étapes : d’abord, recenser les problématiques en sondant les acteurs du secteur, et en soumettant les usagers à un questionnaire. Deuxième point, étudier ce qui se fait ailleurs, «particulièrement dans les zones haut de gamme », pour éventuellement y piocher de bonnes idées. Ensuite, la commission listera plusieurs propositions, en mettant en exergue ce qui lui paraît le plus approprié, et enfin, elle remettra à la Com un dossier clé en main, regroupant «l’implantation des équipements, les plans d’exécution, le coût de la mise en place du système dans son ensemble et le timing de déploiement (environ 5 ans). Pour finir nous présenterons différentes options additionnelles qui permettrons d’améliorer le système et/ou d’apporter des services supplémentaires aux usagers. »
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Un sondage de l’association de Xavier Lédée plébiscite les containers
Créée il y a un peu plus d’un an, l’association présidée par Xavier Lédée, Unis pour Saint-Barthélemy (bien qu’elle porte le même nom, elle se veut différenciée de la liste politique), a étudié le sujet des déchets ménagers l’été dernier. Un questionnaire avait été rempli par 350 habitants de l’île. 57% des sondés avaient affirmé que le service des ordures ménagères était “bien mais peut être amélioré”, 30% qu’il était “efficace et suffisant”, et 13% qu’il était “insuffisant”. La priorité pour les répondants était d’améliorer les sanctions contre les contrevenants (43%). 25% jugeaient que l’information/communication était à revoir, 22% le ramassage, 5% le centre de traitement des déchets et 5% le coût de la taxe sur les ordures ménagères. La majorité des personnes ont indiqué qu’elles déposaient leurs ordures en bord de route (39%). 23% déposaient leurs sacs à Public. 19% devant leur maison, 19% dans un local privé. Enfin, plus de la moitié des sondés (52%) se disait favorable à l’implantation de containers dans les quartiers.