Jeudi dernier, l’Agence territoriale de l’environnement accueillait une dizaine de pépiniéristes et paysagistes pour évoquer avec eux les réglementations à venir en matière d’importation de plantes, et notamment la liste des végétaux interdits d’entrée à Saint-Barth.
Sans contrôle sur l’importation de végétaux, comment éviter que des plantes envahissantes grignotent le peu d’espace disponible à Saint-Barthélemy, tuant par leur seule présence la diversité biologique indigène de l’île ? Question affrontée jeudi dernier par l’ATE et une dizaine de pépiniéristes et paysagistes, dans une ambiance franchement constructive.
Jonas Hochart, de l’ATE, a d’abord présenté les résultats des inventaires menés dans quinze containers, la majorité en provenance de Floride (83 espèces animales malencontreusement importées, au total), et détaillé les conséquences de la prolifération de plantes exotiques et invasives sur les végétaux natifs de l’île. Il a également cité les actions déjà entreprises par l’ATE, notamment les visites de terrains avant défrichement pour préserver ce qui existe et sensibiliser les propriétaires. Un gros travail : en 2017, 76 demandes de défrichement ont été étudiées, contre 171 l’an dernier. « La liste des espèces végétales invasives à Saint-Barthélemy augmente d’année en année. Neem tree, belle mexicaine, Scaveola taccada… On constate aussi que de nombreux non professionnels importent des végétaux. On a par exemple trouvé un olivier dans un container… » « Un olivier n’a rien à faire ici, dans un jardin tropical », souligne un paysagiste. Son voisin le coupe : « Pour préserver la flore locale, il faudrait déjà commencer par les cabris et les tortues… »
« L’objectif n’est pas de mettre en place un système hyper sévère. Mais vous avez une responsabilité dans la préservation de la biodiversité de l’île », explique Jonas. «Autour de la table, il n’y a que des gens qui se sentent concernés », assure l’un des chefs d’entreprise.
Permis d’importer
L’ATE liste ses préconisations : tout d’abord, respecter l’obligation d’inscrire les noms scientifiques des plantes sur les documents d’importation. Ensuite, améliorer l’efficacité des traitements. Le plus sûr, de l’avis de tous, est d’utiliser un produit fumigène déclenché dans le container, à son arrivée à Saint-Barth. Problème : cela empêche l’utilisation des containers de type flat (plateau simple), voire open top (couvert d’une bâche). Ce qui logiquement limitera la taille des arbres importés. « Cela risque d’augmenter le prix des plantes », argue un pépiniériste. « Les flats peuvent aussi être sprayés », assure un autre. « On n’arrivera jamais à un résultat à 100%, mais nous devons limiter au maximum les risques », rappelle Jonas Hochart. Qui indique aussi la volonté de l’ATE d’instaurer un permis d’importation, qui serait distribué uniquement à des professionnels, et associé à la signature d’une charte d'éco responsabilité.
Le second volet de la réunion, et pas des moindres, est présenté par Karl Questel. Il détaille la liste des plantes qui seraient interdites. « Celles dont l’invasivité est connue, qui présentent un risque d’empoisonnement pour la faune, dont le contrôle et la gestion sont difficiles, ou encore qui comportent une spécificité génétique. » Pour ce dernier cas, un exemple : le poirier, dont l’espèce importée n’est pas la même, génétiquement, que celle qui est indigène de Saint-Barth. « L’importation de poiriers pays est très confidentielle, et faite par des gens qui justement sont dans une démarche de respect de la flore locale », regrette un pépiniériste. « Justement, les données génétiques sont connues depuis peu. Ce serait dommage qu’on se rende compte dans dix ans que l’on a tué notre espèce », argue Karl. Dans sa liste noire, il a inclus des familles entières de végétaux. Comme la famille des Asparagaceae, qui comprend notamment « les incontrôlables agaves. Le Ponytail est aussi dedans », prévient-il, suscitant les réactions qu’il attendait : « Mais comment on va faire les jardins ? » questionne l’un. « Ce sera un challenge… » « Les Ponytails, on a assez de recul, ce n’est pas du tout invasif », assure un autre. « Justement, c’est là que vous intervenez. Nous n’avons pas découvert de Ponytail hors des jardins, dans la nature. Si vous les utilisez depuis dix ou vingt ans, que le retour d’expérience est bon, nous les retirons de la liste. Par exemple, l’asperge est dans cette famille, mais on la retire de la liste : on ne va pas interdire l’asperge… » Le document se veut collaboratif au maximum.
Les familles ou espèces défilent, certaines font débat, d’autres non. Quenettier, Neem tree, herbe fontaine… « De toute façon, je ne pense pas que quiconque ici importe du quenettier ». « Laisse-nous les fougères, Karl ! » « Celle là, on a déjà du mal à la faire pousser, alors avant qu’elle ne s’échappe des jardins… »
Pour finir, Sébastien Gréaux, directeur de l’ATE, détaille la feuille de route que s’est fixée l’ATE. Elle espère intégrer à la révision du code de l’environnement, en avril, cette liste ainsi que certaines dispositions, notamment le permis d’importer. Pour les réglementations plus techniques, notamment les traitements phytosanitaires, le sujet est beaucoup plus complexe (millefeuille législatif, espace au port, coût…), et nécessite d’être abordé à plus long terme.
« Il y a certaines choses sur lesquelles on est tous d’accord, comme le Neem tree », conclut un pépiniériste. « On peut d’ores et déjà en stopper l’importation, sans attendre la réglementation. »
Tous opinent. Et s’attelleront, au cours du mois de mars, à étudier la liste de Karl dans le détail pour proposer leurs modifications éventuelles et apporter leur expertise.
> Pour consulter la liste et apporter vos remarques, contactez Karl Questel : karl.questel@agence-environnement.fr