Saint-Barth -

Colibri huppé, l’une des trois sortes de colibri présentes à Saint-Barthélemy.

« Les oiseaux sont les meilleurs indicateurs de la qualité de l’environnement »

Jean-Jacques Rigaud, connu pour son magazine Tropical, est aussi le président de l’Association de Protection des Oiseaux de Saint-Barthélemy. Celle-ci publie un livre, « Oiseaux du banc d’Anguilla », qui regroupe des photos et informations sur près de 140 espèces d’oiseaux présents à Saint-Barth, Saint-Martin, Anguilla et les îlets alentours.

Pouvez-vous nous présenter en deux mots l’Association de protection des oiseaux que vous présidez ?
L’association de protection des oiseaux (APO) a été créée il y a 8 ans, nous étions une dizaine au départ, dont Karl Questel qui travaille aujourd’hui à l’ATE, Rebecca Field, l’ornithologue Gilles Leblond… Aujourd’hui nous sommes six ou sept, j’espère que ce livre sera un élément motivant pour faire venir de nouvelles personnes.

 

Comment est né le projet du livre “Oiseaux du banc d’Anguilla” ?
Ce livre est le résultat de six ans de travail, essentiellement des missions dans les îles et les îlets. Par exemple, nous sommes allés à Dog Island (îlet proche d’Anguilla, ndlr) où nous avons observé des espèces particulières comme le fou masqué, certaines sternes… Cette mission avait été effectuée en coopération avec le Anguilla National Trust (organisme de protection de l’environnement d’Anguilla, ndlr), dont les membres sont très pointus en termes d’avifaune.

A Saint-Barthélemy nous avons exploré tous les sites où l’on peut observer des oiseaux, en commençant par Saline. A l’époque l’étang accueillait beaucoup d’espèces, très différentes selon les saisons. Il y en a beaucoup moins aujourd’hui. Depuis que l’étang de Saline est laissé à l’abandon, on peut le dire, il n’y a presque plus de sternes bridées qui viennent nicher, par exemple…

On retrouve dans le livre près de 140 espèces d’oiseaux du banc d’Anguilla, dont environ 80 ont été identifiées à Saint-Barthélemy.

La majorité des photos ont été faites par Rebecca Field, qui a été d’un grand soutien, et les légendes par Gilles Leblond. Karl Questel a réalisé un tableau détaillé des espèces en fin d’ouvrage. La partie géologie, qui explique ce qu’est le banc d’Anguilla, a été réalisée par Yves Mazabraud. L’idée était de réunir des gens passionnés. J’ai rédigé une partie sur l’archéozoologie, l’origine historique des oiseaux, que peu de gens connaissent. Ils sont les descendants directs des dinosaures, qui pondaient des œufs. Je précise que la vocation de ce livre n’est pas scientifique mais bien pédagogique. D’ailleurs la Collectivité en a commandé des exemplaires pour les enfants des écoles de l’île.

 

Comment évoluent les populations d’oiseaux sur nos îles ? Sont-elles menacées, globalement ?
Certains oiseaux n’existent plus aujourd’hui, par exemple les flamands roses, qui s’arrêtaient à l’étang de Flamands il y a peut-être 70 ou 80 ans. On peut en voir quelques-uns à Anguilla, très épisodiquement, mais plus à Saint-Barthélemy.

Il y a eu une destruction considérable avec l’ouragan Irma, notamment les petits oiseaux comme les sucriers ventre jaune ou les sporophiles, et les populations commencent seulement à se reconstituer aujourd’hui. Mais la plus grande menace est l’homme, avec la perte d’habitat, les chats... Lors du confinement au mois de mars, il y avait un silence Ô combien appréciable sur cette île ; j’ai observé des nids de colibri près de l’étang de Saint-Jean, des oiseaux qui nichaient là où ils ne vont pas d’habitude. Les oiseaux sont les meilleurs indicateurs de la qualité de l’environnement, car ils sont très sensibles à tout phénomène de pollution, destruction ou autre. Et je crois que les gens sont de plus en plus sensibles à la préservation de l’environnement, c’est LE sujet d’actualité à tous points de vue.

 

D’où vient cette passion pour les oiseaux, plus que pour les animaux terrestres ou marins ?
Mon histoire avec les oiseaux n’a pas débuté avec Saint-Barthélemy. J’ai habité une dizaine d’années à l’Île de Ré où nous observions les bernaches avec Alain Bougrain-Dubourg (président de la Ligue française de Protection des Oiseaux, ndlr), qui a rédigé la préface du livre.
Nous trouvons tous nos passions dans des choses enfouies en profondeur dans chacun de nous… Je suis plutôt quelqu’un de réfléchi et de rêveur. L’oiseau c’est l’envol, le côté inaccessible… ça demande des heures et des heures d’observation, beaucoup de patience. Les oiseaux sont les seuls individus qui me font rêver sur cette Terre ! Mais je défends aussi les iguanes et les tortues, bien sûr !

 

Quel est selon vous l’oiseau le plus emblématique de Saint-Barth ?
Je dirais le pélican, mais ça manque d’originalité… J’adore le fou brun, sa façon de plonger pour pêcher. Dans une approche plus poétique, le paille-en-queue est un animal fabuleux, que j’avais déjà pu observer à La Réunion. Mais tous les oiseaux sont fabuleux, chacun avec ses caractéristiques. Quand on  voit une frégate remonter de 150 mètres, sans un coup d’aile, avec sa vision incroyable…

 

Quel est le meilleur endroit sur notre île pour observer les oiseaux ?
Il existe plein d’endroits pour cela, le tout est de rester très discret, extrêmement silencieux, et prendre du temps. Notre rythme de vie aujourd’hui est assez incompatible avec ça ! Malheureusement il n’y a presque plus d’oiseaux à Saline, mais on peut, par exemple, observer les paille-en-queue à la pointe de Gouverneur ou sur les falaises derrière Shell Beach. Une colonie de fous bruns vit à Fourchue, c’est là que j’ai photographié pour la première fois un fou à pieds rouge.

> « Oiseaux du banc d’Anguilla », 144 pages, disponible à la case de la Réserve Naturelle au port, et à la Case aux Livres, 35 euros.

Journal de Saint-Barth N°1403 du 23/12/2020

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