Reçue par l’ATE (Agence territoriale de l’environnement) Mayalen Zubia présidait vendredi 10 mai une conférence à la capitainerie. Venue de Polynésie où elle est maître de conférences en écologie marine et experte des algues tropicales, elle a présenté à un public de curieux et passionnés le bilan de ses recherches réalisées à Saint-Barth la semaine passée.
Une spécialiste en résidence à Saint-Barth
Spécialiste des macroalgues, Mayalen Zubia a donc passé une semaine à plonger et étudier les espèces d’algues de l’île afin de réaliser un inventaire. Avec Karl Questel, référent scientifique à l’ATE, ils se sont concentrés sur le littoral, les plages, et des plongées à 5 mètres maximum. Christophe Vieira, scientifique qui travaille au sein de l’université de Jeju, en Corée du Sud, ainsi que Hilaire Dufournier, garde marin à l’ATE, ont quant à eux réalisé des prélèvements sur les ilots, jusqu’à 25 mètres de profondeur afin de maximiser la diversité des échantillons.
Mayalen Zubia sur la plage de Petite Anse.©Mayalen Zubia / Christophe Vieira / ATE
397 échantillons d’algues collectés à Saint-Barth
Ce sont 397 spécimens d’algues vertes, rouges et brunes qui ont ensuite été conditionnés et conservés dans les locaux de l’ATE. Les échantillons sont conservés comme des plantes, dans des herbiers.
Selon les premières estimations, cet échantillonnage représente environ 50 espèces d’algues brunes dont plus de la moitié appartient au genre Dictyota, 60 à 70 espèces d’algues vertes, et 50 à 60 espèces d’algues rouges ont été prélevées.
Cet inventaire de la flore marine (algues et herbiers marins) est la première étape indispensable pour une meilleure gestion de la biodiversité et des écosystèmes coraliens.
Afin de constituer un inventaire, des prélèvements ont été effectués sur 10 sites.©Mayalen Zubia / Christophe Vieira / ATE
Les algues prolifèrent et les coraux se meurent
Cette mission a également permis de constater la prolifération des algues sur l’ensemble des récifs de l’île. L’augmentation des températures, le blanchissement massif corallien, les ouragans, les échouages massifs des sargasses, les maladies coraliennes, l’excès des nutriments liés à la surpopulation de l’île (les eaux usées qui génèrent de l’azote, liées aux maisons et hôtels qui ne sont pas toujours aux normes) sont autant d’épreuves pour les coraux, certes résilients mais qui rencontrent des difficultés face à ces épreuves. Par conséquent, cette forte mortalité corallienne a entrainé une nette augmentation de la couverture algale dans les eaux de Saint-Barthélemy.
Les solutions à mettre en place pour protéger les récifs coralliens de Saint-Barth ? Réduire les rejets sur la côte afin d’obtenir une meilleure qualité de l’eau, améliorer la gestion des ressources marines et promouvoir le développement de projets de restauration récifale (comme l’introduction d’herbivores).
Algue verte. Halimeda ©Mayalen Zubia / Christophe Vieira / ATE
15 milliards de dollars grâce aux algues en 2021
Les algues sont très à la mode et ont généré en 2021 un chiffre d’affaires de 15 milliards de dollars dont 93% provenant de l’aquaculture : alimentation humaine, phycocolloides (gélifiants), santé & nutraceutique (parapharmacie, compléments alimentaires), cosmétique (gammes à base d’algue, thalassothérapie), nutrition animale, agriculture, bioénergie, biomatériaux (les sargasses sont testées pour le développement d’emballages et de briques), et la décarbonation.
Les projets développés en Polynésie française
Afin de développer différents projets de valorisation des algues, l’experte des algues tropicales, Mayalen Zubia collabore avec l’Etat mais aussi différents instituts de recherche (UMR Secopol (Santé et Services des Ecosytèmes Polynésiens), Criobe (Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement)) et des industriels.
« Notre but est de créer et développer une filière “algues” en Polynésie française, souligne la scientifique. Plusieurs axes de recherche sont privilégiés : l’utilisation des algues brunes proliférantes pour la production de biostimulants et de nouveaux biomatériaux, l’algoculture en particulier la culture du “caviar vert” (Caulerpa), très prisée des pays Asiatiques, et le “ogo” (Gracilaria) pour l’alimentation humaine et des projets de bioremédiation, et la recherche de composés bioactifs pour le secteur de la cosmétique (molécules antioxydantes) et de la nutraceutique (antidiabétique). »
Mayalen Zubia, une spécialiste rare et un parcours inspirant EKOALG, son association |
Photos : ©Mayalen Zubia / Christophe Vieira / ATE