Bruno Magras aime à distiller une même formule à celles et ceux qui émettent une critique sur les actions entreprises sous ses mandats de président de la Collectivité. Les habitués du conseil territorial la connaissent par cœur. En substance, elle est la suivante : « Il est aisé de critiquer quand on ne fait rien. Quand vous serez élu, on verra ce que vous ferez. » Il s’agit, sans nul doute, de l’une des phrases qu’il glissera à l’oreille de celles et ceux qui, depuis une semaine, critiquent vertement l’opération de ré-ensablement de l’Anse des Cayes.
Le chantier a été initié dans le but de réhausser la zone située à l’extrême gauche de l’anse. Des camions ont ainsi afflué depuis Saint-Jean afin de déverser des bennes de sable fin extrait du site de construction du futur hôtel de L’Etoile (anciennement L’Emeraude), qui sera érigé entre le Pearl Beach et l’Eden Rock. Un chantier de grande ampleur qui implique notamment de creuser profondément afin d’implanter les fondations de l’établissement, mais aussi et surtout de bâtir un espace souterrain de plus de 5.000 mètres carrés. Mais tel n’est pas le sujet.
Lorsque l’annonce du ré-ensablement a été faite par la Collectivité, plusieurs voix se sont élevées pour s’en étonner ou s’y opposer. L’une d’entre elles est évidemment celle de l’élue territoriale d’opposition de la liste Saint-Barth Autrement, Hélène Bernier. Par le biais d’une publication sur un réseau social, elle a déclenché une vague de réactions. Notamment celle-ci : « Le superficiel est maintenant un art de vivre à Saint-Barth, donc que des gens trouvent ça joli est une chose mais penser à la faune et la flore, n’est-ce pas plus important ? » Ou celle-ci : « Il n’y a pas assez de plages magnifiques sur l’île? La prochaine étape, c’est quoi, ensabler l’Anse des Lézards ? »
« Jamais été une plage
de sable blanc »
Au-delà de ces considérations peu étayées, une analyse nettement plus argumentée est venue d’une publication de l’ancien sénateur, Michel Magras. L’ancien professeur explique : « La plage de l’Anse des Cayes, comme son nom l’indique, n’a jamais été une plage de sable blanc. Seule la partie haute où pousse la végétation est sablonneuse. Le quartier est une ancienne lagune de l’ère tertiaire comme les autres quartiers de la façade Nord-Est de l’île. Il y a des zones de sable le long de la plage qui correspondent à des endroits bien définis et que les scientifiques peuvent parfaitement délimiter. Ces endroits pourraient être maintenus et alimentés en sable. » Une dernière réflexion qui ouvre la voie à un possible ré-ensablement d’une partie de l’anse.
Néanmoins, Michel Magras poursuit : « Mais la plage ne peut pas être ensablée dans sa totalité. L’ensablement global ne pourrait avoir comme seul effet que la destruction à terme des quelques coraux encore vivants par asphyxie. Leur disparition provoquera une accélération de l’action mécanique des vagues (érosion) qui pourrait avoir des conséquences sur l’ensemble du quartier. » Difficile d’être plus clair.
Pour certains habitants du quartier, toutefois, constater un retour d’une zone ensablée au bout de l’anse n’est pas déplaisant. « Sans compter que depuis quelques années pas mal de sable a été enlevé par les pelleteuses qui récupèrent les sargasses », remarque un résident. « Et puis avoir une belle plage de sable blanc c’est beaucoup mieux que la vase qu’il y avait auparavant », ajoute une habitante. Comme à l’habitude, les avis divergent sur les questions environnementales. Une chose est certaine : s’il est un sable qui voyage depuis quelques mois, c’est bien celui de la plage de Saint-Jean.
