Eaux opaques, pollution,
sargasses… La baie de Marigot est interdite de baignade et d’activités
nautiques depuis des mois. « Elle est considérée comme perdue d’un point
de vue écologique », a récemment indiqué Bruno Magras.
Jeudi dernier, un nageur brasse dans l’eau trouble de Marigot, en fin d’après-midi. Scène rare, car cette plage enclavée dans le nord-est de l’île attire bien peu de baigneurs. Sur l’étroite bande de sable, le ressac charrie des algues sombres. De toute façon, la baie de Marigot est interdite à la baignade, par le biais d’un arrêté du président de la Collectivité, depuis des mois.
Bonne qualité de baignade
Ce n’est pas la pollution qui est la cause de l’interdiction de baignade : les analyses effectuées chaque mois ne donnent aucun risque de staphylocoque ou autre affection liée à la qualité de l’eau. En fait, depuis le cyclone, l’opacité de l’eau -la turbidité- a empêché toute opération de nettoyage des fonds marins. Il pourrait donc, encore, rester au fond des tôles ou autres débris amenés par Irma, dangereux pour les baigneurs.
La baie de Marigot n’a pas toujours été si trouble. L’Agence territoriale de l’environnement avait réalisé, il y a dix ans, une étude de la qualité des herbiers. Au fond de l’eau, en 2008, le résultat de ce suivi était très bon. Herbiers sains, tortues marines, la baie de Marigot était connue pour être un repère d’espèces juvéniles. Classée dans la zone rouge de la réserve naturelle à sa création, elle était « notre plus bel herbier », se rappelle Sébastien Gréaux, nouveau directeur de l’ATE. En 2011, la santé de l’herbier était classée « bonne ». Elle a été rétrogradée « médiocre » en 2015.
Cet état de fait est du « à la configuration naturelle particulière de la baie de Marigot », poursuit Sébastien Gréaux. « Elle est très enclavée, le renouvellement de l’eau est très faible. De plus, le bassin versant est très étendu. Marigot reçoit toute l’eau de Vitet et Pointe Milou. »
A chaque pluie, tout se déverse sur la plage et dans la mer. Les routes se transforment en un torrent qui charrie de la terre et autres pollutions, dont pâtit énormément le milieu marin.
A cela viennent s’ajouter les sargasses. Si le président Bruno Magras, dans un séminaire régional sur le sujet, début octobre, impute à ces algues la dégradation de la baie, « elles ne sont pas seules responsables », assure Sébastien Gréaux. Le président de la Collectivité de Saint-Barthélemy avait expliqué devant ses homologues caribéens que Marigot « est considérée comme perdue du point de vue écologique. Il faudra des années sans sargasses pour que l’ecosystème se reconstitue. »
La turbidité de l’eau, augmentée par les échouages des algues brunes, entraîne un « cercle vicieux pour le milieu naturel », explique Sébastien Gréaux. « L’herbier a besoin de lumière pour se développer. Il se dégrade à cause de cette turbidité, et est remplacé par des algues. » Quand les sargasses arrivent, la situation empire encore, puisqu’elles obstruent le passage de la lumière, et absorbe l’oxygène en se décomposant. Toutefois, il reste encore « pas mal de tortues, de lambis et de raies » dans cette zone rouge de la réserve naturelle.
Comment lutter contre la dégradation de la baie de Marigot ? « C’est compliqué, car il y a les sargasses, l’aspect ruissellement des versants, mais d’autres sources de pollution sont possibles : l’engrais dans les jardins alentours, l’assainissement… On ne peut pas identifier une seule et unique cause », admet Sébastien Gréaux. Difficile d’imaginer l’implantation d’une station d’épuration ou d’un bassin de rétention le long de la route, en bord de mer. Le champ des solutions est bien réduit.
Le nouveau propriétaire de Girasol est ravi
En tout cas, cette plage prisée des locaux il y a encore quelques années fait peine à voir. Devant la vaste propriété Girasol, rachetée pour 67 millions de dollars en fin d’année 2017, un petit espace transat-parasol a été installé par le nouveau propriétaire. On ne peut s’empêcher de penser que l’eau turbide de cette baie pourrait freiner les ardeurs des acquéreurs alentours. Ce n’est pas le cas, promet Zarek Honneysett, de l’agence SiBarth Real Estate, artisane de cette vente record. « Pour l’instant on ne peut absolument pas considérer que ceci à une influence sur le prix des biens immobiliers dans les alentours », assure-t-il. « L’acquéreur de Girasol y a passé plusieurs séjours et à aucun moment il n’a exprimé un mécontentement. Au contraire, il est très heureux dans sa nouvelle propriété. »
La Collectivité a récemment lancé une étude de diagnostic de la dégradation des zones côtières à Marigot, ainsi qu’à Grand et Petit-Cul-de-Sac.
JSB 1299