L’île de Saint-Barthélemy a connu un développement et une «urbanisation » massive en l’espace de quelques années. Construction de bâtiments d’habitation, d’hôtels, de maisons, de villas gigantesques, mais aussi des aménagements routiers, etc. Une évolution qui s’est accompagnée de plusieurs épisodes météorologiques dévastateurs dont le dernier en date, l’ouragan Irma en 2017, a entrainé d’évidentes modifications du paysage. De plus, le phénomène naturel que constitue l’érosion joue également un rôle qui ne peut être ignoré. Particulièrement dans les changements réguliers des traits de côte des littoraux.
Si l’Agence territoriale de l’environnement (ATE) suit ce dossier avec attention, une étude approfondie et au long cours parait nécessaire. C’est précisément la tâche qui incombe à une scientifique de l’Université Paul Valéry de Montpellier. Doctorante en géographie spécialisée dans la gestion des risques naturels, Anaïs Coulon étudie depuis plusieurs mois l’évolution des traits de côte à Saint-Barthélemy. Ce, dans le cadre d’une thèse consacrée à l’avenir des littoraux de l’île. Une vaste entreprise.
De la Thaïlande à Saint-Barth
Passionnée par la géophysique et des processus qui façonnent les paysages, Anaïs Coulon est détentrice d’un Master en gestion des risques naturels. Un diplôme qu’elle a obtenu après avoir étudié, en Thaïlande, les conséquences et les effets du Tsunami de 2004. Un travail qui l’a également conduite en Nouvelle-Calédonie où la chercheuse s’est penchée sur les changements qu’ont pu entraîner les constructions d’hôtels ainsi que les modifications annoncées de l’environnement liées aux risques cycloniques et au dérèglement climatique. Pour sa thèse, Anaïs Coulon avait une autre idée en tête. « J’ai d’abord pensé à m’orienter vers une comparaison entre Saint-Barthélemy et les Philippines, puis je me suis concentrée uniquement sur Saint-Barth », explique-t-elle dans un sourire. Un choix judicieux dicté en partie par les collaborations déjà entamées avec les universitaires de Montpellier qui travaillent avec l’ATE, notamment dans le cadre du projet Safe Saint-Barth. Judicieux car, comme le constate Anaïs : « C’est incroyable car je dispose déjà de beaucoup de données recueillies depuis 2021. »
« Pour comprendre le présent, il faut regarder le passé »
La question qu’un béotien en matière de recherche peut légitimement se poser est la suivante : en quoi consistent des travaux de thèse sur les littoraux ? « Je suis un médecin de la plage, lance, amusée, Anaïs Coulon. J’observe, j’interroge les indicateurs et j’établis un diagnostic de l’état actuel. Mais ce qui est le plus important, c’est d’étudier ce qui a pu se passer il y a dix ans. Pour savoir s’il y a eu des changements naturels ou des activités humaines comme le rechargement des plages en sable ou des constructions de murets qui ont pu entraîner des évolutions. Pour comprendre le présent, il faut regarder le passé. Et imaginer le futur n’est pas possible si un travail en amont n’a pas été fait. » Néanmoins, il va sans dire que son travail ne s’arrête pas là.
Consciente de l’importance d’intégrer à son étude tous les facteurs inhérents au contexte général, Anaïs Coulon souligne la nécessité d’ancrer son projet dans « les réalités locales ». Car son objectif est aussi de « rassembler et mobiliser tous les acteurs de l’île pour créer une synergie, comprendre les attentes et déterminer ce qui fonctionne ou pas ». C’est dans cet état d’esprit qu’elle est allée depuis son arrivée à la rencontre des habitants, professionnels du tourisme ou encore des institutionnels. Pour recueillir des informations mais également pour exposer les premiers résultats de ses recherches.
Phénomènes entremêlés
« Il y a une grande variabilité des systèmes côtiers à Saint-Barth, remarque la scientifique. Une très grande sensibilité à différents effets, comme celui de la houle par exemple. On peut le constater à Saint-Jean avec le phénomène de l’érosion. Pourquoi ? C’est ce que l’on essaye de comprendre. » Car, comme aime à le préciser Anaïs, « tout n’est pas tout noir ou tout blanc ». En effet, le littoral est « un objet complexe à étudier » et elle rappelle que ce « jeu des nuances fait qu’il est difficile de se prononcer catégoriquement ». D’autant plus que tous les phénomènes s’entremêlent joyeusement : urbanisation, houle, cyclones, érosion, fréquentation touristique, tout est lié et a des conséquences sont l’environnement et son évolution. « Donc l’approche doit être réfléchie à l’échelle de l’île », insiste la chercheuse. Pour trouver des solutions adaptées à la préservation du littoral et de ses plages qui ne passent pas nécessairement par le rechargement en sable, jamais efficace même à court terme, ou l’installation de brise-lames. «Il faut aussi regarder ce qui se fait à l’échelle de la Caraïbe », glisse Anaïs Coulon qui, avant de se projeter au-delà de Saint-Barth, poursuit avec dévotion ses travaux sur l’île.