Dimanche a eu lieu l’édition 2019 du Saint-Barth Clean Up, opération de nettoyage menée par le Rotary Club de Saint-Barthélemy. Près de 300 bénévoles se sont armés de gants et sacs poubelle pour donner un coup de propre au Caillou. Au fil du ramassage, chacun y va de ses suggestions pour lutter contre les incivilités.
En famille, entre amis, en qualité de représentants d’associations ou employés d’entreprise, ils se sont tous levés tôt pour mettre la main à la pâte. L’accueil du Rotary Club, à qui l’on doit toute l’organisation de cet événement, est chaleureux ; les bénévoles font la queue pour récupérer t-shirt, gants et sacs, et grignoter une viennoiserie avant de partir. Les équipes se répartissent, quatorze sur terre, une en mer grâce à la participation d’une trentaine d’apnéistes et de plongeurs. Huit camions complètent le dispositif pour acheminer les déchets jusqu’au site de propreté.
Taxer les polluants, détaxer le biodégradable
Parmi les plongeurs, David, récemment titulaire de son niveau 4, connaît bien la baie de Corossol pour s’y être entraîné avant l’obtention de son diplôme : « Nous avons quadrillé le secteur pendant des semaines. Nous croisions à chaque immersion des tôles, des batteries, des jantes… Mais nous avons aussi trouvé des bouteilles intactes, récentes, notamment sous les bateaux au mouillage. C’est vraiment triste que les gens ne soient pas plus sensibilisés à la préservation des fonds marins, surtout ceux qui vivent sur des bateaux. La mer, finalement, c’est leur jardin ! » sourit-il.
Ce natif de l’île de 34 ans souligne qu’« il est vraiment temps d’utiliser autre chose que du plastique. On trouve des gobelets partout, des pailles, et même des ballons gonflables, c’est dangereux pour les animaux marins. Le changement de comportement est urgent. » Pour lui, « cela commence par une prise de conscience individuelle. »
Mais David a aussi des suggestions pour la Collectivité. « Elle devrait promouvoir l’utilisation d’objets et matériaux respectueux de l’environnement. Pourquoi ne pas diminuer voire supprimer les droits de quais sur l’import des matières écologiques et surtaxer celles qui ne le sont pas ? » Au détour des différents quartiers de l’île pendant la collecte et le ramassage, les bénévoles sont à la fois choqués et révoltés par la quantité et la toxicité de tout ce qu’ils ramassent, mais ils restent positifs avant tout, et ne tarissent pas d’idées, qu’ils partagent en même temps qu’ils s’affairent sous le soleil.
Sanctions contre les malpropres
« Ce serait bien qu’il se passe des choses sur cette île, autre que des initiatives comme celle-ci ; que ceux qui jettent canettes et mégots par les fenêtres se voient infliger une peine de travaux d’intérêts généraux ! S’ils ne sont pas capables de prendre conscience de l’intérêt de préserver la planète, au moins ça les fera réfléchir… Pareil pour les camions, dont les matériaux et les déchets s’envolent parce qu’ils sont mal attachés, il faut arrêter de les laisser faire », argue Sabine, 48 ans, arrivée sur l’île peu après Irma pour aider à la reconstruction.
La lutte contre les plastiques, c’est la marotte de Pierre, 30 ans, arrivé à Saint-Barth il y a à peine 6 semaines. Il s’étonne que sur une île, avec toute la fragilité que cela comporte, il y ait encore aussi peu d’initiatives prises par les autorités locales et par les entreprises pour arriver à vivre sans plastique. « C’est pas pour être chauvin, mais en Belgique, on n’utilise plus que des sacs biodégradables.» Il ajoute : « Les chantiers sont les plus gros générateurs de déchets. Il faudrait une sorte de caution pour les entreprises, qu’ils récupéreront seulement s’ils laissent le site propre. Sinon, la caution sera utilisée pour nettoyer. Trop souvent ils laissent à l’abandon des bâches plastiques, des panneaux de bardage, des isolants en tous genres, des tubes de colle, de peinture, de mastic. Sans parler des canettes de bière et des mégots… Ça, c’est vraiment de la négligence, c’est irrespectueux. »En parlant d’irrespect, il en est un autre : certains particuliers s’étaient saisis de l’occasion du Clean Up pour déposer devant chez eux des encombrants, afin de s’épargner le transport et la facture de la déchetterie.
Dégoûtant !
Virginie et Julien, jeunes parents trentenaires depuis quatre ans à Saint-Barth, ont saisi l’occasion de venir avec Enzo, 5 ans, et Tom, 3 ans ½, « pour leur apprendre à ne pas jeter dans la nature. » À l’énumération de la récolte faite par la petite famille (filets de pêche, matériaux d’étanchéité, bouteilles, canettes, capsules, mégots, etc.), Enzo grimace : « C’est dégoûtant ! ». Selon son père Julien, la solution est de « mettre des amendes à ceux qui jettent. Quand on regarde en contrebas des mornes, c’est affreux. » Virginie confirme : « Même si ce n’est qu’un petit nombre de personnes qui se font prendre, ça sera efficace. Il y a trop de gens récemment débarqués qui sont visiblement peu civilisés et qui ne connaissent pas l’île, ils n’ont pas cette prise de conscience de la fragilité de cet endroit. » Julien de conclure : « Il faut aussi plus de poubelles. Sur l’île et surtout sur les plages. »
Touristes, locaux, élus
Un couple de sexagénaires, Julie et Michel, débarqués sur l’île il y a une semaine pour venir se recueillir sur la tombe de Johnny Hallyday, préparait ce voyage depuis près d’un an. Ils disent avoir été « hypnotisés par la beauté de l’île, par son apparente propreté », mais à y regarder de plus près, ils ont commencé à s’apercevoir de la quantité de déchets qui traînaient le long des routes et les plages dans la végétation. «C’est incompréhensible, cette attitude de jeter des bouteilles, des canettes et des mégots, sur une île d’une telle beauté. On a vu plusieurs personnes le faire sous nos yeux, sans le moindre complexe. Comment peut-on être insensible au point de la salir, de ne pas vouloir à tout prix la préserver ? » s’interroge le couple. « Nous avons été très choqués, c’est la raison pour laquelle nous avons voulu participer à l’événement dès que nous avons vu l’affiche. On espère que les choses auront changé si on a la chance de revenir un jour ! »
Un plongeur anonyme signale qu’il regrette que si peu de Saint-Barths et d’élus locaux aient participé à l’événement : « Les uns sont nés sur l’île, ils disent vouloir la préserver, mais ils ne sont même pas là. Les autres représentent l’île et ne se sont pas manifestés pour entendre ce que les résidents avaient à dire et à proposer, et ce qu’eux-mêmes étaient prêts à mettre en place, c’est vraiment dommage. »
À l’heure du déjeuner, les bénévoles se retrouvent sur la plage de Public, accueillis par le Saint-Barth Yacht Club. Le barbecue fume, des boissons fraîches sont distribuées, les volontaires se rassemblent.
Le Rotary et ses partenaires sont ravis de voir autant de participants cette année. Jean-François Bracq, l’un des membres du club service, en a dénombré 300. « L’année dernière, on avait floqué 200 T-shirts et on en a distribué 120. Cette année, il y en avait 200 également, et je n’ai même pas pu avoir le mien ! Certes, il y a encore beaucoup à faire. Mais je crois qu’il faut surtout retenir ce qu’il y a eu de positif : les gens sont venus, et ils ont été vraiment efficaces. »
Tout cela rappelle à Mathilde, 27 ans, une petite histoire : «C’est la légende du colibri : lors d’un incendie, tous les animaux de la forêt se cachent pendant que seul le colibri s’active et va chercher des gouttes d’eau avec son bec. Un des animaux lui demande s’il n’est pas fou, car ce n’est pas avec des gouttes d’eau qu’on éteint un tel feu. Le colibri lui répond : je le sais, mais je fais ma part. Et bien on doit tous faire notre part. »
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Plus de 12 tonnes de déchets
Au terme de 5 heures de ramassage, le bilan est impressionnant : le Clean Up a permis de récolter 12,360 tonnes de déchets, composés de 4,9 tonnes d’encombrants, de 5,920 tonnes de ferraille et aluminium, de 0,1 tonne d’équipements électriques et électroniques, de 0,940 tonnes d’ordures ménagères, de 0,320 tonnes de collecte sélective, de 0,1 tonne de gravats, de 0,080 tonne de câbles électriques, de 34 batteries de voitures et de scooters, de 9 pneus, de 30 litres d’huile de vidange, et de 8 scooters et 1 quad.