Le Président de la Collectivité a décrit, dans un discours prononcé à la Conférence internationale contre les sargasses, une situation qui ne serait pas tenable longtemps. Pour lui, les solutions doivent être trouvées localement.
Après avoir félicité la Région Guadeloupe pour « avoir pris le taureau par les cornes », le président de Saint-Barthélemy Bruno Magras a livré son point de vue sur l’épineuse question des sargasses, devant un parterre d’institutionnels réunis en Guadeloupe. « Saint-Barthélemy sera naturellement un de vos partenaires. Modestement, à notre petite échelle, nous nous associons à ce travail de longue haleine », a-t-il promis. « Notre petite île reflète assez bien, je crois, les défis de tous nos territoires. L’année 2019 est d’ores et déjà pire que 2018, qui elle-même était la pire année depuis l’apparition du phénomène. Sur les neuf premiers mois de l’année, nous avons ramassé près de 9.200 tonnes pour un coût total de 1,35 million d’euros. La tendance inquiétante ne cesse donc de se confirmer. »
S’il s’est satisfait de la gestion actuelle sur notre île vis à vis de la population et des touristes, il a fait part de son inquiétude concernant le devenir des algues, pour le moment stockées à Saint-Jean (lire aussi page suivante). «En résumé, je dirai que Saint-Barthélemy parvient à contenir les effets à court terme les plus dommageables. Mais pour un coût exorbitant. Et sans visibilité sur le moyen-long terme. »
Pour lui, « les acteurs privés sont la clé », du ramassage à la valorisation. Mais pour qu’ils investissent, ils doivent avoir quelques garanties. A commencer par la connaissance des algues brunes. «J’attends des prochaines journées d’échanges, mais aussi et surtout de l’Etat et de ses opérateurs, des réponses claires sur la toxicité des sargasses, ainsi que les solutions de valorisation et d’élimination compte tenu de cette possible toxicité. Le phénomène est devenu massif depuis plus de 5 ans et, à ma connaissance, nous n’avons pas de réponses sur des questions assez simples comme la présence de métaux lourds à des taux dangereux pour la santé, ou la possibilité de faire du compost. J’entends encore des informations contradictoires sur tous ces sujets, alors que ce sont des points essentiels pour avancer. Quel investisseur mettrait son argent au soleil sans avoir un minimum de garanties? »
Enfin, Bruno Magras a également appelé l’Etat à son devoir de se positionner face au Brésil, si tant est que le problème des sargasses découle effectivement de l’agriculture intensive dans ce vaste pays. « Pour agir à la source du problème, seuls les États peuvent peser. Si les causes se trouvent du côté de l’agriculture brésilienne, ce ne sont pas nos territoires qui parviendront à infléchir les modes de culture. En organisant cette conférence internationale, nous commençons à mettre le sujet des sargasses au bon échelon de responsabilité. » Et de prévenir : « La phase d’endiguement dans laquelle nous sommes n’est pas tenable longtemps. Nous ne réussirons qu’à la condition de trouver le moyen de transformer cette plaie en une ressource. »
Après ce discours prononcé jeudi matin, il a arpenté les allées du salon, et est retourné samedi en Guadeloupe pour la venue d’Edouard Philippe et ses ministres Annick Girardin (Outre-mer) et Elisabeth Borne (Transition écologique). Edouard Philippe a assuré du soutien de l’Etat, notamment en cas d’échouage exceptionnel, mais n’a pas débloqué d’enveloppe significative, et indiqué que la solution devrait être mondiale plutôt que nationale. « Le discours du Premier ministre, c’est un discours de Premier ministre. Il trace des orientations de recherches, de coopération, de soutien et d’espoir », résume Bruno Magras. «Certes l’Etat apportera un financement, mais qui reste très limité par rapport au coût réel que supportent les différentes collectivités pour le ramassage, le traitement et l’élimination de ces algues. »
Au terme de cet événement d’ampleur en Guadeloupe, le Président reste en tout cas sur sa faim « pour ce qui concerne l’origine du problème, le degré de toxicité de ces algues. Je n’ai pas trouvé de réponse précise. Or, si nous avions des garanties sur leur degré de toxicité, nous pourrions imaginer transformer ces algues en compost. Pour être sincère, je crois que si nous voulons nous en sortir, il nous revient de trouver sur place les solutions appropriées. »
Manque de réalisme économique
C’est ce qu’il a expliqué lundi soir aux élus de la Collectivité, réunis en conseil territorial. « Je ne reviens pas avec dans ma sacoche des solutions sérieuses et pérennes », a annoncé Bruno Magras. «De mon point de vue, il y a un manque de réalisme énorme. Transformer les sargasses en papier ou en charbon actif, d’accord mais si l’an prochain, il n’y a pas de sargasses ? Et si l’on envoie les sargasses de Saint-Barthélemy vers une usine en Guadeloupe, par exemple, qu’en est-il du coût de transport ? Pour moi, la seule solution locale est le compost. Mais il y a trop de métaux lourds, selon les scientifiques.»
Interrogé par Ernest Magras (Saint-Barth d’Abord) et Xavier Lédée (Unis pour Saint-Barthélemy) sur la pertinence d’investir dans un bateau de collecte, quitte à mutualiser avec d’autres îles, il a réfuté l’idée : « Cela nous coûterait encore plus cher, je ne conseille à personne un tel investissement. Nous avons eu l’an dernier une proposition pour un bateau, le coût était estimé à 2,2 millions d’euros par an entre l’investissement, l’équipage, l’entretien... Le bateau je l’écarte d’emblée. Après, je ne décourage pas les conseillers territoriaux qui voudraient lancer une étude...»
JSB 1348