Quatre ingénieurs ont travaillé toute la semaine dernière sur l’île, quartier par quartier, pour étudier la submersion causée par l’ouragan Irma.
Tout juste arrivés d’Aix-en-Provence, les ingénieurs du Cerema (*) se mettent immédiatement au travail. Leurs outils : rouleau de scotch, appareil photo GPS et mètre. Quartier par quartier, ils recherchent des traces de la montée des eaux provoquée par Irma, il y a cinq mois. Le long délai entre le cyclone et leur intervention ne facilite pas les choses : les maisons ont été nettoyées, repeintes, le temps a effacé les traces.
Démarcation de saleté
Premier arrêt quartier Carénage. José-Luis Delgado et Frédéric Pons se dirigent droit vers une armoire électrique qu’ils ouvrent en grand. D’expérience, ils savent que c’est un endroit qu’on ne se hâte pas de nettoyer. Banco : à une quarantaine de centimètres du sol, on distingue sur le mur une nette démarcation de saleté laissée par les eaux.
Ils frappent à la porte d’un commerce, juste à côté. « Vous avez eu de l’eau jusqu’où pour Irma ? » «Nous, on est un peu surélevés, on n’a pas été inondé », répond un jeune homme. « Mais le terrain derrière l’a été, car le bateau s’est mis à flotter ». Direction le bateau. Il est bien là, planté dans l’herbe. Dans l’établi qui le jouxte, une nouvelle marque laissée par la montée des eaux, un peu moins haute. José-Luis Delgado et Frédéric Pons laissent un bout de scotch noir comme repère, et photographient l’endroit. Le lendemain, la seconde équipe, deux ingénieurs venus de Blois, marchera sur les pas de la première, munie d’appareils de mesure. «Nous mesurons une hauteur relative, nos collègues vont mesurer l’altitude exacte. » Seules les inondations sont prises en compte, c’est à dire l’eau statique. Entre 20 et 30 points de repères sont recensés chaque jour, et à la fin, une carte de la submersion sera établie.
C’est le gouvernement, via la mission déléguée à la reconstruction, qui a proposé à Saint-Barthélemy de se doter de cette carte. La Collectivité prend en charge seulement les frais de transport et d’hébergement du personnel du Cerema, et pourra utiliser cet outil technique, par exemple, dans le cadre de l’élaboration d’un PPRN (Plan de prévention des risques naturels).
A Saint-Jean, les traces se font plus rares. Dans le magasin Pati Saint-Barth, « on a eu un mètre d’eau », dit-on. Mais plus aucune trace. En face, chez Kiwi, l’inondation a été moins importante, mais a laissé de légères marques encore visibles. Le bas de tous les meubles est légèrement gondolé, à environ dix centimètres de hauteur. Là aussi, un scotch, une photo, un témoignage recueilli.
Résultat fin mars
Les deux ingénieurs, qui ont effectué le même travail à Saint-Martin, quelques jours après le cyclone, s’introduisent ensuite depuis la plage dans une luxueuse propriété privée, en reconstruction. La responsable est méfiante. Elle vérifie le laisser-passer fourni par la Collectivité, le photocopie, prend un numéro de téléphone. Si toutes les marques de submersion ont disparu dans ces lieux, elle pourra venir en aide au Cerema en leur envoyant des photos du 6 septembre 2017.
Toutes ces données seront traitées rapidement, car le protocole a déjà été établi pour Saint-Martin en fin d’année dernière. Ainsi, dès la fin mars, la carte et les photos qui l’accompagnent devraient être accessibles à tous sur internet (**).
(*) Cerema : Centre d’étude et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement
(**) Sur les sites www.cerema.fr et www.reperesdecrues.developpement-durable.gouv.fr (en indiquant Guadeloupe dans l’onglet «unité de gestion»)
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Une étude de l’érosion du littoral
Le Cerema est aussi chargé de réaliser une étude sur le littoral de Saint-Barthélemy, et notamment sur l’érosion des plages causée par le cyclone. Ainsi, les ingénieurs procèdent à des relevés et observations de terrain, et compareront les images satellites et aériennes, les données topographiques et bathymétriques (profondeur de la mer), pour donner une idée précise de ce qu’Irma a changé sur nos plages. « Nous pouvons cartographier les mouvements du sable grâce aux images satellites, notamment », indique Frédéric Pons.
Participez
Pour cartographier le trait de côte (la limite exacte entre la mer et la terre), le Cerema a développé une application appelée Rivages. Téléchargeable gratuitement sur Androïd, elle permet à n’importe qui de contribuer aux recherches sur les littoraux.
Comment
faire ? Branchez l’application, et marchez tout le long de la plage de votre
choix, en suivant la limite entre le sable mouillé et le sable sec. Une
frontière rendue plus visible par la présence des sargasses. Une fois le parcours
établi, vous n’avez qu’à prendre une petite photo de la plage, cliquer sur «
envoyer », et le mail arrive automatiquement au Cerema. « Si on pouvait
recevoir ces données une fois par semaine, ce serait super… » espère Frédéric
Pons, l’un des créateurs de cette application.
JSB 1268