Les propriétaires du bord de plage à Flamands ont particulièrement souffert de la houle cyclonique pendant l’ouragan Irma, à l’instar de l’hôtel Cheval Blanc-Isle de France. Pour se prémunir d’un nouvel aléa, certains construisent d’imposants murs en béton dans le sable. Une protection que beaucoup considèrent comme inefficace car néfaste pour la plage.
Pour faciliter la reconstruction après le passage de l’ouragan Irma, le conseil territorial a décidé que les travaux modifiant le bâti préexistant dans un but de le rendre plus solide seraient soumis à une simple déclaration de travaux, à condition que la surface nette du bâtiment ne gagne pas plus de 20 m2.
C’est ainsi que plusieurs propriétaires de bord de mer ont choisi de bâtir des murs en béton dans le sable, pour se prémunir des assauts de la houle en cas de nouveau phénomène cyclonique.
Sur la longue plage de Flamands, notamment, plusieurs murs ont été ou sont en train d’être bâtis. Notamment par l’hôtel Cheval Blanc-Isle de France, très impacté par Irma. La déclaration de travaux pour cette construction a été validée par le conseil exécutif le 21 juin dernier. Avec une condition : que ce dernier plante des raisiniers le long du mur une fois qu’il sera construit, pour le dissimuler. « Le mur deviendra invisible car il se retrouvera sous le deck après les travaux de rénovation de l’hôtel », est-il indiqué dans la déclaration de l’établissement.
Andy Laplace s’abstient au conseil exécutif
Un mur en béton armé, une protection efficace contre la houle cyclonique ? Ce n’est pas l’avis de tout le monde. Andy Laplace, 4e vice-président de la Collectivité, est le seul des sept membres du conseil exécutif à s’être abstenu lors du vote de ce projet. « Je me suis opposé ou abstenu sur tous les projets de construction de murs sur les plages. Construire un mur accélère l’érosion de la plage et au final va à l’encontre du but initial qui était de protéger une propriété », assure l’élu de la majorité. « Lorsqu’on prend l’exemple de la plage de Lorient, toutes les habitations ont été endommagées par Irma, qu’elles aient eu ou non un mur de protection et quelque soit la hauteur de ce mur. Avec un phénomène comme Irma, la marée de tempête était de 3 mètres, parfois plus, et c’est sans compter la hauteur des vagues. Autant dire que les murs qui se construisent à l’heure actuelle ne seront nullement efficaces avec un phénomène de cette puissance. »
C’est aussi ce qu’expliquait dans nos colonnes Olivier Raynaud, directeur de l’Agence territoriale de l’environnement, quelques semaines après Irma (JSB n°1247). « Les zones les plus sauvages sont celles qui ont le moins souffert. (…) Par exemple, à l’hôtel Emeraude, ils avaient construit un muret sur une plage à une époque. C’est ce qu’il y a de pire : si la vague arrive, elle se brise dessus et avec l’énergie cinétique, elle creuse. Finalement, ils ont détruit le muret et mis de la végétation adaptée à la place, et depuis la plage est regonflée. »
Flamands a perdu jusqu’à 5 mètres de sable
Pour en avoir le cœur net, nous avons interrogé Ywenn de la Torre, directeur du BRGM (*) de la Guadeloupe et des îles du Nord. Et il donne raison à Andy Laplace et Olivier Raynaud. « Je suis venu à Saint-Barthélemy après Irma pour rédiger un rapport sur l’impact de l’ouragan sur les plages, à la demande du ministère de l’Ecologie », se souvient-il. « A Flamands, la plage était descendue de presque 5 mètres, par endroits. » On voit encore, sur les bâtiments, où s’arrêtait la dune avant le cyclone.
« En règle générale, dès lors que l’on met un point dur sur une plage, on bloque le transit naturel du sable. C’est vrai pour tout type d’ouvrage », explique Ywenn de la Torre. « Le sable est toujours en déplacement. C’est ainsi qu’une plage évolue. Lorsqu’il y a une forte houle, il est emporté vers la mer. Mais la plage peut rester à l’équilibre s’il y a une quantité suffisante de sable sur le haut de la dune. En revanche, si on met une construction ou un mur, surtout dans la zone qui sert de stock de sable, la perte ne sera plus compensée. Le problème, c’est qu’en construisant des maisons sur le stock du haut de la plage, on est venu perturber le développement naturel de la plage. »
« Il y a un vrai impact sur la plage »
Ainsi en cas de houle, la vague va venir creuser et fouiller sous le mur, provoquant une érosion plus forte encore que sur une plage « naturelle ». Conclusion : « Oui, il y a un vrai impact sur la plage quand on fait ça. Avec un événement aussi fort qu’Irma, mur ou pas mur, la mer va creuser. Mais sur un événement de houle plus modérée, si la mer vient lécher le mur, les dégâts seront énormes là ou, sans mur, il n’y aurait pas eu de dégâts. »
C’est le risque qu’ont choisi de prendre les propriétaires. Maintenant, existe-t-il une façon de limiter ces éventuels dégâts ? « Pour atténuer l’effet du mur, il faudrait créer une pente de sable la plus douce possible devant le mur, et y planter de la végétation qui va favoriser la sédentarisation du sable. Cela ne peut fonctionner que sur une plage assez large, ce qui est le cas à Flamands. »
(*) Le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) est l’établissement public de référence en France dans les applications des sciences sur les sols et sous-sols.
JSB 1297