Plus une goutte pour faire déborder le vase. Sauf celui de l’exaspération de nombreux habitants de Saint-Barth qui l’expriment par le biais des réseaux sociaux ou, parfois, en adressant des courriels à la Saur, société responsable de la distribution d’eau sur l’île. Quelles que puissent être les réponses apportées, il est flagrant que, depuis près de deux semaines, la production comme la distribution d’eau sont anormalement perturbées. Deux raisons expliquent cette situation, selon la Saur et la Sidem, responsable de l’usine de dessalement implantée à Public : la succession de deux épisodes de houle et une surconsommation en eau.
Si la Saur publie régulièrement des communiqués pour inviter la population à faire montre de solidarité et de responsabilité afin que l’alimentation en eau puisse se faire de manière plus homogène, elle n’a pas répondu favorablement à la sollicitation du JSB destinée à fournir de plus amples explications techniques sur le problème. La Sidem, en revanche, a accepté d’apporter des précisions.
Laurent Berry, responsable d’exploitation pour la Sidem, insiste sur les difficultés rencontrées depuis près de deux semaines en raison des phénomènes de houle. « La houle amène du sable et des algues sur les crépines de captage, explique-t-il. On multiplie les opérations sur les filtres au risque de les casser. En vingt minutes, la semaine dernière, on a rempli un seau de sable. Ça encrasse la machine et on est obligé de l’arrêter pour la nettoyer et ne pas risquer de l’endommager. » Néanmoins, l’usine de dessalement ne reste jamais longtemps à l’arrêt. Mais lorsque la production reprend, Laurent Berry constate qu’elle ne suffit pas à répondre à la consommation.
Se calmer sur la consommation
« Pour moi, c’est lié à un manque de civisme, déclare le responsable d’exploitation. Dès que l’eau revient, il y a des abus de personnes qui remplissent leur citerne, donc trop de stockage. On n’arrive même pas à remplir le réservoir de Colombier parce que tout part tout de suite. Tant que ça ne se calmera pas sur la consommation, on n’y arrivera pas. » Pour illustrer son propos, Laurent Berry évoque la capacité maximale de production de l’usine (190 mètres cube par heure) et lance : « Lundi (6 mars, ndlr), la consommation a quasiment atteint 300 mètres cube par heure. » Une consommation nettement plus élevée que la capacité de production, en somme. Ce, d’autant plus qu’en raison de la houle, des arrêts et des reprises, l’usine (selon un communiqué de la Saur daté du samedi 4 mars), la production de l’usine tourne actuellement davantage autour de 120 mètres cube par heure. « La consommation d’eau est extrêmement élevée et est nettement supérieure à la production d’eau, écrit la Saur dans un autre communiqué, daté du 6 mars. L’accès à l’eau potable pour tous et dans tous les quartiers ne peut se faire que si la consommation de chacun est raisonnée. N’utilisons pas l’eau à outrance, elle est précieuse. »
Encore des perturbations
Des internautes pointent du doigts les hôtels. Or, il se trouve que les établissements situés en bord de mer disposent de leur propre infrastructure de dessalement. D’autres évoquent plus justement la consommation toustique dans les villas (remplissage des piscines, utilisation de l'eau sans modération) ou des fuites sur le réseau depuis réparées mais qui ont entraîné des coupures temporaires. Pour ceux qui habitent sur des hauteurs, l’alimentation en eau est souvent interrompue depuis des jours, parfois des semaines. Comme à Pointe Milou, Camaruche ou sur les hauts de Saint-Jean, par exemple. Et c’est précisément pour cette raison que la Saur, dans une énième publication diffusée sur un réseau social mercredi 8 mars, conseille : « Evitez les stockages et réserves de manière à pouvoir donner accès à l’eau aux personnes n’ayant pas de citerne et à ceux qui sont en bout de réseau. Utilisez l’eau à bon escient, seulement pour un usage domestique afin de permettre au réseau de monter en charge et d’alimenter le vent de l’île. »
Pour l’heure, alors que s’annonce un nouvel épisode de houle, la situation ne semble pouvoir s’améliorer. De fait, la Saur avertit : « Les consommations sont actuellement trop importantes pour que le réseau monte en charge. Les manques d’eau sont présents sur toute l’île. En raison de la forte houle approchante, la production d’eau a des fortes chances de s’arrêter. Si tel est le cas, les perturbations concernant la distribution d’eau vont se poursuivre. »
Un arrêté territorial limitant la consommation
La Collectivité territoriale a pris hier, vendredi, un arrêté qui interdit l'utilisation de l'eau de ville pour le remplissage des piscines, le lavage des véhicules "non liés à un impératif sanitaire ou sécuritaire" ainsi que l'arrosage des jardins et des espaces verts. "Les usages de l'eau issue du réseau d'eau potable doivent être réservés temporairement et en priorité à la satisfaction des besoins alimentaires humains, à l'hygiène et à la salubrité", est-il précisé dans l'arrêté territorial.