Le sujet est complexe mais touche des préoccupations quotidiennes on ne peut plus simples pour les habitants de Saint-Barthélemy. En l’occurrence, l’alimentation en électricité mais aussi en eau de tous les quartiers de l’île. Par conséquent, même si les détails techniques apparaissent parfois abscons, la visite de la présidente de la Commission de régulation de l’énergie, Emmanuelle Wargon, le mercredi 21 février à Saint-Barthélemy, était de la plus haute importance. En particulier pour les élus de la Collectivité territoriale qui attend la validation de sa programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) réclamée depuis 2018 et la présidence du CRE par Jean-François Carenco, passé depuis par le ministère des Outre-mer. La PPE de Saint-Barth avait été présentée en conseil territorial le 22 décembre 2022 (JSB 1499 et 1500).
Le président Xavier Lédée, accompagné du quatrième vice-président Maxime Desouches et des conseillers territoriaux David Blanchard et Romaric Magras, a reçu Emmanuelle Wargon, elle-même secondée de Lova Rinel, membre du collège de la CRE en charge des zones non interconnectées (ZNI), c’est-à-dire non reliées au réseau national de l’Hexagone. Pour mémoire, la Collectivité a pris en main la compétence « énergie » depuis 2007. « La CRE est le conseiller suprême du gouvernement en matière d’énergie, rappelle Maxime Desouches. La Commission pèse dans tout le processus. Par conséquent, le déplacement d’Emmanuelle Wargon avec Lova Rinel était très important. »
« Se pencher sur la transition énergétique »
Dans un premier temps, sans grande surprise, les discussions ont porté sur l’ensemble des problématiques énergétiques de l’île. Il a notamment été question du remplacement des moteurs de la centrale EDF de Public. La présence d’Antoine Jourdain, directeur d’EFF SEI (systèmes énergétiques insulaires) a permis d’évoquer le projet de remplacement des anciens moteurs de la centrale par des machines compatibles avec des biocarburants. Des structures déjà employées en Guadeloupe, à la Réunion et bientôt en Martinique (lire rubrique Caraïbe en bref, page 12). « L’intérêt pour le territoire à l’occasion du passage de la CRE, souligne Maxime Desouches, c’était aussi de se pencher sur la transition énergétique. Ces rencontres ont permis de leur faire prendre conscience qu’ils doivent apporter des réponses à la PPE. En particulier sur le photovoltaïque. » Une programmation qui vise l’installation d’une puissance de 10 mégawatts d’ici à 2028.
Le 4e vice-président a insisté pour que la délégation se rende ensuite dans une maison de l’île qui a la particularité d’être équipée d’un système « intelligent » de régulation électrique reposant sur une technologie avancée. Celle-ci a pour avantage de gérer automatiquement le niveau de consomation en fonction des activités et des besoins. « S’il y a un truc à voir à Saint-Barth en matière d’énergie, c’est ça, affirme Maxime Desouches. On a besoin de devenir un territoire modèle. » Pour ce faire, au-delà de la modernisation des unités de production d’EDF, l’élu prône une implantation étendue mais raisonnée des panneaux solaires.
La question de l’isolation
En l’hôtel de la Collectivité, à Gustavia, la délégation de la CRE et les élus se sont entretenus une heure avec des représentants de l’association des hôtels et des villas ainsi qu’avec des entreprises spécialisées dans la filière « énergie ». L’objectif étant d’échanger sur « les perspectives d’optimisation de la consommation électrique de l’île des acteurs du tourisme et la mise en place prochaine d’un tarif de rachat de l’électricité produite par les panneaux photovoltaïques », a indiqué la Collectivité dans un communiqué. Laurent Frances, président de la société HPE, un bureau d’étude thermique et énergétique, a ainsi pu exposer son point de vue sur le sujet. « La partie thermique et l’isolation des maisons est un point qui a malheureusement été survolé, regrette le spécialiste. Aujourd’hui, les bâtiments sont réfléchis à court terme et ne sont pas assez protégés du rayonnement. Or, notre projet est justement d’optimiser les maisons sur une soixantaine d’années. »
Pour appuyer son propos sur l’importance de l’isolation, Laurent Frances évoque plusieurs exemples concrets. Comme celui d’un client qui souhaitait installer des panneaux solaires pour alimenter sa future maison en énergie. Grâce à l’étude énergétique des plans de la future bâtisse, un bilan de puissance et après quelques modifications, le devis du fournisseur de panneaux solaires a été réduit de plusieurs dizaines de milliers d’euros. « J’ai du mal à comprendre qu’il n’y ait pas une vraie étude à chaque rénovation, s’étonne le spécialiste. Aujourd’hui, on est obligé de réduire la consommation. On ne peut pas continuer à compenser par des systèmes, mêmes des systèmes incroyables. »