Dans un rapport rendu le 28 mars, la Commission de régulation de l’énergie recommande la mise en place de mesures permettant de limiter les charges de service public de l’énergie à Saint-Barth. La CRE prévoit une forte augmentation des charges annuelles nettes par habitant entre 2024 et 2038.
Le dossier de la production et de la consommation d’énergie électrique à Saint-Barthélemy occupe une place de la plus haute importance dans la liste des préoccupations de la Collectivité territoriale. Le 22 décembre 2022, les élus ont adopté un projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Plus de six mois plus tard, la direction générale de l'énergie et du climat a saisi la Commission de régulation de l’énergie (CRE) afin que celle-ci évalue les conséquences des objectifs consignés par la Collectivité dans son PPE. Sur les charges de service public mais aussi sur la question du dimensionnement des moyens thermiques de production d'électricité du territoire. Sans oublier la fixation du niveau de tarif de rachat de l'électricité photovoltaïque. Une saisine qui a abouti à la rédaction d’un rapport qui a été rendu le 28 mars par la CRE.
Dans ce document, la Commission « alerte » sur le coût très élevé pour les finances publiques du « CO2 évité » par le projet de conversion de la centrale de Public, renforcé par l'absence du mécanisme des quotas de CO2 à Saint-Barthélemy, ainsi que sur le coût globalement très élevé par habitant de la péréquation tarifaire. Pour résumer, la CRE souligne l’urgence à mettre en place « un panel de mesures » destinées à limiter la hausse des charges de service public liée au modèle de développement économique présenté par la Collectivité.
Une consommation très élevée
S’il se concentre sur douze pages, le rapport de la CRE s’avère très dense. Il souligne notamment que « les ambitions inscrites dans les programmations pluriannuelles de l'énergie ont un impact direct sur le niveau de ces charges dans la mesure où une modification de la structure du parc entraîne de nouveaux investissements qu'il convient de financer tout en continuant le cas échéant à financer les investissements antérieurs ». Il est ici fait référence aux deux moteurs de la centrale EDF de Public mis en service fin 2013. Des moteurs qui « ne sont pas totalement amortis », rappelle la CRE, qui précise : « Il reste à payer une part des charges fixes engendrées par ces groupes pour un montant estimé à 80 millions d’euros sur les dix-neuf prochaines années. »
La Commission ne manque pas d’évoquer le soutien budgétaire, à travers les charges de service public de l’énergie (SPE) par habitant, qui se révèle considérablement plus élevé que dans les autres zones non interconnectées (ZNI). Ainsi, en 2022 les charges nettes à Saint-Barthélemy se montent à près de 2.200 euros par habitant. « À titre de comparaison, les charges nettes constatées en Guadeloupe pour la même année n'atteignaient que 1.000 euros », souligne la CRE. Par ailleurs, le chiffrage des objectifs du projet de PPE laisse entrevoir des charges de SPE qui pourraient atteindre 5.700 euros par habitant en 2028. En 2038, selon les projections de la Commission, ces mêmes charges devraient atteindre 7.200 euros par habitant.
Tendre vers une « sobriété énergétique »
La forte consommation relevée à Saint-Barth découle de son modèle de développement économique tourné vers « l’ultra luxe », comme le rappelle la CRE. « S’il permet à l'île d'exceller dans de nombreux domaines du tourisme de luxe et d'assurer une part importante de son autonomie financière, ce modèle induit également une consommation d'électricité par habitant trois à quatre fois supérieure à celle des autres ZNI, dont sa voisine directe, l'île de Saint-Martin », est-il écrit dans le rapport. En 2022, la production d'électricité à Saint-Barthélemy a ainsi représenté un coût total de 47,2 millions d’euros. Sur ce total, 24,2 millions ont été financés par les consommateurs locaux soumis aux tarifs réglementés de vente d'électricité. Les 23 millions « restants » l’ont été par la solidarité nationale au titre de la péréquation tarifaire. Par ailleurs, comme détaillé dans une autre partie du rapport, « avec le renouvellement des actifs de production et la conversion au bioliquide (de la centrale de Public, ndlr), ces montants seront amenés à augmenter fortement dans les prochaines années. » Par conséquent, la Commission insiste à plusieurs reprises tout au long du rapport sur la nécessité pour l’île d’instaurer une consommation « raisonnée » en encourageant les usagers à « la sobriété énergétique ». Pour ce faire, la CRE «recommande que soit étudiée la possibilité d'exposer les plus grosses consommations de Saint-Barthélemy au coût réel de production de l'électricité sur le territoire ».
Le PPE de Saint-Barth a pour ambition d'atteindre dès 2028 une production d'électricité 100% renouvelable avec la conversion de la centrale de Public au bioliquide conjuguée au développement du photovoltaïque, d’autres sources de production intermittentes (énergie marines, petits parcs éoliens offshore) et de capacités de stockage d'électricité. Mais la CRE remarque que l’espace disponible sur l’île est limité pour ce type d’aménagements. Un développement de sources de production alternatives qui pourrait permettre d’économiser 75 millions d’euros sur la période allant de 2024 à 2038.
Parallèlement, sur la même période, la Commission estime que le surcoût lié au changement de combustible se montera à 320 millions d’euros. Auxquels s’ajoutent, précise la CRE, les coûts d’investissements nécessaires à la construction d’une nouvelle centrale thermique.
Autre recommandation de la Commission : la possibilité d’interdire les bornes de recharge rapide pour les véhicules électriques. Un système qui lui paraît inadapté au système de production et à ses capacités.