A l’ère d’internet, les relations parents-enfants évoluent. Le pédopsychiatre Olivier Revol donnera une conférence publique et gratuite ce jeudi à 18 heures à l’hôtel de la Collectivité, sur le thème : “Eduquer les enfants du XXIe siècle, les nouveaux codes”.
Comment guider et éduquer son enfant à l’ère des réseaux sociaux, de Wikipédia et du smartphone ? C’est à cette question qu’Olivier Revol, pédopsychiatre, apportera des éléments de réponse ce jeudi 12 décembre à 18 heures, lors d’une conférence organisée par l’association Emma. « Il y a des choses qui étaient évidentes dans l’éducation il y a vingt ans, qu’on ne peut plus faire aujourd’hui. L’arrivée des écrans a modifié les relations parents-enfants : pour la première fois, les enfants sont capables d’apprendre des choses à leur parents », explique le médecin. « Aujourd’hui, 20% de ce qu’ils apprennent vient d’en haut (parents, professeurs…) et le reste est horizontal. La transmission ne se fait plus de façon descendante, c’est une véritable révolution. »
Société excitante, cerveaux excitables
Smartphone en poche, les enfants ont accès au monde entier, et bien souvent les technologies leur sont plus familières qu’à leurs parents. «Cela rend difficile, pour les parents, la conservation de la légitimité. Les parents ont perdu la maîtrise de l’éducation de leurs enfants. » En plus de la révolution numérique, les familles ont changé : naissances moins nombreuses, et parents avec des exigences plus fortes pour le bien-être et l’avenir de leur progéniture. «On a tous fabriqué des enfants rois, moi le premier. On voudrait qu’ils aient tout, on n’a pas assez dit non ; on les a rendu narcissiques, dans une société déjà basée sur l’image », poursuit le Dr Revol. « Il faut savoir que le cerveau n’est pas complètement formé avant l’âge de 25 ans. La partie “raison”, celle qui permet de réfléchir avant d’agir, n’est pas terminée. Les ados ont donc d’autant plus de mal à résister aux nombreuses tentations, qu’il s’agisse de l’alcool, du shit, de la pornographie... Nous vivons dans une société excitante, sur des cerveaux excitables. Internet, ce n’est pas un petit changement. Après l’écriture et l’imprimerie, c’est la troisième révolution dans la transmission. »
C’était mieux avant ?
Pas question, pour autant, de tomber dans le “c’était mieux avant”. La société évolue, l’éducation aussi. Entre se montrer laxiste et les couper du monde, il existe un juste milieu. « L’idée forte, c’est que même s’ils ont tout, même s’ils sont très sollicités, ils cherchent une chose, c’est être rassurés. Savoir que quelqu’un dirige la famille, la classe, la collectivité. Ils ont besoin d’un cadre. Je dis souvent qu’une mayonnaise ne monte pas dans une assiette ; elle a besoin des parois d’un bol… » Il faut aussi, selon Olivier Revol, savoir lâcher du lest. « Certaines choses intolérables au siècle dernier doivent être tolérées aujourd’hui. L’humour, la dérision, les réponses du tac-au-tac, l’impression d’en savoir plus que les parents… Ils font les malins, mais plus que jamais, les enfants ont besoin d’un cadre et de limites à la maison, puisque la société leur en donne moins qu’avant.» Si les parents peuvent laisser passer ces comportements, pour d’autres, l’inteansigeance est de mise. « La santé, la sécurité, les valeurs», liste Olivier Revol. « Dès qu’il s’agit de drogue, de faire les fous à scooter, il ne faut pas laisser passer. » Mais comment savoir ce qu’il se passe, comment détecter que son ado de 16 ans est accro à la pornographie ou boit de l’alcool à outrance avec ses copains ? «C’est pour cela qu’il faut un échange. La clé, c’est ce que j’appelle la fermeté bienveillante. Les décisions doivent être prises par les parents, mais après un échange, un dialogue avec l’enfant. Il doit aussi y avoir une cohérence entre les deux parents, pour établir des règles. »
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Brider l’accès à la pornographie
Sans même l’avoir cherché, les enfants peuvent être soumis à des images pornographiques au moindre contact avec un ordinateur ou un téléphone. Avec des conséquences « catastrophiques », selon Olivier Revol. « Cela leur donne une fausse image de la sexualité, et ils peuvent reproduire des comportements qu’ils estiment normaux, comme la sexualité de groupe. Il est nécessaire d’instaurer un dialogue autour de cela. Par ailleurs des logiciels existent, il est possible de limiter l’accès aux réseaux sociaux, et au Wi-Fi. Il faut fixer des règles, par exemple le soir, je laisse le téléphone en dehors de la chambre. » Le président Emmanuel Macron a récemment annoncé vouloir combattre cette impunité des sites pornographiques, trop facilement accessibles pour les mineurs. « Dans notre pays, on accède à la pornographie vers l’âge de 13 ans. Pour ces jeunes, leur imaginaire et leur sexualité se construisent par la brutalité qui va avec ces images. Nous nous devons de les protéger face à ces contenus », a-t-il expliqué à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant, le 20 novembre. Il a fixé un délai aux acteurs du numérique (fournisseurs d’accès, moteurs de recherche, réseaux sociaux…) pour faire de réelles propositions en ce sens, sans quoi une évolution de la législation serait entamée. Il est envisagé de rendre la vérification de l’âge obligatoire pour toute connexion à un site pornographique. Achat de pass dans les bureaux de tabac, vérifications par carte bancaire… Différentes pistes sont imaginées, mais toutes sont compliquées à mettre en place, l’anonymat des utilisateurs adultes étant bien sûr central. Le second hic est que l’application d’une telle loi à des sites étrangers semble irréalisable. Aujourd’hui, il suffit de cocher la case “je suis majeur” pour accéder aux contenus. Des logiciels et paramètres de limitation existent, mais encore faut-il les connaître et savoir les utiliser. De plus, l’enfant peut être exposé via ses camarades. La meilleure solution reste donc d’aborder ce sujet délicat avec lui.
JSB 1354