De patience, il n’est plus question. A tout le moins en ce qui concerne l’épineux dossier du logement. Aussi, mardi 9 mai, l’Association pour protéger l’accès à la résidence sur le territoire (Appart) créée en début d’année scolaire a mobilisé les enseignants des établissements publics de Saint-Barthélemy afin qu’ils observent une journée de grève. Un appel suivi par la grande majorité du personnel éducatif puisque ni le groupe scolaire de Gustavia ni le collège Mireille Choisy n’ont ouvert leurs grilles lors de cette journée. L’objectif de la mobilisation était des plus clairs : formuler à l’attention de l’Etat et de la Collectivité territoriale une seule et unique revendication. Celle d’obtenir une revalorisation des salaires, par le biais d’une augmentation de l’indemnité de cherté de la vie. Pour être certain de se faire entendre, les grévistes ont organisé une manifestation qui les a conduits du collège Mireille Choisy jusqu’au parvis de l’hôtel de la Collectivité, à La Pointe.
« Pas dans une logique de saisonnier »
Au son des tambours et en entonnant des slogans tels que « la solution c’est la revalorisation » ou « un prof, un toit », le cortège a achevé sa marche sous les fenêtres du président de la Collectivité. Rassemblés en arc de cercle, les grévistes ont ensuite écouté le président de l’association Appart, Cyril Lanas, évoquer dans un porte-voix les raisons de la mobilisation du jour. «Depuis des années, les enseignants sont confrontés sur cette île au problème du logement, a-t-il déclaré. De façon récurrente, nous connaissons des situations de crise avec des enseignants nommés qui n’arrivent pas à se loger, des postes vacants, non pourvus, des protestations, des recherches de solutions urgentes et de dépannage qui permettent de fonctionner plus ou moins. » Pour Cyril Lanas comme pour l’ensemble des manifestants des établissements scolaires publics, la solution à ces difficultés est «simple et claire». Elle consiste en une augmentation de l’indemnité de cherté de la vie.
« Elle est fixée à 40% du salaire, comme en Guadeloupe et en Martinique, détaille Cyril Lanas. A la Réunion, elle est de 53%, de 73 à 94% en Nouvelle-Calédonie, entre 75 et 108% en Polynésie, de 105% à Wallis-et-Futuna et 108% à Saint-Pierre-et-Miquelon. Malgré le changement de statut de Saint-Barthélemy (devenue une Collectivité en 2007, ndlr), la prime est restée identique à celle de la Guadeloupe. Alors que les conditions de vie ont depuis bien changé. » Pour le personnel éducatif de l’île, il s’agit donc de réclamer une « égalité géographique » qui corresponde aux réalités immobilières de Saint-Barth. « Pour que l’île soit attractive, il faut que les enseignants puissent se loger ailleurs que dans des chambres ou des studios, insiste le président d’Appart. Sinon nous n’aurons que des gens de passage, qui ne restent qu’un ou deux ans, quand ils acceptent de venir. Nous, on n’est pas dans une logique de saisonnier mais d’un enseignement stable, avec des personnes qui peuvent développer une vie de famille et vivre au sein de la population. »
« Des moyens pas au niveau des enjeux »
L’association rappelle que seuls 50% des postes d’enseignants sont occupés par des titulaires. Le salaire moyen s’élève à environ 2.000 euros. Il est évidemment plus élevé pour les plus expérimentés, mais inférieur pour les débutants et les contractuels. Pour les AESH (accompagnant des élèves en situation de handicap) ou les assistants d’éducation, par exemple, il est environ de 1.200 euros par mois. « Et la grande majorité ne dispose d’aucune aide au logement », souligne Cyril Lanas.
Si l’association se félicite du soutien apporté par l’Amicale des parents d’élèves et de la Collectivité, qui proposent des logements à quelques enseignants, elle note qu’il ne s’agit souvent que d’hébergements temporaires, pour répondre à une urgence. « Nous sommes en colère car les moyens ne sont pas au niveau de l’enjeu », peste le président d’Appart. Et d’exposer une autre réalité à laquelle sont contraints bon nombre d’enseignants : celle d’avoir l’obligation de prendre un ou deux emplois supplémentaires pour parvenir à surnager financièrement à Saint-Barth.
Une délégation composée de Cyril Lanas et de trois enseignantes a été reçue en Collectivité par le président, Xavier Lédée, et le vice-recteur des Iles du Nord, Harry Christophe.
« Des ressources financières insuffisantes »
« On a lancé une étude pour bénéficier d’une connaissance plus fine des réalités de vie des enseignants, a rappelé Harry Christophe. Les enseignants vivent dans des conditions très difficiles, socialement très défavorables. Certains doivent parfois avoir trois emplois. Or, un enseignant a besoin de temps pour préparer ses cours et que ses élèves soient bien accompagnés. Là, effectivement, on a un vrai souci qui pose même la question de l’avenir de cette île en termes d’éducation. Comment le conçoit-on ? Avec quelle part pour le public et le privé ? Ce que l’on voit, c’est que les ressources financières des enseignants sont insuffisantes pour s’inscrire dans le paysage actuel de Saint-Barth. »
De son côté, le président de la Collectivité, Xavier Lédée, a affirmé aux membres de la délégation : « Les propositions que vous faites, on les a déjà soumises au recteur et au ministre. On a demandé la revalorisation de la prime de vie chère. Il serait logique que l’on n’ait pas le même taux que la Guadeloupe ou Saint-Martin. La situation est connue et on essaye de trouver des solutions. Il y a une réflexion globale. » Et le président d’affirmer : « Il existe aussi un service social et tout le monde peut le consulter en cas de difficultés financières. »
Egalement présente lors de la rencontre avec les représentants des enseignants du public, Marie-Hélène Bernier, première vice-présidente, souligne le fait qu’un règlement qui fixe les conditions de proposition de bail pour les logements fournis par la Collectivité a été adopté par délibération le 6 mars dernier. « Il mentionne des critères sur le type de logement mais pas sur les enseignants », remarque une professeure. « Le document n’est pas figé et peut être amélioré », assure l’élue. Ce règlement fixe le montant des loyers comme suit : 700 euros en collocation, 1.000 euros pour un studio, 1.500 pour un T1, 2.000 pour un T2, 2.500 pour un T3 et 3.000 pour un T4. Pour l’heure, ils ne sont que huit enseignants à en bénéficier. De plus, compte tenu des salaires, rares sont ceux qui peuvent envisager d’intégrer des T2, T3 ou T4.
C’est sur une sorte de statu quo que les différentes parties se quittent. Une réunion a d’ores et déjà été programmée pour le 23 mai, à la Collectivité, en présence du préfet des Iles du Nord, Vincent Berton.