Faire ses valises et s’envoler à plusieurs milliers de kilomètres de sa famille pour poursuivre ses études. L’expérience est exaltante mais elle peut se révéler peu concluante et, parfois, décevante. Mais pour les écoliers puis collégiens de Saint-Barthélemy, il n’existe pas d’autre solution. Certains partent pour l’Hexagone, d’autres en Guadeloupe ou en Martinique, mais le choix se porte souvent sur le Canada. Une « filière » devenue presque naturelle au fil du temps et de l’apparition de passerelles de plus en plus évidentes. Une chose est certaine, pour Astrid et Gautié, respectivement âgés de 19 et 20 ans, l’atterrissage à Montréal s’est effectué avec une facilité déconcertante.
Les deux anciens collégiens de Mireille-Choisy suivent des études supérieures au sein de HEC (Haute école de commerce) de Montréal. Astrid est en deuxième année, spécialisation finances. Elle a posé sa valise au Canada après avoir effectué ses années de lycée dans l’Hexagone, à Montpellier. Gautié attaque sa troisième année, en finances des marchés. Sa sixième année au Canada, en réalité, puisqu’il a fait le grand saut après le collège pour intégrer l’établissement Stanislas de Montréal. « On ne regrette pas du tout d’être venu ici pour étudier, s’enthousiasme le jeune homme. C’est le meilleur choix que j’ai fait de ma vie. » Astrid n’est pas moins enivrée par sa nouvelle vie. Et elle ne tarie pas d’éloge envers son établissement. « C’est une école qui te pousse vers le haut, assure-t-elle. C’est très facile de s’intégrer et la vie étudiante occupe une place très importante. »
« Sortir du petit monde de Saint-Barth »
Une des premières préoccupations des deux étudiants est d’évacuer le cliché des jeunes venus de Saint-Barth qui ne s’intègrent pas au reste de la communauté estudiantine. «On est beaucoup à venir au Canada, explique Astrid. On ne reste pas entre nous, au contraire. On rencontre des gens tout le temps. Dès le début de l’année, des ateliers sont organisés pour que des rencontres se fassent entre les étudiants qui viennent de partout. Tout est mis en place pour que l’on se fasse des amis. Alors il est possible de sortir du petit monde de Saint-Barth. » Evidemment, ils n’ignorent pas que la situation peut-être plus délicate pour d’anciens camarades inscrits dans un cursus universitaire différent du leur.
Il va sans dire que la crise sanitaire a eu une influence majeure sur la manière dont leurs études se sont déroulées depuis un an et demi. Tous les deux sont rentrés à Saint-Barth en mars 2020 et ont suivi leur enseignement par le biais de cours en ligne. Ils ont ensuite repris le chemin de Montréal pour la session d’automne, de septembre à décembre 2020. Une période difficile pour les deux étudiants et bon nombre de leurs camarades.
La déprime hivernale du confinement
« Tout était fermé et on ne voyait quasiment personne, se souvient Astrid. J’ai eu une période en novembre où j’étais un peu déprimée. Il y avait beaucoup de restrictions à Montréal et c’était un peu lourd. » Gautié confirme : « A un moment, tout le monde était un peu déprimé. » Le retour à Saint-Barth pour les fêtes de Noël 2020 s’est donc révélé salvateur. Lorsque le moment de reprendre les cours arrive, Astrid et Gautié font chacun un choix différent.
Pour l’étudiant, le souvenir de la « sinistrose » qui a précédé le retour à Saint-Barth le décide à rester sur l’île. Même s’il est conscient que travailler à distance ne sera pas simple. « Avec l’environnement, les amis, etc., ce n’est pas facile de se concentrer sur les études, assure-t-il. Et puis Saint-Barth n’est pas adapté pour les cours en ligne. » Astrid l’interrompt : « Ah ça non ! La connexion internet n’est pas bonne, ça sautait une fois sur deux pendant les cours. » Quand il est précisé que ceux-ci durent parfois trois heures, cette contrariété peut s’avérer des plus décourageantes. Néanmoins, Gautié parvient à trouver son rythme de croisière.
Retrouver la « vibe » de l’école
« C’est sûr qu’en hiver à Montréal, l’atmosphère est plus propice au travail, admet-il. Mais le retour à Saint-Barth m’a motivé. Et comme la plupart de mes amis sont repartis à l’étranger, j’ai réussi. » Pour Astrid, en revanche, étudier à distance depuis Saint-Barth s’est vite révélé une option impossible. « Respirer, revoir les amis, la famille, sortir, tout ça m’a fait beaucoup de bien, explique la jeune femme. Mais je n’arrivais pas à me mettre dans les cours. » Par conséquent, elle décide de regagner Montréal. Juste avant l’instauration par le gouvernement canadien de restrictions encore plus drastiques à l’entrée sur le territoire. « J’avais envie de retrouver mes amis et ma vie, raconte-t-elle. Et puis il y a quand même la vibe de mon école ! Les beaux jours sont revenus, on pouvait se voir dans les parcs. » Et depuis la rentrée de septembre, la vie a repris un cours presque normal.
Retour à « la vie d’avant »
Certes, du gel hydro-alcoolique attend les étudiants à l’entrée de l’école et le port du masque est obligatoire pendant les cours. Mais, précisément, les cours ont repris! « Etudier en présentiel, ça change la vie, se réjouit Astrid. C’est beaucoup plus stimulant. On a des échanges avec les profs qui, ici, sont toujours très disponibles. » Gautié souligne l’impression d’un «retour à la vie d’avant ». Il détaille : « Ça n’a plus rien à voir avec le mois de novembre quand on était tous enfermés dans nos apparts. Là, on peut inviter des gens chez soi, se réunir dans les parcs, sortir boire une bière (A Montréal, l’équivalent d’un passe sanitaire a été mis en place, avec vérification du QR Code et présentation d’une pièce d’identité pour entrer dans les restaurants, les bars, etc, ndlr). Le fait qu’il y ait le vaccin a détendu l’atmosphère. Du coup on profite beaucoup du mois de septembre. Et puis oui, on retourne à l’école, on croise du monde dans les couloirs. » Des choses simples que, désormais, les jeunes gens savourent. « On profite enfin de la vie étudiante, s’exclame Astrid. C’était vraiment frustrant d’être dans ces années d’études et de ne rien pouvoir faire. »
« Montréal, une ville incroyable ! »
D’autres frustrations sont nées de la crise sanitaire. Comme celle de voir les échanges annuels d’étudiants annulés. « Je suis censée partir en janvier 2022 en Australie, à Brisbane, mais j’ai été réalignée en Angleterre, regrette Astrid. C’est frustrant, surtout que l’Australie vient d’annoncer la réouverture de ses frontières à partir de décembre. » Pour Gautié, c’est la Suisse qui s’est dérobée sous ses pieds. « C’est une accumulation de passages à côté d’opportunités », souffle Astrid.
Quoi qu’il en soir, c’est avec confiance que les deux étudiants abordent cette nouvelle année. « Même si on parle de 4e vague, on voit tout ça plus sereinement », affirme Gautié. « On est beaucoup à être vaccinés, constate Astrid. Je ne vois pas ce que l’on peut faire de plus. » Profiter de cette vie étudiante enfin retrouvée, sans doute. « Dans une ville incroyable », lance Gautié.