Cette année, ils sont deux. Deux jeunes étudiants de Saint-Barth qui ont la lourde tâche de représenter leur île au sein des institutions de l’Union européenne. Le plus jeune, Yago Gréaux, est âgé de 21 ans. L’Europe, il connaît. Après avoir grandi à Saint-Barth, Yago a vécu à Montpellier, en Irlande et il étudie maintenant le droit à Maastricht, aux Pays-Bas. « C’est ici que les traités européens ont été fondés », souligne-t-il, lui qui connait sur le bout de doigts le droit européen. Alors, lorsqu’il découvre qu’il peut participer au programme Overseas Countries and Territories Youth Network (OCTYN), Yago saute le pas. « C’est l’occasion de se rapprocher des institutions européennes, de comprendre les partenariats et notre relation avec eux », ajoute l’étudiant. Âgée de 23 ans, Astrid Desouches ne vise pas des stages à la Commission européenne comme beaucoup de participants à ce programme. Elle le confie : le langage politique, ce n'est pas vraiment son domaine. L’étudiante en finance et consulting à l’ESCP a plutôt postulé dans l’optique de recréer une attache avec son île, qu’elle a quitté depuis presque dix ans maintenant pour ses études.
« Une ferme de panneaux solaires, ce n’est pas possible ici »
Très vite, les connaissances des deux jeunes sur le territoire de leur enfance ont été mises à rude épreuve. Du 7 au 11 octobre, Astrid et Yago ont participé au Climate Finance Forum à Bruxelles, impulsé par l’agence publique Expertise France. En l’absence d’une délégation d’acteurs locaux de Saint-Barth, les deux étudiants se sont retrouvés à échanger avec des experts et des élus du monde entier sur les difficultés des Pays et Territoires d’Outre-Mer (PTOM) à accéder aux fonds européens pour lutter contre le changement climatique. Ils ont notamment pu discuter avec Expertise France qui travaillait sur un projet de prise pour voiture électrique à Saint-Barth ou la banque de développement des Caraïbes. Yago et Astrid ont rappelé à certains intervenants, qui ont décrit leurs projets pour lutter contre le changement climatique, que toutes les solutions n’étaient pas applicables sur une petite île de 21 km2. « Avec le prix du mètre carré et le manque d’espace, une ferme de panneaux solaires par exemple, ce n’est pas possible à Saint-Barth », illustre Yago. L’étudiant en droit a aussi souligné que la main d’œuvre qualifiée pour certains projets liés aux énergies renouvelables n’était pas systématiquement présente sur l’île.
Rencontre avec le vice-président du Parlement Européen
Lors de leur mandat, Astrid et Yago ont pu confronter les besoins de la population de Saint-Barth à ceux des autres PTOM, tels que des territoires français comme la Nouvelle-Calédonie, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna ; mais aussi le Groenland, Curaçao ou Saint-Eustache. « Ça permet de réaliser qu’à Saint-Barth, on est plutôt chanceux, confie Astrid. On n’a pas du tout les mêmes problématiques que d’autres territoires. » Pendant une semaine, du 18 au 22 novembre, les 25 jeunes du programme OCT Youth Network, se sont retrouvés à Bruxelles. Ils ont eu droit à une visite exclusive du Parlement Européen et des réunions thématiques pour mieux connaitre ces institutions européennes. Les jeunes ont notamment eu la chance de rencontrer Younous Omarjee, vice-président de la Commission Européenne. Le député européen a pris de son temps pour répondre aux nombreuses questions des jeunes du programme, et pour les éclaircir sur l’intérêt stratégique des Overseas countries and territories (OCT) pour l’Union européenne.
Des échanges enrichissants
Moment incontournable du mandat, cette semaine à Bruxelles était aussi organisée pour que les participants puissent tisser des liens. « Toute la journée, on parlait, on s'enrichissait de la culture des autres, s’enthousiasme Astrid. J’avais l’impression que je connaissais tout le monde depuis des années, des belles amitiés se sont créées. » Entre les réunions et les visites, les représentants profitaient des moments de pause pour évoquer leur vie sur leur territoire respectif. Le représentant de la Nouvelle-Calédonie a partagé son vécu intime des émeutes qui ont secoué Nouméa pendant plusieurs semaines, quand d’autres débattaient sur la question de l’indépendance, ou encore la mémoire de l’esclavage. Ces échanges ont donné envie à l’étudiante de se pencher davantage sur l’histoire de son île, pour la partager avec autant de passion que ses camarades. L’éducation, par exemple, est un sujet qui lui tient particulièrement à cœur. Astrid aimerait apporter aux jeunes de Saint-Barth, comme à leurs parents, plus d’informations sur les possibilités de cursus après le collège. Yago, lui, envisage d’installer son propre cabinet d’avocats sur l’île : « Je pense que si on bénéficie d'une éducation à l'étranger, c'est important de ramener nos connaissances à Saint-Barth pour avancer ensemble. »
Un an après, le retour d’expérience de Valentin Dantec
Depuis le mois de juillet, Valentin Dantec a passé le flambeau à Astrid Desouches et Yago Gréaux. Pourtant, l’étudiant ne s’est pas détaché des enjeux européens. Grâce à ses connaissances des liens entre Saint-Barth et les institutions européennes, Valentin Dantec a obtenu un stage à la Collectivité de Saint-Barth, au pôle innovation transition énergétique. Aux côtés de Pascal Peuchot, l’étudiant en politique globale et européenne a apporté son aide sur tous les dossiers qui concernent la coopération avec la Guadeloupe, Saint-Martin, ou même l'Europe. L’étudiant a également assuré la visite officielle de représentants de l’Union européenne sur l’île. «Quand ils sont arrivés, je leur ai fait la bise, et la dame de la collectivité qui m’accompagnait a pris peur, raconte-t-il en riant. Mais c’est parce que je les connaissais grâce au réseau OCT YN. » Les représentants de l’Union européenne étaient justement présents sur l’île pour vérifier l’avancée des projets de l’île financés par leur institution. L’abattoir à cabri a reçu une subvention de l’Union européenne, tout comme une étude sur le repeuplement des récifs coralliens. Un financement de 2,5 millions d’euros est par ailleurs destiné à la caserne des pompiers et aux infrastructures numériques, et l’ATE bénéficie d’un budget de 100 000 euros pour l’étude et la protection des requins. Pour conserver ce précieux réseau, Valentin Dantec a créé une association qui rassemblera tous les participants à ce programme européen. Et même, pourquoi pas, inclure tous les jeunes des Pays et territoires d’Outre-mer pour impulser de nouveaux projets, et faire entendre leurs voix.