Les clients se plaignent de problèmes récurrents sur la ligne reliant Pointe-à-Pitre à Saint-Barthélemy. La conseillère territoriale Hélène Bernier a adressé une lettre à la préfète déléguée des Iles du Nord pour qu’elle intervienne. La compagnie Air Antilles, elle, reconnaît des difficultés ponctuelles, mais s’indigne de certaines accusations, car tout n’est pas de son ressort.
Les témoignages sont réguliers sur les réseaux sociaux : reports de décollage, annulations de vol, bagages retardés… L’une des dernières « victimes » de la liaison entre Saint-Barth et Pointe-à-Pitre assurée par la compagnie Air Antilles n’est autre qu’Hélène Bernier, conseillère territoriale Saint-Barth Autrement. Elle raconte sur Facebook que son vol a été largement retardé car, lui a-t-on dit au guichet, « le pilote ne s’est pas présenté ». Hors d’elle, l’élue a rédigé une lettre à l’attention de la préfète des Îles du Nord, Anne Laubies, arguant du principe de continuité territoriale.
Continuité territoriale ?
En réalité, si la continuité territoriale est bien un principe politique plus ou moins garanti par l’Etat, il ne s’applique pas sur cette ligne. « C’est le problème de la double insularité », explique Olivier Basset, représentant de la préfète à Saint-Barthélemy. « La société n’a pas d’obligation légale à ce sujet. » La préfecture n’a donc aucun moyen d’exiger quoi que ce soit auprès d’Air Antilles, hormis bien sûr la sécurité des passagers.
La seule entité qui pourrait intervenir pour demander des comptes à la compagnie est le ministère des Transports, dont dépend la Direction générale de l’aviation civile. Autant dire que sur le bureau d’Elisabeth Borne, la ministre, ce dossier caribéen n’est pas en haut de la pile. D’autant plus qu’Air Antilles a joué le jeu après Irma en assurant le rapatriement des sinistrés vers la Guadeloupe, et qu’aucun problème de sécurité n’a été signalé concernant les appareils. « La réalité, c’est que les clients trinquent, et ils n’ont pas d’autre choix », tranche Hélène Bernier.
A l’aéroport, les doléances à l’encontre d’Air Antilles se multiplient. « Depuis quelques mois, on observe une recrudescence de retards, des annulations de vol, on reçoit pas mal de réclamations de la clientèle, pour des problèmes qui seraient imputables à la compagnie », indique prudemment Fabrice Danet, directeur de l’aéroport. « Les clients commencent à douter des raisons invoquées. Je suis un peu perplexe. Effectivement, les conditions sont particulières chez nous : conditions aérologiques du terrain, emport de carburant au départ de Pointe-à-Pitre… Mais la tendance actuelle est bien à l’aggravation générale des conditions de transport, toutes causes confondues. »
Une ligne pas rentable
Les accusations portées par Hélène Bernier agacent sérieusement Eric Koury, actionnaire principal du groupe Caire, qui possède Air Antilles et Air Guyane. « Je fais tout pour désenclaver Saint-Barth ! Si elle veut, demain matin je peux mettre deux vols par jour au lieu de cinq, et cela ne changera rien à mes comptes d’exploitation… Si Saint-Barth Commuter a arrêté la ligne, ce n’est pas par hasard. Saint-Barth représente 3% de mon chiffre d’affaires », rappelle-t-il. « Je passe personnellement beaucoup de temps à travailler avec les hôtels comme le Christopher qui va rouvrir, ou les Voiles de Saint-Barth, pour trouver des solutions pour acheminer tout le monde. Si ça ne plaît pas, je peux arrêter dès demain. »
En effet, la rotation SBH-PTP n’est pas rentable pour Air Antilles. Les contraintes techniques sont trop coûteuses. Eric Koury enfonce le clou : « Nous assurons cette liaison sur nos propres moyens, car nous y tenons. Le coefficient de remplissage est à peine de 60% ou 65%. Or, le coût d’un vol PTP-SBH coûte 5.000 euros à la compagnie, aller retour. On le sait, on le fait et on l’assume. Ce n’est pas la ligne vers Saint-Barthélemy qui fait vivre Air Antilles, mais nous la maintenons car nous sommes attachés à desservir cette île. »
Encore un effet Irma
C’est principalement l’infrastructure spécifique de l’aéroport Remy de Haenen qui complique le travail d’Air Antilles, selon elle. « On a gardé la desserte en essayant de transporter tout le monde, avec cinq rotations par jour. Alors oui, quand il y a un retard, on doit annuler le dernier vol de la journée parce qu’on ne peut pas atterrir à Saint-Barthélemy après le coucher de soleil. Ce n’est pas la faute de la compagnie s’il la piste n’est pas éclairée, et si on ne peut pas se fournir en carburant à Saint-Barth. »
Après Irma, Air Antilles a vu ses appareils réquisitionnés pour les évacuations, ce qui a retardé leur départ en maintenance. « Depuis fin décembre, les deux avions sont de nouveau opérationnels, on revient à la normale », informe Eric Koury. Qui rappelle que les retards de bagages, sont aussi dus à la surcharge d’activité à l’aéroport Pôle Caraïbe en Guadeloupe, depuis le passage d’Irma sur celui de Sint-Maarten. Pour la première fois de son histoire, en 2017, l’aéroport de PTP a franchi le cap des 2 millions de voyageurs. Or, les délais sont courts entre l’arrivée des long-courriers et le départ vers SBH.
« Nous mettons tout en œuvre pour acheminer les bagages, nous les faisons même passer par Juliana, ce qui représente un coût supplémentaire. Depuis Irma, 90% du trafic passe par Pointe-à-Pitre. Alors oui, des fois, nous y sommes pour quelque chose, mais d’autres fois, non », conclut Eric Koury, agacé.
JSB 1262