Porté par un jeune entrepreneur local, un projet de ferme verticale faisant appel à la technologie de l’aéroponie pourrait voir le jour dans un avenir proche à Saint-Barthélemy. Cette structure, la première de son genre dans la Caraïbe, pourrait produire 10 à 15 tonnes de fruits, légumes et plantes aromatiques par an.
A Saint-Barthélemy, la production agricole existe mais se résume à une peau de chagrin. Quelques petites exploitations disséminées ici et là qui ne représentent qu’une part négligeable de la consommation des habitants de l’île. Il va sans dire que sur un espace aussi restreint et compte tenu des conditions d’exploitation, se lancer dans la production agricole relève presque du défi. Toutefois, la technologie pourrait offrir des perspectives nouvelles à Saint-Barth. Du moins, c’est la conviction d’un jeune entrepreneur de l’île, Paco Chanseau, qui a déposé un permis de construire au nom de sa société « Zéro Saint-Barth » pour ériger une ferme verticale dans le quartier de Saline. Un projet ambitieux qui nécessite un investissement de plus d’un million d’euros et qui permettrait de produire entre dix et quinze tonnes de fruits, de légumes et de plantes aromatiques chaque année.
« Une logique d’autonomie »
Cette ferme verticale aura la particularité de fonctionner sur les bases d’une technologie de plus en plus répandue à travers le monde : l’aéroponie. Une méthode de production agricole qui permet de cultiver - hors sol - de nombreux produits tout au long de l’année, dans un environnement fermé et entièrement contrôlé. Avec un avantage supplémentaire : celui de n’utiliser aucun pesticide. «La structure est comme une boîte fermée, explique Paco Chanseau. Ça fonctionne avec un éclairage de lampes leds, de la climatisation, de l’eau, des minéraux, des fertilisants. Tout est bio. La température est contrôlée, tout est scientifique. Le but est de bénéficier d’une production locale totalement maîtrisée. »
L’entrepreneur ne se lance pas seul dans ce projet. S’il en est l’actionnaire principal au niveau local, c’est en qualité de partenaire de la société italienne baptisée Zéro. « J’ai visité le siège à Pordenone, près de Venise, en 2019, raconte Paco Chanseau. C’est une technologie extraordinaire. » Zéro a déjà installé une unité de production en Italie, dans la banlieue de New York et à Dubaï. « A Saint-Barth, on va implanter la première ferme verticale de la Caraïbe, anticipe l’entrepreneur. Ce projet s’inscrit dans une logique d’autonomie de l’île et la production va venir en complément de ce qui se fait déjà à Saint-Barth. C’est l’avenir de l’agriculture. Il faut voir cette ferme comme une opportunité, pas comme une menace. »
« Pas de gaspillage »
La technique de l’aéroponie, développée technologiquement par Zéro et d’autres sociétés dans le monde, permet de nourrir les cultures en consommant 95% d’eau en moins que dans une exploitation agricole traditionnelle (soit environ 400 mètres cubes par an). Grâce à un système de vaporisation contrôlée de solutions nutritives, en circuit fermé donc sans le moindre rejet extérieur. « On ne gaspille pas d’eau, ni pour arroser ni pour laver les produits, donc la consommation est moindre et il n’y a pas de « choc » pour les produits, explique Paco Chanseau. Leur espérance de vie est donc plus élevée, comme leur qualité. » Seule ombre au tableau : une importante consommation en électricité. Mais là encore, les concepteurs du projet ont anticipé cet inconvénient. « Nous allons installer des panneaux photovoltaïques qui vont nous permettre de réduire la consommation en utilisant une énergie renouvelable, affirme Paco Chanseau. Avec ces panneaux, on doit assurer près de 40% de la consommation de la ferme. On va donc pouvoir produire les mêmes produits aux mêmes prix, toute l’année, sans gaspillage. »
Le site d’installation choisit par Zéro Saint-Barth se situe à Saline, sur une parcelle actuellement utilisée comme dépôt. « Il n’y a que très peu de constructions avoisinantes et une faible présence de végétation », remarque Paco Chanseau. La ferme verticale occupera 400 mètres carrés. «Le projet est conçu pour optimiser l’impact sur la parcelle, précise-t-il. La plateforme existante sera agrandie et des roches seront placées en amont et en aval afin de végétaliser le terrain et créer les masques paysagers nécessaires à son intégration dans le paysage. » Un système d’assainissement va être installé sous le parking tandis qu’une large citerne aura pour vocation de récupérer les eaux de pluies afin de les utiliser pour la production.
« Si demain on montre que l’on est capable de s’implanter sur un petit caillou comme Saint-Barth et qu’après six mois après ça fonctionne à 100%, ce sera formidable », s’enthousiasme l’entrepreneur. Toutefois, avant de pouvoir se lancer, le permis de construire déposé le 22 avril doit obtenir l’approbation de la commission de l’urbanisme et, ensuite, celle du conseil exécutif de la Collectivité territoriale. La décision finale est donc entre les mains des élus.
Fermes verticales et aéroponie ont le vent en poupe
De nombreuses structures similaires à celle de Zéro Saint-Barth on vu le jour dans le monde depuis des années. Si la technique de la culture aéroponique est apparue dans les années 1950, elle se développe progressivement depuis la fin des années 1970, le concept de ferme verticale et de culture hors-sol a su séduire de nombreux entrepreneurs depuis le début des années 2000. Notamment dans des pays qui aiment à innover. Et qui en ont les moyens, cela va sans dire. Comme au Danemark, non loin de Copenhague, où la plus grande ferme verticale du monde (plus de 73.000 mètres carrés) devrait commencer sa production avant la fin de l’année. A Singapour, plus d’une centaine de fermes verticales ont été construites. Il en existe aux Etats-Unis, en Europe (en France, la ville de Nantes concrétise actuellement un projet) où dans des pays d’Afrique qui développent des projets de tours maraîchères.
Qu’est-ce que l’aéroponie ?
Dans une culture en aéroponie, les végétaux sont placés sur un plateau (le tray de récupération), dans une chambre de culture remplie d’air (couvercle « top aéro »). Les racines en évidence dans la chambre de culture sont immergées dans une nébulisation de solution nutritive à base de sels minéraux, laquelle est propagée à intervalles réguliers par des sprays fixes ou rotatifs et via l’action d’une pompe à eau fonctionnant en circuit fermé. La solution nutritive vaporisée est recyclée dans le circuit puis réinjectée, avant d’être changée tous les 7 à 10 jours (généralement). Un système qui se veut à la fois économique et écologique. Très peu encombrante, la culture en aéroponie a l’avantage de proposer un rendement nettement supérieur à la moyenne. En ferme horizontale ou verticale, une culture en aéroponie ne nécessite souvent que quelques mètres carrés, ce pourquoi elle tend à se développer en milieu urbain où la problématique d’espace est centrale. Il n’existe aucune dépendance à l’environnement extérieur ou à la météo.