Saint-Barth -

Saint-Barth se dote d’un plan territorial pour l’agriculture

Après la pêche, la filière agricole de l’île cherche à se structurer. Il y a deux ans déjà, la création de l’association des agriculteurs, l’APAG, a permis aux professionnels du secteur de se rassembler pour porter leurs revendications. La Cem s’est une nouvelle fois emparée du sujet pour impulser l’élaboration d’un plan territorial de l’agriculture durable (PTAD) à Saint-Barth. Ce document officiel, signé par la Collectivité et la préfecture, fixe les orientations des politiques agricoles publiques de l’île. En somme, il s’agit d’une feuille de route des projets à lancer sur l’île pour développer l’agriculture. Afin de rédiger un tel document, la CEM a lancé un appel d’offres, remporté par SalvaTerra, un bureau d’études spécialisé en agriculture, foresterie, environnement et développement. Basé à Paris, ce bureau a notamment réalisé le plan d’actions agricole de Saint-Pierre-et-Miquelon et a travaillé pour de nombreux organismes français et internationaux. L’équipe d’experts s’est d’abord rendue à Saint-Barth en novembre 2024 afin de réaliser une mission de diagnostic de la filière agricole à Saint-Barth.

Une demande de produits locaux
Dans ce cadre, une trentaine d’entretiens ont été menés sur place. Les acteurs de la filière agricole bien sûr, mais également le secteur public ainsi que les professionnels de la consommation ont été auditionnés pour évaluer les débouchés. « Il y a bien un sujet qui fait l'unanimité, c'est celui-ci, trouver des produits locaux, affirme Alice Rabine, ingénieure agro-économiste, experte chez SalvaTerra. Sur la majorité des productions, c'est extrêmement simple de trouver à vendre sa production. » Selon les experts, le marché des plantes ornementales locales nécessite cependant la création de débouchés, ce qui pourrait être favorisé grâce à des commandes publiques. La demande de plantes pour les jardins est importante, mais le circuit habituel est l’importation de ces plantes depuis Miami.

Une filière en pleine structuration
Selon les experts, la filière dispose d’atouts tels que la présence de « jeunes agriculteurs passionnés ». La plupart d’entre eux possèdent plusieurs activités et l’agriculture représente un revenu complémentaire. A l’occasion de l’élaboration de ce rapport, le bureau d’études a établi un recensement des professionnels de l’île. Ils ont noté la présence de producteurs informels mais aussi de particuliers qui vendent les produits de leur jardin. « Le gros point fort, c’est que c’est un secteur qui est en train de structurer », souligne Alice Rabine. L’experte cite notamment la création de l’abattoir de Saline comme un réel avantage, tout comme la mise en place du tarif d’eau préférentiel pour les agriculteurs. « La collectivité va aussi créer un lieu de vente à Saline pour les agriculteurs, c'est-à-dire pour centraliser la vente des produits locaux et de l'artisanat », s’enthousiasme Rudi Laplace, élu territorial. La mise à disposition de terrains pour les agriculteurs est aussi en plein réflexion. Il va sans dire que le développement d’une agriculture durable à Saint-Barth serait bénéfique pour l’environnement. « L'élevage durable réalisé par l'INE a un vrai intérêt écologique par rapport à la réduction du surpâturage et de l'érosion », pointe l’experte. En termes de coûts, avoir un circuit court sur l’île serait aussi très avantageux pour tous les professionnels de la restauration.

Absence d’aide et de foncier
Si le territoire dispose d’atouts et d’opportunités pour développer la filière agricole, les freins restent nombreux sur l’île.  En premier lieu les difficultés d’accès au foncier, même si certains agriculteurs ont créé par eux-mêmes leur propre système de prêts de parcelle. Dans leur diagnostic, les experts ont souligné l’absence d’un zonage agricole dans la carte de l’urbanisme. Les agriculteurs de l’île se retrouvent également sans subventions puisqu’ils n’ont pas accès aux fonds européens. «C'est difficile pour eux, confirme Rudi Laplace, membre de l’APAG. Ils essayent de vendre leurs produits face à des produits importés d’agriculteurs qui ont des aides européennes et françaises. » Selon les experts, c’est à la Collectivité de mettre en place ces subventions. « On a quand même des circuits d'accès et de déblocage des aides qui sont beaucoup plus courts et beaucoup plus simples que ce qui est fait dans le cadre des politiques agricoles européennes », ajoute Alice Rabine. La gestion de l’eau est tout aussi cruciale pour développer une agriculture durable à Saint-Barth. D’autant plus qu’avec le changement climatique, les précipitations risquent de diminuer de 15% à l’horizon 2080.

Des recommandations pour le secteur
Les conclusions de ce diagnostic ont été partagés mardi 11 février lors d’un atelier organisé à la CEM avec les professionnels du secteur. Alice Rabine a présenté les forces et les faiblesses du territoire, mais également les axes stratégiques pour accompagner le développement de cette filière. « Il y a eu des débats sur de nouveaux sujets, et notamment une proposition un peu plus structurée qui est ressortie sur la gestion de l'eau », s’enthousiasme Alice Rabine. Grâce à cet échange, le bureau d’études a affiné les orientations stratégiques à inscrire dans le Plan territorial de l’agriculture durable. Dans une première ébauche du document, qui reste encore à valider, ils détaillent diverses recommandations telles que la mise en place d’un observatoire des prix, la gestion des eaux de pluie et de ruissellement, la création d’un lieu de vente et de transformation ou le lancement de projets pilotes comme des fruitiers en zone publique. Ces axes de travail doivent désormais être approuvés par la Collectivité et l’État avant de produire le rapport final, qui se déclinera sous forme de fiches actions. « C'est un peu le même principe que la COP, schématise Maïté Cohen, responsable du pôle entreprise de la CEM. Il y a des actions qui sont fixées, validées par la puissance publique, puis qui sont déclinées par différents acteurs. » La CEM espère l’officialisation du plan pour le mois de juin. « J’attends beaucoup de ce plan territorial de développement de l'agriculture, pour que la collectivité s'organise et qu'on ait un objectif clair pour le développement de cette agriculture », déclare Rudi Laplace, aussi conseiller territorial. Bien sûr, ce document n’est pas contraignant, mais il propose un mode d’emploi détaillé pour tous les acteurs qui voudront se retrousser les manches pour pousser l’agriculture durable à Saint-Barth.

   

 

Journal de Saint-Barth N°1604 du 20/02/2025

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