Saint-Barth - Transat plage

Saint-Barth aux forceps pour faire revenir les touristes

Bras de fer entre le gouvernement qui fait durer le blocage sur les outre-mer par précaution sanitaire, et les décideurs locaux, comme ceux de Saint-Barth, qui veulent relancer l’économie au plus vite en rouvrant leurs territoires. En attendant, des touristes commencent à entrer sur notre île, malgré les motifs impérieux théoriquement toujours en vigueur.

 

L’outre-mer se sent maltraité par rapport à la métropole. Les territoires, en dehors de Mayotte et la Guyane, ont été moins touchés par le Covid-19 que la France hexagonale. Le confinement a permis d’enrayer l’épidémie avant qu’elle ne s’enracine, et a laissé le temps aux hôpitaux, services de santé et collectivités de s’équiper en matériel et mettre au point des protocoles de dépistage.
Or en métropole, les Français sont autorisés depuis dix jours à voyager à l’intérieur de l’hexagone. Au départ, la Corse avait été exclue de cette liberté ; mais après deux jours le gouvernement a fini par rouvrir l’île de Beauté au même titre que les autres régions françaises. Pendant ce temps dans les Antilles, les personnes qui souhaitent entrer sur les îles doivent justifier d’un motif impérieux, et ce jusqu’au 22 juin. Même chose pour les résidents antillais qui souhaitent se rendre en métropole. Ils doivent attester sur l’honneur que leur déplacement est indispensable, et présenter un justificatif : attestation d’employeur, livret de famille, certificat médical, etc.

L’Etat a concédé depuis le 9 juin un petit allégement du protocole : les entrants sur les territoires ultramarins doivent réaliser un test de dépistage avant de partir, ce qui leur permet de se confiner sept jours à leur arrivée, au lieu de quatorze. Les déplacements sont libres entre les îles des Antilles pour ses résidents (Martinique, Guadeloupe, St Martin, Saint-Barth), sans justificatif, ni isolement, ni test, depuis lundi 8 juin.

Les touristes entrent
au compte-gouttes

Reste que notre île, comme les voisines, est hermétiquement fermée au tourisme. En tout cas, dans la théorie. Car dans la pratique, il en va autrement. Difficile de rester discret à Saint-Barthélemy : des touristes commencent à revenir sur l’île au compte-gouttes, principalement des Américains, via Porto Rico. A leur arrivée, ils doivent faire un test de dépistage au drive du laboratoire (ou présenter un test négatif réalisé dans les 72 heures avant leur départ).
Pas de motif impérieux pour eux, quoiqu’en dise le décret. Certains possèdent une villa ou un bateau, ou alors rejoignent de la famille restée sur place, ce qui leur donne un motif, certes pas impérieux, mais accepté quand même. Pas de chiffre précis, mais ils seraient tout au plus une petite centaine sur Saint-Barth actuellement.
Les autorités ferment les yeux, lâchant un peu de lest au bénéfice de l’économie locale. De toutes façons, ces attestations sur l’honneur étaient facilement contournables depuis le début de leur mise en place, bien qu’elles aient permis de filtrer les arrivées.

« Traitement inéquitable
et discriminatoire »

Le temps presse dans les Antilles : il ne reste globalement que deux mois avant le pic cyclonique de septembre. Et avec tout ce charivari, le Français métropolitain qui souhaite se détendre préférera un départ sans contrainte sur la côte Basque plutôt que huit heures d’avion avec un masque, potentiellement des heures d’attente à l’aéroport, deux tests PCR désagréables… Sans même parler d’une septaine. Quant aux entreprises ultramarines, au-delà du blocage, elles ont besoin d’un calendrier pour pouvoir s’organiser, répondre aux clients, se projeter, commander, embaucher.

Elus de tous bords, représentants du monde économique : les acteurs des territoires ultramarins exercent une grosse pression sur la ministre des Outre-Mer pour que rouvrent normalement les territoires, au plus vite. Avec un protocole de tests, mais sans quatorzaine ni septaine, contraire à l’activité touristique.

A l’image du Président Bruno Magras, qui a adressé un courrier à Annick Girardin mardi 2 juin (à lire en intégralité sur notre site). « Ce traitement différencié de nos îles, et de Saint-Barthélemy en particulier, apparaît de plus en plus injustifié, inéquitable, pour ne pas dire discriminatoire », écrit-il. Il rappelle que le conseil territorial a voté pour l’ouverture générale de Saint-Barthélemy, aux Français comme aux étrangers, sans quatorzaine ni septaine. « Saint-Barthélemy est prête. Nous avons pris nos responsabilités. Nous apportons des garanties fortes. Nous avons proposé une stratégie claire depuis plusieurs semaines. Nous souhaitons maintenant connaître l’ambition de l’Etat pour notre île : l’asphyxie économique, avec toutes ses conséquences, ou le redémarrage immédiat. » Et il provoque : « Si l’Etat s’obstinait malgré tout à maintenir sous cloche Saint-Barthélemy, et donc à condamner notre économie à un effondrement certain, je puis d’ores et déjà vous adresser une demande d’aides financières massives qui devrait inclure a minima une exonération du paiement de la DGC par la Collectivité à l’Etat pendant cinq ans, ainsi qu’une prise en charge des pertes d’exploitation de nos entreprises du secteur touristique pour 2020. »

Deux jours plus tard, Annick Girardin a répondu aux questions du Président de la Collectivité par une autre question. Elle demande à Bruno Magras s’il est partant pour «la levée des motifs impérieux pour voyager en outre-mer », et le remplacement « des quatorzaines par la présentation d’un test PCR négatif au Covid-19, effectué dans les 48 heures avant l’embarquement. » Evidemment, il est d’accord, c’est même exactement ce qu’il demande, comme la plupart de ses homologues ultramarins.

“Septaine” maintenue jusqu’au 22 juin (au moins)
En attendant, c’est le ministère de la Santé d’Olivier Véran qui décide du protocole. Il l’a fait samedi 6 juin, dans un communiqué transmis par l’ARS Guadeloupe, cosigné par Annick Girardin et Jean-Baptiste Djebbari (Transports). Il annonce que les motifs impérieux des outre-mer seront levés le 22 juin, tout comme le plafonnement du nombre de passagers par vol. D’ici là, les entrants devront réaliser un test de dépistage dans les 72 heures avant leur départ, dont le résultat devra être négatif. Une fois sur place, les arrivants devront respecter sept jours de quarantaine, puis réaliser un second test. Si celui-ci est de nouveau négatif, ils pourront vaquer à leurs occupations, en respectant les gestes barrière. Ils devront aussi s’engager à éviter les rassemblements et les contacts avec les personnes fragiles, notamment les personnes âgées. « Un bilan de cette expérimentation, qui portera notamment sur les conditions de réalisation des tests avant et après le vol et leurs résultats, sera réalisé au 22 juin », précise le communiqué.
Cela ne certifie pas que l’isolement des entrants sera levé le 22 juin (même si la septaine est déjà peu ou pas respectée dans les faits). Les propos d’Annick Girardin, le 8 juin sur RCI Guadeloupe, laissent toutefois penser que ce sera le cas. « Au-delà de cette expérimentation, certains territoires souhaitent que l’on passe directement à des tests en supprimant la quatorzaine ou la septaine, d’autres veulent aller plus progressivement », a-t-elle expliqué, soulignant la nécessité de prendre des décisions territoire par territoire, en lien avec les décideurs locaux. Pas sûr que ceux-ci aient la patience d’attendre encore deux semaines avant d’y voir plus clair.

Journal de Saint-Barth N°1379 du 10/06/2020

Touristes plus que jamais désirés
Tribunal
Thomas Gréaux président de la Cem

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