Comme chaque année depuis qu’il occupe le poste de directeur de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom) de la Guadeloupe et des Iles du Nord, c’est en personne que Thierry Beltrand est venu présenter le rapport annuel de l’Iedom à Saint-Barthélemy. Jeudi dernier, le 12 octobre, c’est devant un auditoire exclusivement composé d’officiels de l’île qu’il a dévoilé les données et analyses contenues dans le rapport annuel économique 2022. « Nous avons essayé de l’enrichir avec les données dont on dispose, assure Thierry Beltrand. Comme avec une section commerce. » Celle-ci n’est toutefois pas encore très fournie, même si elle permet d’apprendre que 532 entreprises ont été créées à Saint-Barth en 2022, dont 337 dans le domaine du commerce. Un secteur d’activité qui représente 16,7% de l’emploi salariés de l’île et dont 80% des marchandises sont acheminées depuis l’Hexagone (les 20% restants proviennent des Etats-Unis, du Portugal, de Guadeloupe et de Saint-Martin).
L’effet “Revenge travel”
« On retient que 2022 est encore une année de forte reprise, constate le directeur régional de l’Iedom. L’île montre, comme après chaque crise, une capacité à rebondir très vite. D’ailleurs, Saint-Barth se situe très au-dessus des niveaux d’avant crise. » Une année record, en somme. Mais qui doit être analysée en conservant à l’esprit que l’année 2022 est la première de plein exercice après la crise sanitaire. Elle a donc été marquée, en partie, par ce qui a été baptisé le “revenge travel”. Soit une volonté accrue des touristes de s’envoler pour les destinations dont ils ont été privés pendant les périodes de fermeture des frontières et autres restrictions de déplacements.
Quoi qu’il en soit, Saint-Barth a enregistré une année record dans presque tous les domaines. A commencer par la fréquentation, cela va sans dire.
Forte hausse du nombre de visiteurs
En 2022, 288.013 visiteurs arrivants ont été dénombrés sur l’île. Ce qui a entraîné une hausse de revenu en matière de taxe de séjour, qui est passée à 15 millions d’euros. Dans le même ordre d’idée, le trafic aérien, avec 218.874 passagers (arrivées et départs cumulés), a augmenté de 49%. Pour le maritime, les arrivées enregistrées ont été de 160.722, soit une hausse de 71% par rapport à l’année précédente.
Au port de Gustavia, le trafic de passagers inter-îles a perdu entre 40% et 50% de ses passagers d’avant crises mais a rebondi « très vite et très fort », dixit le rapport, après chaque crise (+62% par exemple entre 2021 et 2022).
Par ailleurs, le nombre de croisiéristes « se redresse doucement », sans retrouver ses niveaux d’avant crise avec seulement un tiers des passagers recensés avant le Covid. Outre l’interruption traditionnelle de la saison des croisières entre mai et septembre, l’Institut explique cette baisse par la suspension totale des croisières entre mars 2020 et octobre 2021, la lente reprise de cette activité à travers le monde mais aussi « le choix politique de Saint-Barth de privilégier désormais une croisière de très haut de gamme sur des navires de petite taille ».
De janvier à juin 2023, le trafic maritime inter-îles a continué à battre des records avec une hausse de 8,3% par rapport au premier semestre 2022 et plus 26% par rapport à 2019, année de référence. Pour le trafic aérien, un léger fléchissement a été enregistré alors du premier semestre 2023, principalement en raison d’un retour à un rythme plus habituel de la fréquentation de l’île. Néanmoins, les chiffres globaux restent nettement plus élevés qu’en 2022 (+12%) et 2019 (+28%).
Immobilier et BTP
La reconstruction post-Irma conjuguée à la forte attractivité de l’île continuent de favoriser le dynamisme du secteur. A la fin 2022, la consommation de ciment atteint 87% des volumes de 2021 (année record). Dans le même ordre d’idée, fin 2022, les encours de crédits immobiliers sont en hausse de +5% sur un an (après +13% en 2021).
En 2023, le secteur de la construction semble montrer des signes de fléchissement. Ainsi, sur les six premiers mois de l’année, la consommation de ciment est en baisse de 1,3% par rapport à la même période en 2022. En revanche, les encours de crédit immobiliers sont en hausse de 7% sur une période d’un an (contre 6% en juin 2022).
L’activité bancaire à plein régime
Dans son rapport, l’Iedom constate que l’activité bancaire à Saint-Barthélemy se porte on ne peut mieux. Pour exemple, au 30 juin 2023, les encours de crédits se montent à 805,2 millions d’euros, soit une hausse de 13% sur un an. 544,3 millions de ces encours sont à mettre au compte des entreprises, et 252,3 millions sur celui des ménages. Les crédits à l’investissement sont en hausse de 35% et les crédits à l’habitat grimpent de 14%.
Dans le même temps, les actifs financiers, évalués à 1,37 milliard d’euros, sont également en augmentation de 9% sur un an. Les ménages y contribuent à hauteur de 781 millions (+11% sur un an) et les entreprises à hauteur de 560,4 millions (+5%).
En ce qui concerne les PGE (plan garanti par l’Etat), l’Institut estime que les banques ont « bien joué le jeu ». Il est précisé dans le rapport que le dispositif a bénéficié à 283 entités de l’île pour un montant total de 72 millions d’euros. « Soit 6% du nombre total de PGE accordés en Guadeloupe et dans les Iles du Nord », souligne l’Iedom. Le secteur du commerce est le principal bénéficiaire des PGE puisqu’il en récolte 29%. En revanche, pour ce qui est du montant, ce sont les hôtels et restaurants qui en ont glané la plus grosse part (42%). Fin mai 2023, l’encours restant s’élève à 47,6 millions d’euros. 3% des PGE ont été intégralement remboursés.
Penser une étude sur le logement
La dernière enquête digne de ce nom sur le logement à Saint-Barthélemy remonte à 2020. A l’époque, 5.800 logements avaient été comptabilisés. Les résidences principales représentaient 72,5% de l’ensemble, contre 21,7% pour les résidences secondaires et les logements occasionnels. Entre 2015 et 2020, 704 unités de logements supplémentaires ont été érigées à Saint-Barth. Seul problème : l’absence de donnée sur cette question depuis 2020.
Consommation d’énergie en hausse croissante
Dans son rapport, l’Iedom rappelle que la capacité de production d’électricité à Saint-Barth est de 34,2 mégawatt, répartie sur huit moteurs. Le réseau est composé de 54 kilomètres de lignes moyenne tension (désormais enfouies) et de 124 kilomètres de lignes haute tension (109 km enfouis). En 2022, la consommation d’électricité a augmenté de 8,1% par rapport à 2021, qui était déjà en hausse de 8,9% comparée à 2020.
Pour ce qui est de l’eau, Saint-Barth comptait 4.904 clients en 2022. « Ce qui représente une hausse de 2,9% par rapport à l’année précédente », note l’Institut. Avec pour principale conséquence une augmentation de la consommation d’eau moyenne par jour en 2022 (3.290 m3) de 9,8% par rapport à 2021 et de 11,8% par rapport à 2019.
Des recommandations
Comme chaque année, le rapport de l’Iedom se conclut par quelques recommandations destinées à attirer l’attention des décideurs sur différentes problématiques. Si la réussite du « modèle Saint-Barth » est une fois encore souligné par l’Institut, celui-ci invite à « lutter contre les abus » dans le domaine touristiques et incite les professionnels à attirer des saisonniers « très qualifiés ». Pour ce faire, il faudra leur proposer des logements décents. Or, comme le souligne l’Iedom, les prix du bâti et le niveau des loyers sont devenus « inabordables » pour une grande partie de la population, résidente ou de passage.
Par ailleurs, l’Institut remarque que « de nombreuses infrastructures publiques sont arrivées à saturation ». Le port, la production d’eau et d’électricité ou encore les structures d’assainissement sont mentionnés.
Enfin, Thierry Beltrand précise que la collectivité territoriale a saisi l’Institut dans le but d’actualiser le PIB (produit intérieur brut) de Saint-Barthélemy. Ce qui n’a pas été fait depuis 2014.
T.F.